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Les listes de médiateurs par Cours d’appel. Par Claude Bompoint Laski, Médiateur et Claude Duvernoy, Avocat.
Parution : vendredi 16 mars 2018
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Position de la Fédération Française des Centres de Médiation à propos de la circulaire ministérielle du 8 février 2018, prise en application de l’article 8 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017, qui précise les modalités d’établissement de listes de médiateurs par les Cours d’appel.

Un « bon médiateur » doit présenter des dispositions naturelles, en particulier un « savoir-être » empathique. Il doit aussi avoir acquis un « savoir-faire » méthodologique efficace. Il doit enfin le « faire-savoir ».
Même s’il convient de s’interroger sur les conséquences éventuellement négatives de cette institutionnalisation, cette liste, rendue publique, donne la faculté aux personnes en conflit, à toute étape de leur différend, ainsi qu’aux magistrats, de choisir un médiateur « référencé ».
Cette circulaire s’applique en matière civile, commerciale et sociale.

Certaines dispositions de la Circulaire du 8 février 2018 rappellent les principes fondamentaux de la médiation.

I. Le principe de l’unification des critères de compétences des médiateurs inscrits sur la liste des Cours d’appel.

En médiation judiciaire, cinq critères sont imposés au médiateur
Article 131-5 du code de procédure civile
La personne physique qui assure l’exécution de la mesure de médiation doit satisfaire aux conditions suivantes :
1° Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
2° N’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
3° Posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ;
4° Justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation
5° Présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation. 

En médiation conventionnelle, seulement deux critères sont imposés au médiateur
Article 1533 du C.P.C.
« Le médiateur et, le cas échéant, la personne mentionnée au second alinéa de l’article 1532, doit satisfaire aux conditions suivantes : 
1° Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 3 du casier judiciaire ; 
2° Posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation. »

Le contenu du bulletin n°3, remis à l’intéressé, est le plus restreint, alors que le bulletin n°2 ne peut être délivré qu’à certaines administrations pour des motifs précis.
Dans le même ordre d’idée, la suppression de la référence à « l’honneur, la probité et les bonnes mœurs » est également discriminante.
Mais surtout, la « garantie d’indépendance » - valeur consubstantielle de la médiation – n’est pas exigée du médiateur réalisant des médiations conventionnelles.
Ces discriminations ne se justifient pas, étant rappelé que le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice.

La qualité d’une médiation menée par un même médiateur, selon qu’il est désigné par le juge ou choisi par les parties, serait elle différente ?

Les critères de sélection retenus par le décret du 9 octobre 2017 – art. 2 - et par la circulaire du 8 février 2018.

« Une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d’appel que si elle réunit, indépendamment de celles requises par des dispositions propres à certains domaines particuliers et de celles spécialement prévues à l’article 131-5 du CPC pour l’exécution d’une mesure de médiation, les conditions suivantes :
1° Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
2° Ne pas avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
3° Justifier d’une formation ou d’une expérience attestant l’aptitude à la pratique de la médiation.
 »

Les mentions discriminantes de l’article 1533 du CPC aux dépens du médiateur choisi par les parties (bulletin n°2 du casier judiciaire et pas d’indépendance) sont donc inapplicables dans le cadre de l’établissement de la liste de médiateurs de la Cour d’appel, de sorte que les critères de sélection des médiateurs sont, en l’espèce, unifiés.

L’incidence de la publication de la liste des médiateurs de la Cour d’appel.

Aux termes de l’article 8 de la loi du 18 novembre 2016, transcrit à l’article 22-1 A de la loi du 8 février 1995, cette liste était destinée uniquement à informer les juges.

La circulaire a repris les dispositions du décret du 9 octobre 2017 qui prévoient :
«  Elle est tenue à la disposition du public par tous moyens, à la convenance de la cour d’appel, notamment par voie d’affichage dans les greffes ou lieux d’accueil du public ainsi que sur les sites internet et extranet des cours d’appel ».
Même si les dispositions du code de procédure civile restent inchangées, l’accès du public à cette liste tend vers une unification des critères de compétences des médiateurs inscrits, qui peuvent aussi bien être choisis pour une médiation conventionnelle que désignés pour une médiation judiciaire.

