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Le prélèvement à la source, une machine sociale et fiscale. Par Manon Vialle, Juriste.
Parution : mercredi 18 avril 2018
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Le 1er janvier 2019, le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu entrera en vigueur. Le prélèvement à la source permettra de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur imposition. La France s’alignera sur la pratique fiscale en cours dans de très nombreux pays : Etats-Unis, Canada, Argentine, Brésil, Japon, Hong Kong, Indonésie, Australie, Sénégal, Maroc … En Europe, tous les pays pratiquent la retenue à la source sur les salaires sauf la France et la Suisse. L’heure du changement est donc arrivée.

En ce moment, vous devez remplir votre déclaration d’impôts concernant les revenus 2017. Cet automne, l’administration fiscale va envoyer le taux d’imposition de chaque contribuable à son employeur tel qu’indiqué dans la déclaration des revenus 2017. Au printemps 2019, la nouvelle déclaration d’impôt sera à établir et un nouveau taux sera communiqué par l’administration fiscale au contribuable et à l’employeur. Il sera applicable à partir du mois de septembre. Une déclaration de revenus restera d’ailleurs nécessaire chaque année pour faire le point sur les revenus acquis et prendre en compte les réductions ou crédits d’impôts comme les dons, l’emploi de personnes à domicile…
Quelle est la situation actuelle en France ? 30 % des contribuables voient leurs revenus baisser d’une année sur l’autre et 1,2 million de foyers changent de situation personnelle (mariage, pacs, enfants, divorce ou décès) [1]. Aujourd’hui, l’administration fiscale ne prend en compte ces changements que l’année suivante. L’un des buts du PAS est de permettre la prise en compte de ces événements plus rapidement et sur l’année fiscale en cours.

Quid des revenus 2018 ? Année blanche ?

Pas de panique, il n’y aura pas de double prélèvement sur les salaires, les retraites, les revenus de remplacement, les revenus des indépendants et les revenus fonciers récurrents, en 2019. L’impôt normalement dû au titre des revenus non exceptionnels perçus en 2018 sera annulé par le biais d’un crédit d’impôt. Le législateur a instauré, par le biais de la loi du 29 décembre 2016, le Crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CMIR), qui aura vocation à gérer l’année de transition. Le CIMR a vocation à « blanchir » les revenus non exceptionnels de l’année 2018. Les revenus exceptionnels de l’année 2018 comme les plus-values mobilières et immobilières, les intérêts, les dividendes, les gains sur les stocks options resteront soumis à l’impôt en 2019. L’année dite blanche ne concernera donc pas les revenus exceptionnels.

Voici quelques exemples de revenus dits exceptionnels :la fraction imposable des indemnités de rupture du contrat de travail, les indemnités de cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants, les indemnités de clientèle, de cessation d’activité et celles perçues en contrepartie de la cession de la valeur de la clientèle, les prestations de retraite versées sous forme de capital, les allocations versées en cas de conversion, de réinsertion ou pour la reprise d’une activité professionnelle, les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement et non affectées à la réalisation des PEE, PERCO ou retirées d’un plan d’épargne en dehors des cas légaux de déblocage des sommes.

Qui collectera l’IR ?

L’article 1671 du CGI dispose que la personne tenue d’effectuer la retenue à la source prévue au 1° du 2 de l’article 204 A du code général des impôts est la personne qui procède au versement des revenus. Pour le salarié, il s’agit de l’employeur appelé alors collecteur. Le taux et le montant du prélèvement pourront d’ailleurs apparaître sur votre bulletin de paie de septembre 2018 (à titre d’information) si le collecteur en est d’accord [2]. Pour le retraité, c’est la caisse de retraites qui s’en chargera. Concernant les travailleurs indépendants et les agriculteurs, l’administration fiscale prélèvera l’impôt dû par acompte sur le compte bancaire désigné.
Il reste le cas particulier du débiteur de la retenue à la source qui n’est pas établi en France. Dans ce cas, « il est tenu sauf exceptions de faire accréditer auprès de l’administration fiscale un représentant établi en France, qui s’engage à remplir les formalités incombant à cette personne et, le cas échéant, à reverser au service des impôts les retenues à la source à sa place » [3].

