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Prise en charge de la réfection de l’installation électrique dans les baux commerciaux à usage d’hôtellerie. Par Benoît Favot, Avocat.
Parution : vendredi 30 mars 2018
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Un arrêt récent de la Cour de cassation permet de rappeler les principes d’imputabilité des travaux de réfection de l’installation électrique dans les baux commerciaux à usage d’hôtellerie. (Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 février 2018) [1]

Cette question se pose souvent à la suite d’une visite de la Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’accessibilité.

En effet, les Établissements Recevant du Public sont soumis à des visites périodiques :
- avant que le maire ne délivre l’autorisation d’ouverture de l’établissement d’hôtellerie ;
- lorsque l’établissement est ouvert au public, sous la forme de visites régulières ou inopinées destinées à vérifier qu’il est toujours en conformité avec les normes de sécurité.

Dans ce cadre, la Commission peut rendre un avis défavorable à l’ouverture ou à la poursuite de l’exploitation, notamment lorsque l’installation électrique n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires.

C’est ainsi que se pose la question de savoir qui, entre le Bailleur et le Preneur, doit procéder à la réalisation de ces travaux de mises aux normes et de réfection de l’installation électrique.

En application de l’article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucun stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée pour l’usage auquel elle est destinée.

Une jurisprudence abondante précise que :
- le bailleur ne peut pas, notamment, par une clause spéciale du bail, s’exonérer de l’obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant l’installation électrique. [2]

- la réfection de l’installation électrique peut relever des dispositions de l’article 606 du Code civil, dont le coût ne peut être mis à la charge du locataire. [3]

Par conséquent, le bailleur peut être tenu de réaliser les travaux de mises aux normes du système électrique, si cette mise aux normes est nécessaire pour permettre l’exploitation des lieux selon l’usage auquel ils sont contractuellement destinés.

En principe, aucune stipulation ne peut exonérer le Bailleur de cette obligation essentielle de délivrance conforme de la chose louée.

Cependant, une stipulation expresse, précise et circonstanciée pourrait permettre de faire peser sur le locataire le coût de ces travaux de réfection de l’installation électrique.

Dans l’affaire qui était soumise à l’examen de la Cour de cassation, le locataire avait reçu une lettre de la mairie l’invitant à procéder à des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité incendie. Après avoir demandé à la bailleresse l’autorisation d’y procéder et les avoir réalisés, le locataire, qui avait obtenu la mainlevée d’un avis défavorable de la commission communale de sécurité-incendie à la poursuite de l’activité, a demandé la condamnation de la bailleresse à lui rembourser le montant des travaux.

Le bail disposait que « les preneurs prendront les locaux dans l’état où ils se trouveront lors de leur entrée en jouissance et les rendront en fin de bail en bon état de réparations locatives » et mettait à la charge des locataires « le paiement de toutes les réparations aux compteurs, au tuyautage, et aux fils conducteurs et à l’entretien de toutes canalisations, ainsi que leur renouvellement nécessaire fusse pour cause de gelée ou de vétusté ».

La clause du bail était donc imprécise et ne mettait pas expressément à la charge du locataire le coût des travaux de mises aux normes de l’installation électrique.

La Cour de cassation a donc jugé que, dans la mesure où "le bail ne prévoyait aucune stipulation expresse mettant ces travaux à la charge du locataire, le coût des travaux incombait au bailleur".

La Cour de cassation rappelle ainsi l’obligation essentielle du bailleur de délivrer un local conforme à la destination contractuelle convenue.

Dorénavant , le nouvel article 1170 du Code civil prévoit que "toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite".

Toute clause encadrant ou restreignant l’obligation stricte de délivrance du bailleur ne sera pas nécessairement réputée non écrite puisqu’il doit s’agir d’une clause qui priverait de sa substance, c’est-à-dire de son contenu, cette obligation de délivrance.

Il convient donc d’être vigilant dans la rédaction des clauses mettant à la charge du locataire certains travaux de mise en conformité, puisqu’il n’est pas exclu que la jurisprudence, en exécution de l’article 1170 du Code civil, réputent non écrites des clauses dont la licéité n’était pas remise en cause antérieurement.

Benoît Favot www.negotium-avocats.com [->bfavot@negotium-avocats.com]

[1N° de pourvoi : 16-26889, non publié au bulletin.

[2Voir par exemple CA PARIS, Pôle 5, Chambre 3, Arrêt du 15 mars 2017, RG nº 15/00941, Cass. 3e civ., 9 nov. 2010, no 09-69.762, AJDI 2011, p. 205, note Dreveau C. ; Cass. 3e civ., 18 mai 2011, no 10-15.946, AJDI 2011, p. 865, note Denizot C. ; Cass. 3e civ., 27 sept. 2011, no 10-24.065, Loyers et copr. 2011, comm. no302, note Chavance E.

[3Cass. 3e civ., 13 juill. 2005, no 04-13.764, Bull. civ. III, no 155.

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