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Contester une décision de refus d’orientation d’un élève. Par Sébastien Marmin, Avocat.
Parution : vendredi 6 avril 2018
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C’est parfois avec anxiété que les parents d’élève voient venir le mois de juin et la rentrée scolaire de début septembre. C’est souvent dans cette période propice aux décisions d’orientation que l’avenir scolaire de leur enfant se joue. Aussi il est préférable d’avoir en tête les différentes voies de recours pour ne pas être démuni face à un refus d’orientation opposé par le chef d’établissement.

Les refus d’orientation opposés à des élèves dans les établissements d’enseignement du second degré sont assez fréquents, au grand dam des parents. Ils concernent généralement les élèves de Troisième et de Seconde. On pensera par exemple à des refus de passage dans la filière générale souhaitée ou une réorientation en filière technique. Ces décisions administratives prises par le chef d’établissement font l’objet d’un encadrement strict prévu aux articles L. 331-8 et D. 331-23 et suivants du Code de l’éducation. Ces dispositions organisent également une procédure de recours qui appelle certains réflexes.

Le refus d’orientation opposé par le chef d’établissement

On entendra par refus d’orientation la décision prise par le chef d’établissement qui ne correspond pas aux demandes formulées par les parents de l’élève ou par l’élève lui-même s’il est majeur. On peut préciser à ce stade que les décisions de refus de passage anticipé relèvent des dispositions du Code de l’éducation concernant les élèves intellectuellement précoces et ne constituent pas des décisions d’orientation (CAA Paris, 13 mars 2018, n° 16PA03580). Elles ne relèvent donc pas de notre propos.
Les demandes d’orientation sont examinées par le conseil de classe qui émet des propositions d’orientation. Lorsque ces propositions sont conformes aux demandes formulées, le chef d’établissement prend ses décisions conformément aux propositions du conseil de classe et les notifie aux parents de l’élève ou à l’élève majeur (C. éduc., art. D. 331-33).

En revanche, lorsque ces propositions ne sont pas conformes, alors le chef d’établissement – ou son représentant – reçoit l’élève et ses parents ou l’élève majeur afin de les informer des propositions du conseil de classe et de recueillir leurs observations (C. éduc., art. D. 331-34). Au terme de cet entretien, le chef d’établissement prendra sa décision et la notifiera aux intéressés. Il faut souligner que si la décision n’est pas conforme aux demandes formulées, elle doit être motivée.
Il est important que les parents fassent connaître à l’occasion de cet entretien, de manière explicite, d’éventuelles demandes alternatives. À titre d’exemple, si un élève de Seconde se voit refuser le passage en classe de Première S du fait de l’insuffisance de ses résultats dans les matières scientifiques et qu’un passage en Première ES est envisageable (notamment du fait de l’écho favorable de certains enseignants), il convient de formuler cette demande subsidiaire lors de l’entretien si elle n’avait pas été formulée au préalable.

En effet, l’entretien cristallise les demandes formulées et une fois la décision rendue, il ne sera plus possible d’invoquer des orientations alternatives dans le cadre des voies de recours. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ainsi récemment rappelé que la sous-commission de recours n’est pas tenue d’examiner l’éventualité d’un passage dans une autre classe dès lors qu’aucune demande n’avait été formulée en ce sens dans les conditions prévues par les dispositions précitées du Code de l’éducation (TA Paris, ord., 21 août 2017, n° 1711092/9). On conseillera par ailleurs de bien conserver une trace écrite de cette demande alternative, soit en la formulant par écrit et en la remettant au chef d’établissement lors de l’entretien, soit en sollicitant une copie du compte-rendu de cet entretien.
La décision de refus peut faire l’objet d’un recours.

Le recours administratif préalable obligatoire devant la commission d’appel

Le Code de l’éducation organise ici un recours administratif préalable obligatoire (ou RAPO). On rappellera simplement que ce recours est, comme son nom l’indique, obligatoire ; il n’est donc pas possible de saisir le juge sans avoir au préalable effectué ce recours administratif. Par ailleurs, la décision rendue par l’autorité saisie du RAPO se substitue à la décision initiale du chef d’établissement (CE, sect., 30 mars 1973, n° 80717).
Le recours doit être formé dans un délai de trois jours à compter de la notification de la décision du chef d’établissement (C. éduc., art. D. 331-34, al. 5). Il est porté devant une commission d’appel présidée par le directeur académique des services de l’Éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie ou son représentant. Elle comprend des chefs d’établissement, des enseignants, des parents d’élèves, des personnels d’éducation et d’orientation nommés par le directeur académique des services de l’Éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie. La composition et le fonctionnement de cette commission sont fixés par un arrêté du 14 juin 1990.

On soulignera que des sous-commissions d’appel peuvent également être mises en place par le rectorat. À ce propos, il est intéressant de veiller à la régularité de la composition d’une telle sous-commission. En effet, l’arrêté précité prévoit en son article 2 que le directeur académique des services de l’Éducation nationale « agissant sur délégation du recteur d’académie peut mettre en place des sous-commissions d’appel dont la composition est identique à celle de la commission d’appel, à l’exception de la présidence qui est assurée par un chef d’établissement dont l’établissement n’est pas situé dans le ressort de la sous-commission ».

Le non-respect de cette dernière condition emporte annulation de la décision de la sous-commission (voir en ce sens, TA Versailles, 24 sept. 2015, n° 1405862). On pourra suggérer d’invoquer ce moyen en tant que vice d’incompétence (pour composition irrégulière) plutôt que vice de procédure (qui ne suffira pas à emporter l’annulation de la décision : CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033).

On rappellera que les parents de l’élève, l’élève mineur avec l’accord de ses parents, ou l’élève majeur peuvent être entendus par la commission. Attention toutefois, cette audition n’est pas automatique et il faut en faire la demande expressément lors du recours. À la fin, la décision prise par la commission d’appel vaut décision d’orientation définitive.

On notera en dernier lieu que la décision de refus d’orientation pourra faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif – recours qui obéira aux règles de droit commun. Il est alors (très) opportun d’assortir le recours en annulation d’un référé suspension de manière à obtenir une décision rapide et, par conséquent, d’éviter à l’élève de manquer plusieurs semaines de classe. Il est ici essentiel d’en appeler au pouvoir d’injonction que le juge administratif tient de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative et de demander, en plus de la suspension, le réexamen de la situation de l’élève.

Sébastien MARMIN Avocat au Barreau de Paris www.marmin-avocat.fr
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