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Le code des usages de l’édition musicale. Par Joachim Josselin, Avocat.
Parution : vendredi 20 avril 2018
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Le Code des usages de l’édition musicale deviendra d’application impérative à tous les contrats conclus à partir du 1er janvier 2018 par les membres des organisations signataires. Synthèse des principaux apports.

Le 4 octobre 2017, un Code des usages de l’édition musicale a été adopté, fruit de deux ans de négociations entre les organisations professionnelles d’auteurs, de compositeurs et d’éditeurs.

Il complète utilement certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle qui renvoient expressément « aux usages de la profession  » pour l’appréciation de la bonne exécution des obligations incombant à l’éditeur (notamment les articles L132-11, L132-12 et L132-13).

Celui-ci a pour vocation de servir de référence pour « d’éventuelles évolutions du code de la propriété intellectuelle à venir concernant l’édition musicale ». Il aura force de loi dès l’adoption d’un arrêté d’extension.

Il sera en tout état de cause d’application impérative à tous les contrats conclus à partir du 1er juillet 2018 par les membres des organisations signataires.

1. Élément essentiel et capital, l’accord prévoit que « l’éditeur a l’obligation d’informer l’auteur des conséquences de la signature d’un pacte de préférence éditorial » et que le « contrat [doit] mentionne[r] que cette obligation d’information a été respectée ». Il n’est bien évidemment pas certain, et c’est un euphémisme, qu’une simple formule de style insérée aux contrats suffise à prouver l’exécution de cette obligation pré-contractuelle. Praticiens et professionnels devront imaginer et trouver les outils pour y satisfaire et ne pas risquer la nullité du contrat.

2. S’agissant de l’exécution des contrats, l’accord apporte des clarifications sur des notions capitales, notamment sur l’obligation d’exploitation permanente et suivie de l’œuvre, obligation dont le non-respect est sanctionné par la résiliation du contrat de cession et d’édition (article L131-12 du code de la propriété intellectuelle). Dès lors qu’en pratique, les possibilités effectives d’exploitations (et donc les usages) sont différentes selon le type de répertoire concerné, l’accord prévoit des modalités d’exploitation différentes selon que l’œuvre appartient au genre classique, de musique de variété ou de musique d’illustration.

Pour la musique dite de variété, l’accord prévoit à titre indicatif huit actions positives de l’éditeur aux fins d’exploitation des œuvres. Pour satisfaire à cette obligation prévue par l’article L131-12 du code de la propriété intellectuelle, l’éditeur devra avoir mis en œuvre au moins trois de ces huit actions.

Parmi celles-ci, outre les obligations classiques d’avoir à proposer l’œuvre à des interprètes ou encore la recherche et le placement de l’œuvre dans des œuvres audiovisuelles ou publicitaires ou multimédia, l’accord vise la participation financière des éditeurs à des tournées et/ou vidéoclips.

C’est ici une incitation expresse à promouvoir financièrement la diffusion de la création alors que l’’édition musicale a depuis quelques années parfois été considérée comme une valeur refuge dans l’industrie musicale. C’est ici un rappel supplémentaire que l’éditeur a certaines obligations d’investissements visant à promouvoir le développement de l’auteur et la diffusion de ses œuvres.

3. L’accord apporte aussi des précisions sur les modalités de l’obligation de reddition de comptes, autre obligation essentielle de l’éditeur.

Point le plus intéressant pour les professionnels de l’édition musicale et surtout pour les auteurs, l’accord prévoit qu’en cas d’exploitation générant un revenu d’un « montant exceptionnel » (concrètement, par exemple l’incorporation d’une œuvre musicale dans une œuvre audiovisuelle ou publicitaire à gros budget), l’auteur pourra demander à l’éditeur de lui verser la part lui revenant sans avoir à attendre la reddition de compte semestrielle.

Il pourra être utile de fixer contractuellement le seuil du « montant exceptionnel » au-delà duquel l’éditeur devra sans délai en prévenir l’auteur, ainsi que le suggère le texte de l’accord.

Toujours selon le texte de l‘accord, une clause de contrôle des comptes devra systématiquement être prévue.

4. Outre les cas classiques de résiliation de plein droit d’ores et déjà prévus par la loi (notamment la liquidation judiciaire de l’éditeur – article L132-15 du Code de la propriété intellectuelle), l’accord prévoit que les manquements persistant à l’obligation d’exploitation permanente et suivie ou de reddition de comptes constitueront des cas de « résiliation de plein droit » des contrats.

Sur ces deux points, il vient codifier une jurisprudence bien établie. Il donne à tous une grille de lecture claire.

5. Enfin, comme par écho au développement croissant et à la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges, l’accord consacre de longs développements à une « procédure » visant à résoudre les conflits « en cas de litige sur l’exploitation permanente et suivie et la diffusion commerciale de l’œuvre » en prévoyant notamment une procédure de conciliation, laquelle, selon les termes de l’accord, doit « pour assurer la meilleure information des parties, être mentionnée dans les contrats à venir ».

Dans le cadre de cette procédure, une « commission de conciliation » composée de 6 membres désignés pour moitié parmi les membres des conseils d’administration des organisations représentatives des éditeurs signataires et pour l’autre moitié parmi les organisations représentatives des autres signataires, aura pour mission d’examiner « tout litige relatif à l’application des contrats d’édition ».

Joachim Josselin Avocat au Barreau de Paris