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La garantie d’évolution de la rémunération d’une salariée au retour de son congé maternité. Par Laura Chambon, Juriste.
Parution : mercredi 7 mars 2018
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Les dispositions de l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoyant une garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité sont d’ordre public. Par conséquent, l’employeur ne peut pas y déroger en octroyant à la salariée une prime exceptionnelle en lieu et place du bénéfice de l’augmentation générale accordée durant son congé maternité.

Chambre sociale, 14 février 2018, n°16-25.323 : Attendu, selon le texte susvisé, qu’en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise ; qu’il ne peut être dérogé à ces dispositions d’ordre public qui mettent en œuvre les exigences découlant de l’article 2 § 7, 2ème alinéa de la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 devenu l’article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ; Qu’en statuant ainsi après avoir relevé que l’employeur avait remplacé l’augmentation de salaire due en vertu de la loi à la salariée à son retour de congé de maternité par le versement d’une prime exceptionnelle, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ».

En l’espèce, une salariée fait l’objet d’une réintégration sur son poste de travail à la suite de son retour de congé maternité. Durant son congé maternité, une augmentation de 2,2% des salaires a été accordée au personnel. La salariée demande donc à bénéficier de cette augmentation.
L’employeur ne lui accorde pas cette augmentation mais lui octroi en contrepartie, une prime exceptionnelle d’un montant de 400 euros.

La salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et afin d’obtenir également, le bénéfice des augmentations de salaire intervenues durant son congé maternité.

Les juges du fond déboutent la salariée de ses demandes, considérant que cette dernière avait en réalité bénéficié de l’augmentation au travers d’une prime exceptionnelle. Les juges du fond considèrent également qu’à cette occasion, la salariée n’allègue pas que son consentement aurait été vicié.

La salariée forme un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 février 2018 (n°16-26.323) casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. La Cour considère en effet que l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoyant une garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité est d’ordre public. Par conséquent, il n’est pas possible de déroger aux dispositions prévues par cet article. Ainsi, il n’était pas possible de considérer que l’employeur avait respecté son obligation de garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité en remplaçant l’augmentation de salaire par une prime exceptionnelle. La Cour considère également que le manquement de l’employeur était en l’espèce, suffisamment grave et rendait impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur devait être prononcée.

A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (C. trav. Art. L. 1225-25).

La salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité a droit à l’entretien professionnel (C. trav. Art. L. 1225-27).

De même, la salariée qui reprend son activité bénéficie d’un examen médical de reprise, pratiqué par le médecin du travail à la demande de l’employeur.

Réintégration du salarié sur son poste de travail :

A l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi assorti d’une rémunération équivalente.

Si celui-ci n’existe plus ou n’est plus vacant, il doit être réintégré dans un emploi similaire (Cass. soc. 4-12-1986 n° 83-44.549).

Par un emploi similaire on doit comprendre un emploi n’entraînant pas de modification de son contrat de travail et correspondant à sa classification (Cass. soc. 1-2-2012 n° 10-20.906).

Garantie de rémunération :

L’article L. 1225-26 du Code du travail dispose la rémunération de la salariée est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.

Cet article s’applique en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles prévues par l’article L. 1225-26 du Code du travail.
Ainsi, si un accord collectif prévoit des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé maternité plus favorables, ce sont ces stipulations qui s’appliquent.

Cette garantie d’évolution de rémunération consiste à majorer la rémunération, c’est-à-dire, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée du congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle, c’est-à-dire ayant le même coefficient pour le même type d’emploi (Circ. 19-4-2007) ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.

Les salariés n’ayant pas eu d’augmentation sont inclus dans le calcul de la moyenne (Circ. 19-4-2007).

Le dispositif légal de rattrapage salarial instauré par la loi au bénéfice des salariées reprenant le travail après un congé de maternité est d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut y être dérogé par accord.

Par conséquent, et comme il en ressort de l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 14 février 2018 (n°16-25.232), l’employeur ne peut pas s’exonérer de cette obligation en versant une prime à la salariée à son retour de congé maternité.

La Cour de cassation apporte une seconde précision dans l’arrêt du 14 février 2018. En effet, en considérant que l’employeur ne peut pas remplacer l’augmentation de salaire due en application de l’article L. 1225-26 du Code du travail par une prime exceptionnelle, elle affirme que le rattrapage vise obligatoirement la rémunération du salarié.

Par mesure de sécurité, il est conseillé à l’employeur ayant procédé à la garantie d’évolution de la rémunération de la salariée à son retour de congé maternité d’attester de cette augmentation dans un écrit qui sera transmis à la salariée.

A défaut d’une telle preuve, il lui sera difficile de prouver, en cas de litige, que l’augmentation de salaire qu’il lui a accordée, résultait bien de l’application de la garantie.

Tel a été le cas pour exemple, d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen au sein duquel la Cour a considéré qu’il n’était pas établi que la hausse de salaire, acté par les bulletins de paie de la salariée, correspondait à l’application de la garantie d’évolution de la rémunération en application de l’article L. 1225-26 du Code du travail (CA Rouen 11-1-2011 n° 10/01606).

Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 14 février 2018, n°16-25.323.

Laura Chambon Juriste droit social SL CONSULTING CONSILIUM www.cabinet-sl-consulting.com Twitter : @SASConsilium Facebook : Sebastien.consilium Linkedin : SL Consulting Consilium Google+ : +SébastienLagoutte
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