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Glyphosate : la France prisonnière des traités internationaux ? Par Arianna Gallo, Consultante.
Parution : mercredi 16 mai 2018
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Selon la commissaire européenne au Commerce, la France ne peut pas aller à l’encontre du principe de coopération réglementaire pour interdire l’herbicide. Mais le gouvernement affirme que le Ceta et autres traités internationaux ne signent pas la fin du débat démocratique national. Il avance même un plan pour réduire la dépendance de l’agriculture française sous l’impulsion de Nicolas Hulot, Agnès Buzyn, Stéphane Travert et Frédéric Vidal.

Emmanuel Macron voulait-il aller trop vite ? Ce qui est sûr, c’est que l’énergique président a dû revenir sur certaines déclarations hâtives, sous peine d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui dénoncent une pratique trop verticale du pouvoir.
En novembre dernier, alors que l’Union européenne venait de renouveler l’autorisation pour cinq ans du glyphosate, Emmanuel Macron avait voulu aller plus vite et plus loin que les 27 en promettant que la France abandonnerait l’herbicide « au plus tard dans trois ans ». Quelques mois plus tard, patatras ! Le ministre de la Transition écologique a dû nuancer le propos présidentiel : « Je ne suis pas buté. Si certains agriculteurs ne sont pas prêts, on envisagera des exceptions », a déclaré Nicolas Hulot en février.
En voulant aller plus vite que ses voisins, Emmanuel Macron n’a pas seulement négligé l’avis des agriculteurs. Il a également ignoré les règles du droit international et européen en vertu duquel l’adage “pacta sunt servanda” impose que tout traité en vigueur doit être exécuté par les parties de bonne foi.

De plus, comme l’a rappelé le 10 avril Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, l’interdiction unilatérale du glyphosate par un pays membre n’est tout simplement « pas possible ». Dans le cadre des discussions sur le Ceta, la commissaire a rappelé que la France ne peut pas déroger au principe de « coopération réglementaire » pour interdire l’herbicide. En effet, « si c’est une décision prise par l’Union européenne, de l’interdire dans l’Union, il sera interdit pour nos partenaires [exportant leurs produits en Europe] », a expliqué la commissaire. C’est pourquoi le 26 avril quatre ministres français ont présenté un nouveau plan pour “réduire la dépendance de l’agriculture française aux produits phytosanitaires”.

Souveraineté préservée.

Ce plan ne se heurtera-t-il pas aux engagements contractés en vertus du droit international et européen ? Signé le 30 octobre 2016, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada - Ceta, vise à faciliter la réconciliation des normes européennes et canadiennes. D’où des accusations qui lui sont porté de remettre en cause les normes européennes de qualités des produits.
Comme le rappelle Le Monde, « les décisions du CETA ne seront contraignantes qu’à condition que toutes les ’exigences’ et ’procédures internes’ de l’UE et du Canada soient respectées ». Autrement dit, « la capacité des États à réglementer dans les domaines de l’environnement et de la santé est préservée par principe », affirme le gouvernement français.
Mais interdire une norme entraine de facto une distorsion de concurrence avec les produits importés. C’est justement cet argument que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) met en avant pour demander à la France de se conformer à la décision européenne sur le glyphosate.
Pour Christiane Lambert, présidente de la Fédération, vouloir interdire l’herbicide de façon généralisée, « c’est de l’utopie totale ». Si l’organisation souhaite sortir le plus possible des produits phytosanitaires, elle reste pragmatique. Or, « le pragmatisme, c’est que nous ne maîtrisons pas le climat, nous ne maîtrisons pas les attaques de ravageurs. Le pragmatisme, c’est qu’aujourd’hui, pour un agriculteur, le recours au glyphosate est une très bonne solution », a-t-elle martelé.

Prudence et pragmatisme

Un combat qui semble porter ses fruits, la FNSEA estimant avoir été « entendue » par la mission parlementaire sur les pesticides. Dans un rapport diffusé le 4 avril, celle-ci prône en effet la prudence et le pragmatisme. Si elle souligne l’importance de « réduire drastiquement l’usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon », la mission parlementaire rappelle également que « l’établissement d’un lien de causalité entre la survenue d’une pathologie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques est délicat ».
Aussi, les parlementaires français suggèrent de restreindre le périmètre d’interdiction envisagé pour le glyphosate en ne s’en privant « dans l’immédiat  » que dans « sa fonction dessiccative », soit l’usage qui en est fait pour déshydrater les plantes et faciliter leur récolte.
Comme cela est souligné dans un article de l’Usine nouvelle [1], l’avis des parlementaires français soulage en même temps la FNSEA et l’industrie de l’agrochimie. Alors que la première appelait les pouvoirs publics à « trouver des solutions plutôt que des interdictions », la seconde insistait sur la possibilité de concilier l’usage du glyphosate et la recherche d’alternatives.
S’il est vrai que le Ceta et autres traités internationaux ne signent pas la fin des débats démocratiques à l’échelle nationale, la polémique autour du glyphosate devrait en apporter la meilleure preuve.

Arianna Gallo, Consultante chez C&C Gallo

[1Article à lire sur le site Usine Nouvelle : La mission parlementaire sur les pesticides exonère (en grande partie) le glyphosate.