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Egalite femmes / hommes, lutte contre les violences / discriminations au travail : de la nouveauté côté gouvernement … mais quelle efficacité en attendre ? Par Gabrielle Fingerhut, Avocat.
Parution : mercredi 14 mars 2018
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Coté égalité femmes / hommes, et violences à l’encontre des femmes sur leur lieu de travail, deux séries de modifications / améliorations s’annoncent :
- Un nouveau volet consacré à l’égalité professionnelle entre les sexes devrait intégrer le prochain projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel,
- Des mesures visant à lutter contre les violences à caractère sexuel et sexiste au travail devraient être prises.

Quand ?

La présentation de ces mesures devrait être effectuée au mois d’avril prochain en Conseil des ministres.

A l’issue de cette présentation, les partenaires sociaux disposeraient d’un mois pour se prononcer sur le plan d’action gouvernemental, qui comprend 5 mesures pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes au travail et 10 mesures pour rétablir l’égalité salariale entre les sexes.

1. L’égalité salariale entre les sexes

Comment ?

Concernant le rétablissement de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le projet est de réduire l’écart salarial en mettant à la charge de l’employeur une obligation de résultat.

On vise ici la réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes et mais pas encore l’égalité … tout est dans la nuance.

De fait, à ce jour, et selon le Gouvernement, à poste et âge équivalents, le taux d’écart de salaire entre les femmes et les hommes est de 9 %.

Le 0 % est encore loin d’être atteint.

Avec quels outils ?

La difficulté, en matière de discrimination salariale quelle qu’en soit la nature, est que l’employeur peut toujours la justifier par des critères objectifs, en faisant valoir, à titre d’exemples :
- Une différence au niveau de l’ancienneté ;
- Des diplômes inégaux ;
- Une formation divergente ;
- Des résultats évalués différemment ;
- Le fait que la salariée appartient à un autre service fonctionnant différemment.

De sorte qu’il est logique que, concrètement, la mise en œuvre de cette mesure nécessite l’élaboration de critères objectifs de calcul des écarts de salaire.

Sur ce pont précis, le projet de loi est innovant.

Il s’agirait de mettre en place un véritable outil novateur dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés.

Un logiciel gratuit, car libre de droit serait directement intégré au cœur des logiciels de paie.

Si le logiciel signale un écart entre les salaires des femmes et des hommes ne respectant pas le Code du travail, ce signalement ouvrirait un délai de 3 ans au cours duquel l’entreprise devra se mettre en conformité.

Quelle sanction en cas de manquement ?

En cas de non-conformité persistante à l’issue de ce délai de 3 ans, une sanction serait décidée par l’inspection du travail et pourrait être prononcée contre l’employeur sur la base du manquement à son obligation de résultat en matière d’égalité salariale.

Et c’est là que la sanction commence à être intéressante puisqu’elle représenterait 1 % de la masse salariale et qu’elle se cumulerait avec la pénalité financière déjà en vigueur dans les entreprises d’au moins 50 salariés lorsqu’elles manquent à leur obligation de négocier sur l’égalité professionnelle entre les sexes prévue à l’article L. 2242-8 du Code du travail.

Une nouvelle obligation de transparence comme une deuxième sanction … ou comme récompense pour les bons élèves

Le plan d’action gouvernemental propose d’imposer aux entreprises de publier sur leur site internet leur résultat global en matière de réduction des écarts de salaire entre les femmes et les hommes.

Or aujourd’hui, de nombreuses entreprises aiment à afficher l’égalité entre les sexes parmi le personnel et pour des raisons de communication de plus en plus importantes, cette obligation de transparence frappe là où il faut frapper … bien que, je le répète, nous sommes loin encore de viser le 0% de différence de salaire moyen entre les deux sexes.

De fait, depuis l’année 2005, le label Egalité récompense l’exemplarité des pratiques des entreprises dans leur approche de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Or, à l’heure actuelle, près de 750 000 salariés travaillent au sein d’entreprises ayant demandé et obtenu ce label…. Sur 28,7 millions d’actifs en France en 2015 (statistiques INSEE), ce qui fait relativiser.

Ainsi, même si, pour inciter les employeurs à obtenir ce label, le gouvernement entend le renforcer, encore faut-il sensibiliser et éduquer les français à porter une attention toute particulière aux entreprises avec lesquelles ils travaillent / consomment pour donner à l’obtention de ce label, et aux mesures pour y parvenir, un tout autre poids.