Les modalités d’application du PAS par le collecteur

Les collecteurs souscrivent une « déclaration sociale nominative » (DSN) ou/et une déclaration dite « prélèvement à la source revenus autres » (PASRAU) » [4].
Tous les organismes qui versent des indemnités journalières (maladie, accident du travail, maternité, congés payés...), des pensions de retraite ou d’invalidité, des allocations chômage ou de préretraite, des rentes viagères à titre gratuit et tout autre revenu, qui entrent dans le champ de la retenue mais ne sont pas déclarés via la DSN doivent déposer une déclaration PASRAU [5].
L’employeur dont l’effectif est inférieur à 11 salariés [6] peut opter pour un reversement au plus tard le 15 du premier mois du trimestre suivant celui au cours duquel ont eu lieu les retenues, dans les conditions prévues par l’article 357 H quater de l’annexe III au CGI. Il doit alors en faire la demande auprès de l’URSSAF.
Quant aux contribuables non domiciliés en France mais qui disposent de revenus de source française, en l’absence de convention fiscale, ils sont imposables en France à raison de ces revenus, quelle que soit leur nationalité. L’article 164 B du code général des impôts (CGI) précise les revenus de source française en fonction des deux critères généraux (localisation en France des biens, des droits ou de l’activité générateurs du revenu et domicile ou établissement en France du débiteur des revenus [7]. C’est le représentant fiscal choisi par le contribuable qui s’occupera des formalités en son nom et pour son compte.

Qu’en est-il de la confidentialité et du respect de la vie privée du salarié ?

Le salarié n’aura pas d’information à transmettre à son employeur. L’administration fiscale restera l’interlocutrice du contribuable. La seule information transmise à l’employeur, à la caisse de retraite si retraité, sera le taux de prélèvement uniquement. Le taux du PAS de chaque contribuable sera soumis au secret professionnel. Selon l’article 226-13 du code pénal, la révélation d’une information à caractère secret par le débiteur de l’impôt est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros.

Quel taux appliquer ?

Le contribuable devra choisir le taux applicable qui lui convient le mieux, avant le 15 septembre 2018, dans son espace particulier sur le site des impôts [8]. Voici les 3 taux applicables :
- Le taux « personnalisé » : Ce taux est communiqué par l’administration fiscale à la fin de la déclaration remplie par le contribuable. Si ce taux lui convient, l’administration garde ce taux enregistré.
- Le taux « individualisé » : il concerne les contribuables en couple. Chacun d’eux paiera l’impôt selon ses propres revenus.
- Le taux « neutre » : le taux neutre est un taux qui est calculé sur la base du montant de la rémunération versée par l’employeur. Dans le cas où le prélèvement ne correspondrait pas au montant réellement dû et serait inférieur, le contribuable devra régler directement la différence au Trésor public.

Une perte des réductions et crédits d’impôt ?

Les réductions et des crédits d’impôt acquis au titre de 2018 seront maintenues. Les avantages fiscaux donnés sous la forme d’abattement seront automatiquement intégrés dans le taux, notamment celui de 10 % pour frais professionnels.
Pour les services à domicile et garde d’enfant, le versement d’un acompte de 30% de crédit d’impôt est prévu à partir du premier trimestre 2019.

Avec l’établissement de la déclaration des revenus 2017, c’est le moment de commencer à s’intéresser de près à cette problématique.

Manon VIALLE, Avocat

[2Editions Francis Lefebvre, article du 6 février 2018

[4CGI, article 87-0 A

[5CGI, article 87-0 A

[6CGI, quatrième aliéna du 2° de l’article 1671

[7CGI, art. 164 B, I et art. 164 B, II.