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La notion de "domicile" au sens de la Common Law, outil de planification successorale. Par Sarah-Jane Tasteyre, Avocate.
Parution : lundi 26 mars 2018
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Dans les juridictions de Common Law, et plus particulièrement à Hong Kong, le « domicile » est la notion qui permet de résoudre les conflits de lois, notamment en matière de règlement des successions.

Cette notion est comparable en France à celle de la résidence habituelle, notion qui a été remise au goût du jour, par la médiatisation de la succession de Johnny Halliday.

En France, le règlement européen UE 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions, nous renvoie à la notion de résidence habituelle afin de déterminer la loi applicable à l’ensemble de la succession.

A Hong Kong, en matière de succession, on applique le principe de la scission biens meubles/ biens immeubles, la notion de domicile permettant de déterminer la loi applicable aux biens meubles, les biens immeubles étant soumis à la lex situs.
Cette notion de domicile revêt donc une importance particulière.

Le règlement européen ne donne pas de définition de la résidence habituelle. De même à Hong Kong, il n’est pas non plus donné de définition de la notion de domicile. La loi sur le « domicile » entrée en vigueur en 2009 (Domicile Ordinance Cap 596), a cependant permis d’énoncer clairement les règles permettant de déterminer le domicile d’un individu.

Avant 2009, il était opéré une distinction entre le domicile d’origine qui provenait de la naissance, le domicile de choix que l’on pouvait acquérir par la suite et le domicile des dépendants, imposé aux femmes par l’effet du mariage par exemple. L’enfant avait un domicile d’origine de par sa naissance, qui pouvait être différent selon que ses parents étaient ou non mariés, qu’il ait été adopté ou légitimé par mariage par la suite.

La jurisprudence était venue préciser un certain nombre de règles et mettre en place un faisceau d’indices permettant de déterminer le domicile d’un individu.
Tout individu disposait d’un domicile dès sa naissance provenant de sa filiation paternelle. Il était possible d’en changer par la suite. Afin de déterminer le nouveau domicile, il convenait de répondre à la question : dans quel État l’individu avait-t-il eu l’intention de fixer son domicile de façon permanente ?

Depuis 2009, la loi est venue simplifier les choses en se fondant sur les principes mis en place par la jurisprudence. Aujourd’hui l’intention de l’individu est toujours prépondérante, et l’on se pose toujours la question de savoir si un individu avait ou non l’intention de s’installer de façon indéfinie dans tel ou tel pays.

En ce qui concerne la détermination du domicile des enfants et celui des incapables majeurs, le législateur a opéré un changement dans le sens d’une simplification, puisqu’il convient désormais de déterminer le pays avec lesquels ils ont le plus de liens.

L’enfant sera présumé être domicilié :
- dans le pays où sont domiciliés ses deux parents, qu’il habite avec les deux ou avec l’un seulement de ses parents ;
- dans le pays où le parent avec lequel il habite est domicilié.
Pour les femmes il n’y a plus de notion de domicile de dépendance.

Un individu peut changer de domicile s’il s’installe dans un nouvel État pour y établir son domicile de pour une durée indéterminée. Afin d’établir une telle intention les tribunaux de Hong Kong vont prendre en compte un certain nombre d’éléments dont la durée du séjour, la localisation des intérêts économiques de la personne, de son patrimoine, le mariage avec une personne locale et le lieu de la scolarisation des enfants. Le juge s’attachera également aux conditions de vie. L’individu vivait-il à l’hôtel, dans un meublé ou était-il propriétaire de son logement ?

Dans le cadre du règlement de successions internationales à Hong Kong, la détermination du domicile s’avère souvent compliquée, notamment lorsque le défunt a changé plusieurs fois de résidence habituelle, mais pas forcément de domicile et conserve des liens forts avec Hong Kong et d’autres pays.
Un des critères prépondérant sera l’obtention de la carte de résident permanent à Hong Kong qui s’acquiert après 7 ans de résidence continue à Hong Kong. Mais elle ne suffit pas. Il faudra apporter la preuve que le défunt remplissait certains des critères cités ci-dessus. De même l’absence de carte de résident permanent n’exclut pas automatiquement le domicile à Hong Kong.

Dans le cadre de la planification successorale à Hong Kong, il convient par conséquent pour un individu qui a fait le choix de se domicilier à Hong Kong de faire une déclaration de domicile dans son testament. Il peut être opportun de faire faire une déclaration de domicile dans une « affirmation of Law », une attestation faite sous serment devant notaire ou avocat. Une telle déclaration de domicile ne lie pas le juge, mais associée à d’autres éléments allant dans le même sens, elle permet d’avoir plus de poids auprès du juge.

La notion de domicile est devenue un outil non négligeable dans le cadre de la planification successorale en contexte international, qu’il convient d’aborder avec ses clients dès lors que ces derniers ont des liens importants avec des pays de la Common Law.

En effet pour faire le lien avec l’affaire Hallyday dont tout le monde semble si friand, être domicilié à Hong Kong permet de bénéficier du principe de la liberté testamentaire, et de ne pas être lié par la réserve héréditaire prévue par le droit français.

Sarah-Jane Tasteyre Avocate au Barreau de Paris et Registered Foreign Lawyer à Hong Kong sarahjanetasteyre@fongslawyers.com.hk www.facebook.com/avocatfrancaishongkong