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Le plan de départ volontaire : une méthode à double tranchant pour les salariés. Par Alina Paragyios, Avocat.
Parution : lundi 16 avril 2018
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Un plan de départs volontaires « classique » est un dispositif non règlementé par le Code du travail et qui est mis en place par une entreprise lorsqu’elle souhaite réduire ses effectifs et qu’elle rencontre des difficultés sans pour autant procéder à des licenciements économiques. Son objectif doit être justifié par un motif économique.
Pour les entreprises de plus de 50 salariés, il faut prévoir un plan de sauvegarde de l’emploi dès lors que 10 ruptures au moins sont envisagées sur trente jours. Un tel plan doit comporter deux grands types de mesures : celles destinées à éviter ou limiter le nombre de licenciements et celles visant à accompagner le reclassement externe des salariés dont le licenciement ne peut être évité.

Pour le mettre en œuvre le plan de départs volontaires, l’employeur doit, dans un premier temps, consulter les représentants du personnel.
L’entreprise définit ensuite le contenu du plan qu’elle souhaite mettre en œuvre, en fixant le nombre de départ prévu tout en précisant les secteurs et les postes concernés, étant précisé que les règles relatives à l’ordre des licenciements ne sont pas à suivre (Cass. Soc., 12 juillet 2004, n°02-19.175), sauf engagement de l’employeur de s’y soumettre (Cass. Soc. 1er juin 2017, n°16-15.456).

Elle propose ensuite aux salariés concernés ledit plan qui restent libres d’y adhérer ou de le refuser ; et, si le salarié accepte, la rupture du contrat du contrat de travail prendra alors la forme d’une rupture amiable sans entretien préalable, ni préavis, ni obligation de reclassement par l’employeur.

A noter que pour qu’il y ait une véritable notion de volontariat, l’entreprise doit proposer la possibilité de quitter volontairement l’entreprise à un nombre de salariés supérieur au nombre d’emplois proposés. Cela peut concerner l’ensemble du personnel de l’entreprise ou seulement certaines catégories sur des sites particuliers. C’est à l’entreprise de préciser le périmètre.

Un accord sera ainsi conclu prévoyant généralement les conditions des indemnités de départ plus avantageuses que les indemnités de licenciement pour motif économique, tout en garantissant au salarié de pouvoir bénéficier des indemnités chômage. Le salarié devra également s’être vu proposer une convention de reclassement personnalisée ou un congé de reclassement qu’il sera libre d’accepter ou de refuser.
Grace à ce plan donc, les entreprises n’ont pas à supporter les couts d’un licenciement pour motifs économiques. Celui-ci serait plus complexe à gérer car il nécessite notamment une obligation de reclassement des salariés par l’employeur.
En effet, la Cour de cassation retient qu’à l’occasion d’un plan de départs volontaires, l’employeur n’a pas l’obligation de mettre en place un plan de reclassement, qui ne s’adresse qu’aux salariés dont le licenciement ne peut être évité. Elle estime donc que les mesures de reclassement interne ne sont pas compatibles avec les départs volontaires, à condition toutefois qu’aucun licenciement ne soit envisagé à l’occasion d’un plan de départs volontaires (Cass. Soc., 25 janvier 2012, n°10-23.516).
De plus, les indemnités de départ que le salarié touche lors du plan de départs volontaires sont plus avantageuses que les indemnités de licenciement pour motif économique.

A côté de ce plan de départs, a vu le jour avec les ordonnances Macron la rupture conventionnelle collective figurant au sein de l’article L.1237-17 du Code du travail. Ce nouveau mécanisme a pour but de combler un vide juridique.
Et pour cause, jusqu’à présent, le plan de départs volontaires dit « classique » reposait uniquement sur la jurisprudence qui a dessiné ses contours et n’était pas inscrit dans le Code du travail. De plus, avec la rupture conventionnelle collective, l’employeur n’a plus besoin de justifier son action par un motif économique. Enfin, tout comme le plan de départs volontaires, la rupture conventionnelle collective repose sur la base du volontariat.
Aussi, quelques que soient les raisons et motivations des entreprises à procéder à un plan de départ volontaire, ce dernier emporte des obligations juridiques et des conséquences humaines.