Il reste sur ce point encore beaucoup de travail…

Des informations en toute transparence pour les représentants du personnel

Les représentants du personnel (membres du comité social et économique, délégués syndicaux) auraient accès aux données en la matière catégorie de poste par catégorie de poste.

Pour mémoire, ces données sont à ce jour moins lisibles car ventilées par catégorie professionnelle et deviendrait en conséquence beaucoup plus précises.

Reste à déterminer de manière concrète comment les représentants du personnel vont pouvoir faire fructifier ces informations et réduire les disparités de manière uniforme selon la qualité des relations sociales dans les différentes entreprises comportant des représentants du personnel.

Et pour les entreprises cotées en bourse ?

Deux mesures visent plus particulièrement les entreprises cotées en bourse :
- l’adoption par le comité des rémunérations et le conseil d’administration d’une délibération sur les résultats en matière d’égalité salariale dans la société ;
- l’information annuelle du conseil d’administration sur la mixité dans le "top 100 du management" de l’entreprise.

La, encore, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces mesures de transparence et penser que les sanctions financières, prévues à ce stade, seraient les plus efficaces.

Les autres mesures sur ce point
- les interventions de l’inspection du travail seraient multipliées par 4 sur le seul sujet de l’égalité professionnelle et salariale, passant ainsi de 1 730 à 7 000 contrôles par an ;
- pour lutter contre les stéréotypes à l’embauche, des guides seraient mis à la disposition des entreprises, des branches, des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (un guide
- la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale serait favorisée en valorisant auprès des entreprises certaines pratiques, notamment celles liées à l’organisation du travail (gestion des temps, télétravail, etc.).

2. Coté lutte contre les violences à caractère sexuel et sexiste au travail

Selon le Gouvernement, la lutte contre les violences sexuelles au travail passe par 5 actions :
1/ prévenir
2/ former
3/ informer
4/ accompagner
5/ sanctionner

Qui ?

Il est prévu de confier un rôle de prévention aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ainsi qu’aux branches professionnelles.

En outre, inspecteurs du travail, médecins du travail, représentants du personnel et conseillers prud’homaux bénéficieraient de formations sur les violences au travail dans la perceptive de les aider dans leurs missions respectives (détecter les violences, accompagner les victimes, préserver la santé, la sécurité et les conditions de travail, etc.).

Dans le souci d’améliorer l’information sur ces violences, les services chargés des ressources humaines ainsi que le personnel d’encadrement seraient sensibilisés à ces questions selon des modalités à définir par accord de branche ou d’entreprise ou par les CPRI.

L’obligation d’informer les salariés sur leur lieu de travail, par tout moyen (affichage par exemple), des voies de recours ouvertes aux victimes (Défenseur des droits, inspection du travail, médecine du travail, etc.) serait parallèlement renforcée.

Des référents formés et identifiables par les salariés seraient mis en place pour l’accompagnement des victimes et choisis parmi les représentants du personnel et les membres de la médecine du travail ainsi que, dans les entreprises d’au moins 250 salariés, parmi les membres des ressources humaines.

La question reste : ces dispositifs seront-ils efficaces ?

A ce jour, le médecin du travail même lorsqu’il dénonce des faits susceptibles de porter atteinte à la santé des salariés ne voit pas dans une proportion importante de cas ses courriers / mises en demeure suivies d’effet.

De même, l’inspecteur du travail qui dispose d’un pouvoir de prévention non assorti de sanction verra certainement son efficacité d’action limitée.

Qu’en est-il du référent au sein du service des ressources humaines qui est nécessairement côté employeur … on peut craindre que son action soit orientée et limitée par ses propres enjeux professionnels et ses intérêts contraignants.

Quant à l’obligation d’affichage … c’est un minimum et cela pourrait contribuer, assorti d’un dispositif efficace, à minimiser les faits de violences faites aux femmes ou à tout le moins à sensibiliser les salariés de tous sexes.

Quelles sanctions ?

En cas de faits de violence avérés, leurs auteurs subiraient des sanctions proportionnelles aux violences, le cas échéant par une mutation ou un licenciement, sous les conseils éventuels de la Direccte. Cette sanction vise les autours et non les entreprises, ce qui, encore une fois, en restreint, à mon sens l’efficacité.

Source : Actualité gouv. 8-3-2018 ; Actualité min. travail 9-3-2018

Gabrielle FINGERHUT Avocat à la Cour Droit du travail - Droit pénal - Droit pénal du travail - Droit de la famille Ancien secrétaire de la Conférence http://www.cabinetfingerhut-avocat.com/ gf@cabinetfingerhut-avocat.com