II. Le principe de liberté pour le juge et pour le citoyen de choisir le médiateur.

Préambule de la circulaire :
«  Toutefois, les juges demeurent susceptibles de désigner un médiateur non inscrit.  »
La liberté de choix du juge par rapport à la liste.
La circulaire fait ici application de l’avis émis par le Conseil d’Etat le 30 juillet 2015 dans le cadre de la réforme J 21, qui s’est opposé aux monopoles en matière de médiation familiale en reprochant au Gouvernement de « restreindre la liberté du choix du juge dans la désignation du médiateur ».

La liberté de choix du citoyen par rapport à la liste.
Elle n’est pas rappelée dans la circulaire, peut être comme constituant une évidence en vertu du principe de l’autonomie de la volonté des participants, qui préside aussi bien à la médiation conventionnelle que judiciaire.
Ce principe est rappelé dans le Considérant 11 de la directive 2008/52/CE en ces termes :
« La médiation prévue par la présente directive devrait être un processus volontaire en ce sens que les parties elles mêmes sont responsables du processus et peuvent l’organiser comme elles l’entendent et y mettre un terme à tout moment. »

Mais, eu égard à la définition très critiquable de la médiation, introduite par l’ordonnance de transposition de 2011 à l’article 21 de la loi du 8 février,
« La médiation... s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit sa dénomination… »,
il serait souhaitable que la liberté des citoyens de choisir le médiateur soit rappelée expressément :
« La médiation est un processus volontaire et structuré… » étant précisé que, même ordonnée par le juge, la médiation reste un processus d’adhésion consensuel.

III. Le principe selon lequel l’activité de médiation n’est pas subordonnée à la détention d’un diplôme.

" L’exercice de l’activité de médiation n’est pas subordonné à la détention d’un quelconque diplôme "
"Ainsi le DEMF… ne constitue pas un préalable à la pratique de la médiation familiale".
"Il existe différentes formations à la médiation, certaines sanctionnées par un diplôme, dont les candidats peuvent se prévaloir, et il n’y a pas lieu, en l’état actuel de la réglementation, de privilégier une formation par rapport à une autre".
Cette disposition est conforme à l’avis du Conseil d’Etat ci-dessus rappelé, opposé à « l’exclusivité des médiateurs familiaux diplômés ».

Le rappel de ce principe met un terme aux réticences de certains prescripteurs.
Le fait de poser le principe selon lequel l’activité de médiation n’est pas subordonnée à la détention d’un diplôme quelconque met également un terme à certains projets de créer des diplômes d’Etat par spécialité, et rappelle que le médiateur est, avant tout, un généraliste, tenu d’une obligation de moyens consistant à appliquer rigoureusement une méthodologie.

La circulaire s’en tient ainsi aux critères de compétences prévus à l’article 131-5 du CPC.

D’autres dispositions de la circulaire précisent les modalités d’instruction des candidatures.

I. Domaines d’intervention et spécialisation.

« Il n’est pas créé de nomenclature comme cela existe pour les experts »
« Il peut cependant paraître pertinent de préciser les domaines d’intervention ».

La liste se limite aux « spécialités » « civiles, sociales ou commerciales »

Au titre des médiations commerciales, sont inclus les médiations en matière de « consommation, les médiateurs d’entreprises, etc. », conformément aux décrets n°2015-1382 du 30 octobre 2015 et n°2015-1607 du 7 décembre 2015.
On peut en déduire que les médiateurs en matière administrative seront inscrits sur une autre liste.

Parmi les « spécialités en matière civile » la médiation en matière familiale disposera d’une rubrique spéciale, conformément à l’article 1er § 2 du décret du 9 octobre 2017 :
" La liste comporte une rubrique spéciale pour les médiateurs familiaux  ».

La circulaire précise que cette rubrique « a vocation à regrouper les médiateurs qui l’indiquent dans leur spécialité » et rappelle que la possession du DEMF, souhaitable, ne conditionne pas l’exercice de cette activité.
Sont évoquées « les autres conditions requises » qui ne résultent d’aucun texte particulier.

