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Compétence du juge judiciaire pour ordonner la démolition d’éoliennes implantées en méconnaissance des règles d’urbanisme. Par Laurence Esteve de Palmas, Avocat.
Parution : jeudi 15 mars 2018
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Dans un arrêt du 14 février 2018 (n°17-14.703), la Cour de cassation s’est prononcée sur la compétence du juge judiciaire pour ordonner la démolition d’une éolienne implantée en méconnaissance des règles d’urbanisme.

L’action était fondée sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme qui permet, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire qui a ensuite été annulé par le juge administratif, de demander la démolition de cette construction devant le juge civil.

En l’espèce, une société avait été autorisée à construire quatre éoliennes et un poste de livraison par un arrêté préfectoral de 2005. Or, en 2010, la juridiction administrative a annulé cet arrêté préfectoral.

Des requérants ont alors assigné le constructeur devant le juge judiciaire sur le fondement de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme pour obtenir le démontage des constructions édifiées en vertu du permis annulé. Cependant, le juge judiciaire s’était déclaré incompétent au motif que la démolition des éoliennes remettrait en cause la poursuite de l’activité de ces installations, dont l’exploitation relève de la législation sur les installations classées (ICPE).

En effet, selon une jurisprudence constante (voir par exemple Cass 1ère civ, 25 janvier 2017, n°15-25.526), les mesures ordonnées par le juge judiciaire ne doivent pas contrarier les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient. Le juge judiciaire ne peut donc par exemple pas imposer la démolition d’éoliennes sur le fondement du trouble anormal de voisinage car cela reviendrait à empiéter sur les compétences de l’administration qui a autorisé l’exploitation de ces installations.

Cependant, pour la Cour de cassation, le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose seulement à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a porté dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Le juge judiciaire reste ainsi compétent pour ordonner la démolition d’ICPE lorsque le permis autorisant la construction a été annulé par la juridiction administrative. En effet dans ce cas, le juge judiciaire ne fait que tirer la conséquence de l’annulation de l’autorisation de construire.

Si cette jurisprudence peut, à première vue, sembler fragiliser encore un peu plus les projets éoliens, force est de constater que le risque contentieux qui menace de tels projets se réduit drastiquement. En effet, le périmètre « géographique » de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme a depuis été sensiblement réduit par la loi « Macron » du 6 août 2015 : désormais la démolition ne peut être imposée que pour les constructions se trouvant dans des zones protégées (espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, etc.). Surtout, la réforme de l’autorisation de l’environnementale dispense aujourd’hui de permis de construire les projets d’installation d’éoliennes (article R. 425-29-2 du Code de l’urbanisme).

Laurence Esteve de Palmas EDP avocats