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« Modelage » de la contestation du TEG dans un contrat de prêt immobilier ? Par Petra Cramer.
Parution : lundi 16 avril 2018
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Le TEG en matière immobilière est de ces sujets délicats où l’on naviguait souvent entre les diverses jurisprudences en fonction du dossier à défendre et la ligne de conduite suivie par l’instance géographiquement saisie du dossier.
Bien que les dernières modifications législatives appliquant notamment « la fiche européenne » en la matière font espérer des décisions moins aléatoires, la motivation d’un arrêt de la cour d’appel d’Aix mérite considération pour une défense encore plus « raffinée » des emprunteurs.

Rappelons que les exigences relatives à la stipulation d’intérêts d’un crédit immobilier sont d’ordre public afin de protéger le consommateur, qui est rarement – pour ne pas dire jamais - spécialiste en la matière, les dispositions ne laissent aucun doute.
Mais revenons d’abord aux grandes lignes pour avoir les idées claires.

Les articles 111-1 et 111-2 du Code de la consommation définissent les règles générales en matière d’information précontractuelle applicables à tous les contrats conclus entre professionnels et particuliers, à l’exception de certains contrats définis à l’article 111-3 du Code de la consommation, l’article 111-3 prévoyant explicitement que
« les dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières en matière d’information des consommateurs propres à certaines activités. »

Ensuite, dans le Livre III du même Code, sont spécifiées les dispositions complémentaires applicables aux contrats de crédit, le Chapitre III du 1er Titre précisant des dispositions particulières au crédit immobilier, notamment les articles L. 313-6 et L. 313-7 auxquels on s’intéresse ici et un Chapitre IV relevant des dispositions communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier définissant notamment le Taux effectif global (Articles L314-1 à L314-5).
Puis, sous le 1er Chapitre du Titre IV, Section II, sont mentionnées les sanctions en cas de non-respect de la réglementation applicable au crédit immobilier et en particulier, dans la Sous-section 2 : l’information précontractuelle de l’emprunteur dans ce domaine (articles L341-25 à L341-26).

L’information précontractuelle des contrats ayant trait au crédit immobilier relèvent donc des règles générales en matière contractuelle, affinée par les dispositions relevant des contrats de crédit immobilier, puis répondant à des sanctions spécifiques applicable au crédit immobilier en cas de non-respect de l’obligation d’information précontractuelle par le bailleur de fonds.

Modifié le 4 octobre 2017, l’article L313-7 du Code de la consommation, est désormais rédigé comme suit :
« Au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, sous la forme d’une fiche d’information standardisée européenne, les informations personnalisées permettant à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponibles sur le marché, d’évaluer leurs implications et de se déterminer en toute connaissance de cause sur l’opportunité de conclure un contrat de crédit.
Un décret en Conseil d’État fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans cette fiche d’information standardisée européenne à fournir pour l’offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation.
Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite donner à l’emprunteur sont fournies dans un document distinct de la fiche mentionnée au présent article. »

Article L313-25, modifié depuis le 1er juin 2017 indique :
« L’offre mentionnée à l’article L. 313-24 :
(…)
5° Indique, outre le montant du crédit susceptible d’être consenti et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément aux articles L. 314-1 à L. 314-4 ainsi que, s’il y a lieu, les modalités de l’indexation ;
6° Enonce, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt ;
(…)
10° Indique si le prêt est subordonné à la condition de domiciliation mentionnée à l’article L. 313-25-1. Si c’est le cas, sont mentionnés la durée de celle-ci, le cas échéant les frais d’ouverture et de tenue du compte sur lequel les salaires ou revenus assimilés sont domiciliés, ainsi que la nature de l’avantage individualisé consenti en contrepartie par le prêteur. L’offre doit permettre d’identifier clairement cet avantage en mentionnant les conditions, de taux ou autres, au regard desquelles elle est établie, et qui seraient appliquées par le prêteur si l’exigence de domiciliation n’était plus respectée par l’emprunteur. »

Article L314-5 créé par Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 apprend que
« Le taux effectif global déterminé selon les modalités prévues aux articles L. 314-1 à L. 314-4 est mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section. »

L’article L341-25 précise, depuis le 25 mars 2016 :
« Le prêteur qui accorde un crédit sans respecter les conditions, applicables en matière d’information précontractuelle, fixées par les dispositions de l’article L. 313-7, du second alinéa de l’article L. 313-24 ou du deuxième alinéa de l’article L. 313-64, peut être déchu du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, jusqu’à un montant ne pouvant excéder 30 % des intérêts, plafonné à 30 000 euros. »

Sans perdre de vue l’article 1907 du Code civil, on dispose ainsi de tous les outils réglementaires pour instruire le dossier dans lequel le TEG d’un prêt immobilier fait l’objet de discussions.

La jurisprudence des dernières années considérait majoritairement que l’insuffisance ou l’exactitude des informations dues au consommateur qui souscrit un prêt immobilier était sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts contractuellement stipulés.
Une distinction effectuée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans sa décision du 20 juillet 2017, n° 15/08100, donne cependant un éclairage nouveau qui mérite une mention.
La cour aixoise fait référence aux articles L 313-7 et L 341-25 du Code de la consommation, et rappelle explicitement qu’il s’agit d’une sanction concernant l’information précontractuelle de la banque proposant un crédit immobilier à son client.
Cette confirmation ne prime cependant pas sur les dispositions contractuelles s’imposant tout autant au contrat de prêt immobilier : la mention écrite et exacte du TEG, prescrite par les articles 1907 du Code civil et l’article L 314-5 du Code de la consommation.
Relevant d’une obligation contractuelle d’ordre public tout comme les informations précontractuelles ces dispositions générales s’imposent à peine de nullité de la clause d’intérêt.

Or, puisque les deux sanctions se cumulent et que le TEG annoncé dans le précontrat ne change que très rarement du TEG mentionné dans le contrat de prêt, je défendrai personnellement mes futurs clients en invoquant la nullité de l’obligation de payer les intérêts contractuellement convenus, du fait d’une inexactitude du TEG qui se déduira, en règle générale, des informations précontractuelles de la banque.
Suivant cette logique, la banque ne pourrait plus se baser sur, exclusivement, la déchéance du droit aux intérêts, plus intéressante pour elle.
Par ailleurs, l’avocat moins habitué en la matière pourrait invoquer la nullité de la clause contractuelle sans courir le risque de voir rejeter sa prétention pour base légale incorrecte, bien qu’il reste conseillé d’éclaircir le juge de l’exécution comme le fait la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Petra Cramer - SELARL CBH Avocats
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