En conséquence, les critères de compétences requis pour figurer dans la rubrique des « médiateurs familiaux » sont ceux de l’article 131-5 du CPC, repris surabondamment à l’article 2 du décret du 9 octobre 2017.

L’expression « médiateur familial » est impropre : aucun texte ne le définit.
Conformément au décret du 9 octobre 2017, l’expression « médiateur en matière civile, commerciale, sociale » doit être utilisée pour le « médiateur en matière familiale »

II. Les professions judiciaires et juridiques réglementées.

La circulaire indique que l’instruction des demandes de candidats figurant sur « les listes nationales de membres de leur profession exerçant la médiation » peut être moins approfondie, et ce, en référence aux annuaires des avocats (CNMA), des notaires et huissiers.

Cette disposition ne constitue pas un critère discriminant dans la mesure où elle correspond à ceux de l’article 131-5 du CPC, notamment :
« 3° Posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ».
Il s’agit de la reconnaissance par les pouvoirs publics de l’expérience de la gestion du litige, voire du conflit, par ces professionnels du droit.

Conformément à l’article 10 du décret du 9 octobre 2017, repris dans la circulaire, ces professionnels assermentés, sont logiquement dispensés de prêter le serment du médiateur :
« Je jure d’exercer ma mission de médiateur en mon honneur et conscience et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à cette occasion ».

III. L’inscription des personnes morales.

« Les personnes morales susceptibles d’être inscrites sur les listes sont celles dont l’objet social comprend l’activité de médiation ».
« Les associations ayant pour seul objet de regrouper des médiateurs autour d’une thématique n’ont pas vocation à candidater ».

La pratique de la médiation est au cœur du dispositif de la liste de médiateurs de la Cour d’Appel.
La qualité de cette pratique est elle-même garantie par les systèmes de contrôle mis en place par les associations de médiateurs : « le magistrat instructeur peut recevoir le candidat et recueillir les avis qui lui paraissent nécessaires. Pour ce faire il s’appuie, notamment, sur les centres de médiation… »

Il est donc souhaitable que les centres de médiation, personnes morales, soient en tête de liste et que l’appartenance de chaque médiateur, personne physique, à une association soit mentionnée avec son nom, de sorte que ce lien apparaisse lors du choix du juge ou du citoyen.

Les candidatures indépendantes de personnes physiques, non membres d’une personne morale, sont naturellement autorisées conformément au principe du libre choix.

IV. L’inscription sur la liste de plusieurs Cours d’appel.

« Les médiateurs peuvent solliciter leur inscription dans plusieurs cours d’appel, sans condition de résidence ou d’activité ».

Cette disposition n’est pas mentionnée dans le décret du 9 octobre 2017, mais elle n’est pas contraire à l’esprit du texte.
Elle prend en compte d’éventuels conflits d’intérêts justifiant le choix d’un médiateur en dehors du ressort, ou le recours à un médiateur « spécialisé » dans une matière très technique.

L’élaboration de ces listes et leur harmonisation sera assurée par les magistrats conseillers chargés de coordonner l’activité des médiateurs (article R312-13-1 du C.O.J.) avec les moyens techniques du SADJAV [1].

Conclusion :

La circulaire du 8 février 2018, conforme aux textes et aux principes régissant la médiation, constitue un document véritablement « refondateur » de la médiation.
Il est souhaitable qu’elle ait l’impact que s’est fixé la Chancellerie, au-delà du principe de hiérarchie des normes, au nom de l’intérêt général.
La médiation, processus éthique par essence, pour le médiateur et pour les participants, garanti par les codes de déontologie, peut, théoriquement, se pratiquer sans référence à des textes législatifs ou réglementaires.
Souhaitons que d’autres circulaires, aussi pragmatiques que celle-ci, lèvent bientôt les ambiguïtés de certains textes parus depuis la transposition de la directive 2008/52/CE en 2011.

Claude Bompoint Laski, Avocat honoraire, médiateur, Vice-présidente de la F.F.C.M Présidente de Bayonne médiation. Claude Duvernoy, Avocat, médiateur, Président de la F.F.C.M Président de l’Union des Services de Médiation Familiale du 92 Président de Médiation Seine.

[1Service de l’Accès au Droit et à la Justice et de l’Aide aux Victimes.

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