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Dangerosité et absence de raccordement d’un kit photovoltaïque : Solfea doit rembourser les emprunteurs. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : mercredi 2 mai 2018
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Le 23 avril 2018, la Cour d’appel de Toulouse a condamné la SA Banque Solfea à rembourser des victimes d’un achat d’un kit photovoltaïque à crédit, faute de raccordement de ce dernier et pour extrême dangerosité.

Résumé des faits.

En juin 2013, un particulier a signé un bon de commande avec la SARL ENR Plus portant sur un « pack producteur contrat EDF sur 20 ans » et comprenant la fourniture et la pose à son domicile de douze modules solaires, d’un onduleur, d’un kit d’intégration, d’un système électrique, d’un câble, de connectique, d’un pack administratif (raccordement ERDF assuré) et l’installation pour un montant total de 20.000 euros TTC, sous réserve d’acceptation de la commission et des démarches administratives, et la démarche auprès du Consuel d’état étant offerte.

Le même jour, l’acquéreur et son épouse ont signé une offre préalable de crédit affecté ainsi que la fiche d’information pré-contractuelle émanant de la Banque Solfea proposée par les vendeurs de l’équipement de production d’énergie renouvelable.

Quelques semaines plus tard, Banque Solfia a informé les emprunteurs de son accord pour financer les travaux à hauteur de 20.000 euros et leur a indiqué qu’elle adressait en parallèle au vendeur chargé de la réalisation des travaux une attestation de fin de travaux qu’il devrait retourner à la banque le moment venu, datée et signée par lui-même et par l’emprunteur et au vu de laquelle le montant du crédit serait directement versé à l’installateur.

En juillet 2013, l’acquéreur a signé une attestation de fin des travaux par laquelle il attestait « que les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles) sont terminés et sont conformes au devis » et demandait « en conséquence à la Banque Solfea de payer la somme de 20.000 euros représentant le montant du crédit à l’ordre de l’entreprise ».

Par courrier, la banque a adressé aux emprunteurs le tableau d’amortissement, qui ont commencé à rembourser l’emprunt.

S’apercevant avoir été escroqué, les emprunteurs ont assigné la Banque Solfea et la société ENR Plus aux fins d’obtenir la résolution de la vente et du prêt, et le remboursement des échéances payées au prêteur.

Un rapport d’expertise officieux établi à la demande des emprunteurs, non contesté par la Banque Solfea, a permis de relever l’absence de raccordement, ainsi qu’une foule de désordres et non conformités.

Ces derniers touchaient en partie la couverture, le câblage des modules, le montage des supports GSE et l’intégration sur la charpente qui était en trop mauvais état pour accueillir le projet photovoltaïque et aurait nécessité une modification du lattage, l’absence de conducteur d’équipotentialité, la fixation des supports GSE par des vis inadéquates et l’intégration sur la charpente sans respect du guide, l’absence de joint EPDM et de mousse cellulaire, le non-respect des prescriptions du fabricant pour le traitement des pénétrations en toiture, le percement d’une membrane ainsi que l’absence de zinguerie latérale et supérieure avec risque de fuite, le non-respect de la mise en place des fixations des étriers sur les modules, la mauvaise fixation de l’intégration et des panneaux à l’égout, le défaut de conformité des modules au bon de commande, en partie électrique, divers non-respects de L’UTE applicable, l’équipotentialité non conforme, le cheminement des câbles non jointifs sans protection et avec détériorations assurée, l’absence de coffret ERDF et l’absence de coupure de terre.

Clairement l’installation était dangereuse, ce qui a nécessairement conduit le Tribunal d’instance de Montauban a donné gain de cause aux victimes.

Banque Solfea a interjeté appel du jugement.

Position de la Cour d’appel de Toulouse.

La Cour d’appel de Toulouse a donné raison au Tribunal d’instance, son jugement étant parfaitement fondé au regard de la gravité des désordres et non conformités relevés par l’expertise.

La Cour d’appel de Toulouse a rappelé que la fourniture de la prestation doit correspondre à l’exécution complète de l’engagement contractuel souscrit par le vendeur.

Or, les travaux ont été très mal exécutés et ne correspondaient pas à une exécution complète de la prestation de service commandée par les acquéreurs, dès lors que les raccordements et autorisations administratives qui avaient expressément été mis à la charge de la SARL ENR Plus selon le bon de commande et faisaient partie intégrante de la prestation financée par la banque, n’avaient pas été réalisés !

Si le raccordement au réseau public reste la prérogative de ERDF, titulaire en ce domaine d’un monopole légal, la SARL ENR Plus avait accepté d’en payer les frais et ne devait achever son intervention que par la mise en service finale de l’installation.

En conséquence, la Cour d’appel de Toulouse a confirmé le jugement attaqué en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat principal, et, par voie de conséquence, la résolution du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec la Banque Solfea.

S’agissant du crédit, celui-ci fut également anéanti et Solfea fut tenue de restituer le prêteur des mensualités éventuellement perçues, car le crédit était affecté à la vente.

En effet, il appartenait à la Banque Solfea dans le cadre d’un crédit affecté de s’assurer, avant la délivrance des fonds, que la prestation de services avait été pleinement exécutée par le vendeur alors que l’attestation de fin de travaux mentionnait expressément qu’une partie de la prestation, à savoir le raccordement au réseau ERDF, n’avait pas été réalisée et que la seule mention lapidaire de ‘photovoltaïque’ pour les travaux réalisés aurait dû l’inciter à faire preuve de prudence sur la nature exacte des travaux réalisés.

Il résulte du bon de commande que l’ensemble de ces formalités avait bien été inclus dans le champ contractuel puisqu’il était mentionné que le contrat portait sur le pack administratif en sorte que l’attestation de fin de travaux en excluant expressément des éléments pourtant inclus dans le champ contractuel ne pouvait être considérée comme attestant d’une exécution des travaux.

En conséquence, selon la Cour d’appel, la banque a commis un manquement à ses obligations de nature à la priver du remboursement du capital restant dû.

En résumé.

Lorsqu’une vente prévoit qu’un kit photovoltaïque doit être raccordé et que le vendeur n’a pas accompli les démarches en ce sens, la vente est résolue, ainsi que le contrat de crédit.

La banque doit alors restituer aux emprunteurs l’intégralité des sommes prélevées sur le compte bancaire des emprunteurs pour la simple et unique raison que la vente est considéré n’avoir jamais eu lieu, faute pour l’installation de répondre à sa destination convenue.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]