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Période d’essai et suspension du contrat de travail : prorogation des délais. Par Bénédicte Flory et Margaux Zeisser, Avocats.
Parution : mercredi 11 avril 2018
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Une décision de la Cour de cassation du 31 janvier 2018 [1] permet de revenir sur la durée de la période d’essai et l’incidence des absences du salarié sur celle-ci.

La période d’essai est une phase pendant laquelle les règles du licenciement et de la démission ne s’appliquent pas afin que l’employeur puisse évaluer les capacités du salarié à exercer ses fonctions, et le salarié apprécier si les fonctions lui conviennent [2].

Afin de répondre à cet objectif, il est nécessaire que le salarié soit présent au sein de l’entreprise.

C’est donc en toute logique que la Cour de cassation considère que lorsque le contrat de travail est suspendu, en cas d’arrêt de travail [3] ou de prise de congés [4] par exemple, la période d’essai est prorogée pour une durée égale.

A cet égard, il convient de rappeler qu’en l’absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, la période d’essai se décompte en jours, semaines ou mois calendaires [5].

Elle se termine le dernier jour de l’essai à minuit.

- A titre d’exemple, si une période d’essai d’un mois commence le 6 mars, elle s’achèvera le 5 avril au soir.

En cas de suspension du contrat de travail, la période d’essai est donc prorogée pour une durée équivalente à l’ensemble de la période de suspension et non aux seuls jours qui auraient dû être normalement travaillés. L’ensemble des jours calendaires doivent être pris en compte [6].

- Dans l’exemple précité, si le salarié est en congé sans solde du 13 au 19 mars, la période d’essai sera prolongée de 7 jours calendaires, soit jusqu’au 12 mars inclus.

- Toutefois, si la période d’essai est prorogée, tel n’est pas le cas, en principe, de la durée du délai de prévenance en cas de rupture de la période d’essai.

En effet, sauf dispositions conventionnelles contraires, l’employeur, comme le salarié, doivent respecter un délai de prévenance qui ne peut avoir pour effet de prolonger la durée de la période d’essai.

En cas de non-respect par l’employeur, le salarié est en droit de percevoir une indemnité compensatrice, égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus au terme de ce délai.

- A titre d’exemple, pour un salarié présent dans l’entreprise depuis plus d’un mois, l’employeur doit respecter un délai de prévenance de deux semaines. Si le terme de la période d’essai est le 5 avril, que l’employeur notifie sa volonté de rompre le contrat le 26 mars et que le salarié reçoit son courrier le 27, le délai de prévenance court jusqu’au 10 avril [7].

Du 26 au 5 avril au soir, le salarié va exécuter sa prestation de travail. Le contrat prendra fin le 5 avril au soir, puisque la période d’essai ne peut être prolongée, mais le salarié devra percevoir une indemnité de « délai de prévenance » jusqu’au 10 avril au soir.

Dans ce cas, il serait donc intéressant pour le salarié que le terme du délai de prévenance soit prorogé par les suspensions du contrat de travail intervenant postérieurement à la notification de la rupture [8].

Toutefois, comme en matière de préavis de licenciement, le délai de prévenance est préfix et ne peut être suspendu en cas d’arrêt maladie non professionnelle [9] sauf dispositions conventionnelles contraires.

En revanche, qu’en est-il si un salarié est placé en arrêt de travail pour accident de travail ou maladie professionnelle (ATMP) pendant l’exécution du délai de prévenance ?

Au regard de la jurisprudence rendue en matière de préavis de licenciement, il nous semble que le délai de prévenance de rupture de la période d’essai devrait être prorogé pour une durée égale [10].

Ainsi, la survenance d’un ATMP en cours de délai de prévenance peut engendrer des conséquences financières considérables pour un employeur.

Bénédicte Flory et Margaux Zeisser, Avocats

[1Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-11.598

[2Art. L. 1221-20 du Code du travail

[3Cass. soc. 4 avril 2012, n° 10-23876

[4Cass. soc., 22 mai 2002, n° 00-44.368 (congés payés) ; Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-41.338 (congés sans solde).

[5Cass. soc., 28 avril 2011, n° 09-72.165.

[6Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-41.338

[72 semaines (14 jours) à compter du 27 mars

[8En cas de notification de la rupture de la période d’essai pendant les congés payés : le point de départ du délai de prévenance est reporté au terme des congés (par analogie avec le préavis - Cass. soc., 13 novembre 1967, pourvoi n°JURITEXT000006976378, Bull. civ.N 717). En cas de congés payés validés et pris postérieurement à la rupture de la période d’essai : le délai de prévenance est suspendu jusqu’au terme des congés (par analogie avec le préavis - Cass. soc.,, 14 novembre 1990, n°87–45288).

[9Cass. soc., 28 juin 1989, n° 86-42.931

[10Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-42.822

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