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Exposé scolaire et contrefaçon de droit d’auteur. Par Nasséma Mahmoudi, Avocat.
Parution : jeudi 3 mai 2018
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Retour sur les conclusions de l’Avocat général dans le cadre de la question préjudicielle suivante, posée par la Cour fédérale allemande :
"L’insertion, sur un site Internet accessible au public, d’une œuvre librement accessible à l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur constitue-t-elle une mise à la disposition du public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lorsque l’œuvre a d’abord été copiée sur un serveur puis, de là, chargée sur le site Internet ?"

« Il n’y a pas si longtemps, les travaux thématiques scolaires présentés sur affiches étaient généralement illustrés par des photographies, des enregistrements et des dessins publiés dans des livres et des revues. Une fois terminés, ils étaient exposés dans les établissements scolaires (pour le plus grand bonheur des parents), les auteurs de ces images n’ayant pas pour habitude de réclamer des dommages-intérêts pour leur utilisation. » C’est ainsi que les conclusions de l’avocat général commence dans l’affaire C‑161/17-Land Nordrhein‑Westfalen contre Dirk Renckhoff.

Les faits.

En 2009, une élève utilise une photographie publiée sur un site de voyages pour illustrer son exposé d’espagnol sur la ville de Cordoue. Son exposé, ainsi que la photographie, sont publiés sur le site internet de son école.

Sous la photographie, figurait la mention du site internet de voyages sur lequel l’élève l’avait trouvée (où il n’était pas fait mention de l’identité du photographe).

M. Renckhoff (l’auteur du cliché) a introduit un recours contre la ville de Waltrop et le Land de Rhénanie du Nord‑Westphalie (où est situé l’établissement scolaire).

En effet, il affirmait avoir donné un droit d’utilisation de la photographie uniquement aux exploitants du site en ligne de la revue. Il a donc estimé que l’apparition de l’image sur le site Internet de l’école porte atteinte à ses droits d’auteur.

La procédure.

En première instance, les demandes de M. Renckhoff ont été accueillies. Le Land a été condamné à retirer la photographie et à payer 300 euros (majorés d’intérêts).

En appel, la juridiction a partiellement réformé le premier jugement en interdisant la reproduction de la photographie.

Un pourvoi a été formé, le Land considérant que l’ensemble des prétentions du requérant devaient être rejetées et M. Renckhoff souhaitant être dédommagé.

La Cour fédérale de justice allemande a décidé de poser la question préjudicielle suivante :
« L’insertion, sur un site Internet accessible au public, d’une œuvre librement accessible à l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur constitue-t-elle une mise à la disposition du public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lorsque l’œuvre a d’abord été copiée sur un serveur puis, de là, chargée sur le site Internet ? »

Les conclusions de l’avocat général.

L’avocat général relève dans ses conclusions que :
- l’image a un caractère accessoire par rapport à l’exposé ;
- le libre à l’accès à la photographie sans aucune mention des restrictions d’utilisation ;
- l’absence de but lucratif (tant de la part de l’élève que des enseignants) ;

sont des signes qu’il n’y a pas eu de communication au public.

De plus, il considère que la photographie n’a pas été mise à disposition d’un "public nouveau". La mise en ligne sur le site de l’école ne permet pas de mettre à disposition d’un public plus large que celui du site de voyages. L’avocat général précise :

« L’image étant facilement et légalement (c’est‑à‑dire avec le consentement du titulaire du droit d’auteur) à la portée de tous les internautes, on ne voit pas comment l’intervention de l’élève et de son enseignante aurait pu être décisive pour faciliter l’accès à un plus grand nombre de personnes. »

Enfin, l’avocat général indique que l’exception d’enseignement serait applicable au cas d’espèce.

En résumé, l’avocat général propose de répondre qu’il n’y a pas de mise à disposition au public.

Nasséma Mahmoudi. Avocat au Barreau de Paris www.avocat-mahmoudi.fr