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Notification du licenciement et défaut de réception de la lettre recommandée par le salarié. Par Bénédicte Flory et Margaux Zeisser, Avocats.
Parution : mardi 10 avril 2018
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En matière de licenciement, et dans un souci de protection du salarié, le Code du travail encadre strictement les délais de la notification.

Si l’article L.1232-6 susmentionné dispose que la lettre de licenciement doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, il ne s’agit que d’un « moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement » [1] puisque la date d’envoi marque la rupture des relations contractuelles [2] et sa première présentation au salarié fait courir le point de départ du préavis [3].

Ainsi, la Cour de cassation admet également la notification du licenciement par lettre remise en main propre [4], Chronopost [5] ou voie d’huissier [6].

En tout état de cause, l’article L.1232-6 du code du travail dispose que l’employeur ne peut envoyer la lettre de licenciement moins de deux jours ouvrables après la tenue de l’entretien préalable.

Cette disposition permet, en théorie, d’éviter que l’employeur ne licencie trop rapidement un salarié sans avoir pris le temps d’étudier les éventuelles explications du salarié.

En cas de licenciement pour motif disciplinaire, et afin que le salarié ne soit pas laissé dans l’incertitude, l’employeur doit lui adresser sa décision dans un délai maximal d’un mois en application de l’article L.1332-2 dudit code.

Si la sanction du non-respect de l’article L.1232-6 est l’irrégularité du licenciement, c’est-à-dire que le licenciement reste valable mais que le salarié peut prétendre à une indemnisation qui ne peut être supérieure à un mois de salaire [7], la notification hors délai du licenciement disciplinaire remet en cause sa validité tout comme l’absence de notification du licenciement.

En effet, il est de jurisprudence constante que « la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d’un mois à partir de la date de l’entretien préalable ; qu’à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » étant précisé « que lorsque le licenciement est notifié par lettre recommandée, il convient, pour déterminer la date de la notification, de se placer à la date de l’envoi de la lettre » [8].

Par conséquent, la preuve la notification de la lettre de licenciement au salarié, et de sa date lorsqu’il est d’ordre disciplinaire, est un élément crucial dans la validité d’un licenciement.

Toutefois, même si l’employeur est en mesure de prouver la date à laquelle il a envoyé la lettre de licenciement, il arrive que le salarié n’en ait pas connaissance.

Le cas échéant, la validité du licenciement dépendra de l’origine de cette défaillance.

Si celle-ci est due à une carence de l’employeur, le salarié pourra demander à ce que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.

Tel est notamment le cas lorsque l’employeur a inscrit le prénom utilisé habituellement par le salarié (mentionné dans le contrat de travail, sur les bulletins de paie, le contrat d’un logement d’habitation etc.) sur la lettre de licenciement alors que son état civil, sur la carte d’identité lui permettant de retirer le recommandé aux services postaux, était différent, ce qui l’avait empêché de retirer le courrier [9].

La validité du licenciement peut également être remise en cause si l’employeur adresse la lettre de licenciement à une mauvaise adresse [10].

En revanche, si le salarié déménage et ne prévient pas son employeur, qui notifie la lettre de licenciement au dernier « domicile connu », le salarié ne peut invoquer l’absence de cause réelle et sérieuse [11].

Ainsi, le défaut de remise imputable au salarié n’entache pas la validité du licenciement.

La Cour de cassation estime en effet qu’il « ne peut dépendre du destinataire d’une lettre d’empêcher, par son refus de la recevoir ou par sa négligence, le déroulement normal de la procédure » [12].

Rien ne sert donc au salarié de refuser de prendre connaissance de la lettre de licenciement, ce dernier est notifié régulièrement dès lors que la lettre recommandée avec accusé de réception est présentée à son domicile.

Enfin, si le défaut d’acheminement de la lettre de licenciement est imputable aux services de la poste, alors que l’employeur a indiqué l’adresse exacte du salarié, le licenciement ne peut être jugé comme étant abusif [13].

Afin d’éviter toute difficulté, il est donc conseillé à l’employeur d’être vigilant concernant l’adresse et l’identité du salarié. Une fois la lettre recommandée déposée aux services postaux sans défaut d’adressage, aucun événement concernant son acheminement et sa réception par le salarié ne peut affecter la validité du licenciement en l’état de la jurisprudence actuelle.

Bénédicte Flory et Margaux Zeisser, Avocats.

[1Cass. soc., 16 juin 2009, n° 08-40.772

[2Cass. soc., 4 mars 2015, n° 13-16.148

[3Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-42.323

[4Cass. soc., 16 Juin 2009 - n° 08-40.722

[5Cass. soc., 8 février 2011, n° 09-40.027

[6Cass. soc., 8 nov. 1978 : Bull. civ. 1978, V, n° 746

[7Art.L.1235-2 du Code du travail

[8Cass. soc., 30 novembre 2010, n° 09-68.174

[9Cass. soc., 26 octobre 2004, n°02-45.009

[10Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.100 ; Cass. soc., 14 février 2007, n° 04-45.806

[11Cass. soc., 26 juin 1986, n° 84-40.058

[12Cass. soc., 23 juillet 1980, 80-60.233

[13Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-22.569

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