La hausse des plans de départs volontaires pour des raisons de compétitivité ?

En effet, cette montée des départs volontaires qu’ils s’inscrivent dans le cadre de plans ou dans le nouveau cadre des ruptures conventionnelles collectives qui excluent toutes difficultés économiques peut s’expliquer pour des raisons de compétitivité, les entreprises mettant alors en avant leur volonté de réduire leurs couts de production afin d’être davantage compétitifs face à leurs concurrents.
En effet, malgré la reprise économique, ces entreprises considèrent qu’elles sont en perte de vitesse sur leur marché respectif. A ce titre, Carrefour espère ainsi économiser 2 milliards d’euros grâce à ce plan.

Mais ce phénomène peut également s’expliquer par les évolutions de la société qui modifie la demande et les attentes des consommateurs, permettant dès lors de mieux comprendre les motivations de ces entreprises à réduire leurs effectifs, et ce d’autant plus qu’ils sont, pour les entreprises du moins, plus avantageux.
En effet, les plans de départs volontaires sont moins coûteux et exigent surtout moins de justifications que les licenciements économiques comme exposé précédemment.
Pour les entreprises donc, la mise en œuvre d’un plan de départ volontaire permet la réduction des effectifs sans être soumis à toutes les contraintes juridiques qu’impose un licenciement collectif pour motif économique.

Cependant, force est de constater que dans le cadre de plans de départs volontaires, nombre de salariés peuvent être sujets à pressions.
En effet, le plan de départs volontaires peut être à double tranchant pour les salariés. Outre le doute qu’il induit et les pressions parfois subies pour l’accepter et partir, il réduit également les possibilités de recours devant les prud’hommes.
Un exemple concert de plan de départs volontaires récents est celui de Carrefour, appelé « plan de transformation Carrefour 2022 ».

Et pour cause, les résultats de Carrefour montrant une perte de plus de 500 millions d’euros l’an passé, ces résultats justifient selon Monsieur Bompart, Président Directeur Général du groupe Carrefour de « mettre en œuvre sans délai son plan de transformation » annoncé à la fin du mois de janvier 2018.
Se sont ainsi près de 2400 salariés des sièges du groupe Carrefour qui sont concernés par ce plan de départs volontaires, et Monsieur Bompard d’ajouter que « ces suppressions se feront sur la base du volontariat, il n’y aura aucun départ contraint ».
Mais les revendications et les contestations ne se sont pas faites attendre. A ce titre, les délégués du syndicat Force Ouvrière ne se sont présentés à l’ultime réunion consacrée à la relecture du plan de départs volontaires de Carrefour, qui selon eux a omis de nombreux points.

De nombreux points seraient ainsi contestés tels que la rapidité avec laquelle les négociations ont été entreprises, omettant de fait de nombreux sujets et imposant de fait une certaine pression aux salariés concernés de Carrefour.
Dès lors, les salariés, malgré le climat de tension inhérent à toute réorganisation et les pressions auxquels ils peuvent être sujets afin d’accepter les départs, doivent se montrer particulièrement vigilants avant de signer et partant d’accepter.
Il peut dès lors être judicieux pour ces derniers de prendre conseil auprès d’un avocat pour ce qui est des conditions qui leur sont offertes dans le cadre du plan de départs volontaires mis en place au sein de la société.

Pour ce qui est de la contestation ultérieure du plan de départs volontaires en justice, si les salariés ne peuvent contester la cause de la rupture de leur contrat de travail, la rupture amiable pourra tout de même être contestée si le salarié prouve que son consentement a été vicié ou que ses droits n’ont pas été préservés.

Me Alina PARAGYIOS Cabinet A-P, Avocats au Barreau de Paris http://www.cabinet-ap.fr @cabinet_ap