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Petit rappel des enjeux du prélèvement à la source pour les professions libérales. Par Clarisse Amadieu-Le Claire, Avocat.
Parution : lundi 7 mai 2018
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En cette période de déclaration des revenus de l’année 2017, il m’a paru pertinent de récapituler les conséquences de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source pour les avocats et autres professions libérales.

Pour mémoire, le précédent gouvernement avait pris l’initiative de transformer les modalités de paiement de l’impôt sur le revenu en substituant à un système exclusivement déclaratif, supposant un décalage d’une année, un système de prélèvement à la source contemporain de la perception du revenu avec maintien toutefois de l’obligation de dépôt d’une déclaration.
L’entrée en vigueur de ce dispositif était prévue pour le 1er janvier 2018. Par ailleurs, afin d’éviter un double paiement d’impôt au titre de cette première année, un mécanisme de crédit d’impôt avait été imaginé destiné à annuler, sous certaines conditions et réserves, le paiement de l’impôt sur les revenus de l’année 2017 en 2018.

Le nouveau gouvernement a choisi de maintenir cette réforme, mais d’en décaler la prise d’effet au 1er janvier 2019, après y avoir apporté quelques aménagements.
Au préalable, il faut rappeler que les avocats et autres professions libérales sont à répartir entre trois catégories : ceux ayant le statut de salarié, dont la situation ne sera pas abordée dans cet article puisqu’ils seront traités comme tous les salariés, ceux imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et enfin les dirigeants de société relevant de la catégorie des traitements et salaires en vertu de l’article 62 du CGI.
En ce qui concerne les modalités de paiement de l’impôt, la situation est aujourd’hui la même pour les gérants de SARL (ou forme équivalente) et les bénéfices non commerciaux, suite aux aménagements survenus fin 2017 : l’impôt sera acquitté sous forme d’acomptes mensuels ou trimestriels déterminés au vu des derniers revenus connus du contribuable à la date du paiement de l’acompte. En pratique, les acomptes payés entre le 1er janvier et le 31 août 2019 seront donc calculés au vu des revenus de l’année 2017, ceux payés entre septembre et décembre au vu des revenus de l’année 2018.

L’acompte sera en principe prélevé mensuellement mais il sera possible d’opter jusqu’en décembre 2018 pour le paiement d’un acompte trimestriel. Le prélèvement interviendra de manière automatique sur le compte dont les coordonnées auront été transmises à l’administration.
Une possibilité de modulation des acomptes a été adoptée en cas de variation significative des revenus, soit plus de 10%, mais avec des pénalités en cas de mauvaise estimation pouvant aller de 10% de l’insuffisance de prélèvement constatée à la moitié de l’écart entre les acomptes qui auraient dû être acquittés et ceux qui l’ont effectivement été.

Les acomptes étant déterminés au vu de la base soumise à l’impôt avant prise en compte des éventuels crédits d’impôt, il a été prévu que le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants ou emplois à domicile donne lieu à un paiement anticipé à hauteur de 30% en février de l’année considérée, avec restitution si les dépenses ne sont finalement pas engagées.

En ce qui concerne l’année de transition, le principe du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) consiste à calculer l’impôt qui devrait être dû sur les revenus non exceptionnels perçus en 2018 par le contribuable et à le déduire de l’impôt sur le revenu dû en 2019 sur l’ensemble de ses revenus 2018.

Pour les bénéfices non commerciaux et les dirigeants relevant du régime de l’article 62, il aurait été difficile de faire la distinction entre revenus exceptionnels et non exceptionnels. Il a donc été prévu que le crédit d’impôt serait calculé sur la base du plus faible des deux montants entre les revenus de l’année 2018, et le plus élevé des revenus des années 2015, 2016 et 2017. Pour simplifier, un gérant de SARL dont la rémunération serait inchangée entre 2015 et 2018, et si on suppose l’absence d’autres revenus, ne paiera pas d’impôt en 2019 sur ses revenus 2018. A contrario, si sa rémunération de l’année 2018 excède la plus élevée de celles perçue entre 2015 et 2017, le montant du crédit d’impôt sera plafonné en fonction de cette dernière.
Par ailleurs, dès lors que ces variations de rémunération peuvent correspondre à une réalité économique qu’il n’y a pas lieu de sanctionner, un complément de crédit d’impôt pourra être sollicité au vu des revenus de l’année 2019 si ceux -ci excèdent les revenus des années précédentes.

Sachant que cet article ne rentre pas dans les détails afin de vous éviter tout risque d’indigestion mais en vous alertant sur les tendances générales de la réforme, je vous souhaite une bonne lecture des textes dans leur intégralité si votre appétit vous le permet.

Références législatives :
Loi 2016-1917 du 29/12/2016 articles 60 et 82, I-B
Ordonnance 2017-1390 du 22/9/2017
Loi 2017-1775 du 28/12/2017 article 11

Clarisse Amadieu-Le Claire Avocat fiscaliste