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Règlementation de la location meublée saisonnière. Par Lorène Derhy, Avocat.
Parution : mardi 22 mai 2018
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En matière de location meublée saisonnière, si vous souhaitez louer votre appartement ou l’une de vos résidences secondaires sur une plate-forme internet de type Airbnb dans le but de générer un revenu complémentaire à la nuit, quelques jours ou à la semaine, assurez vous préalablement de respecter la réglementation en la matière, faute de vous voir exposer à des sanctions non négligeables.

I. Quel est le régime applicable en matière de location meublée saisonnière dite de courte durée ?

La location meublée saisonnière, encore appelée la location meublée de courte durée, concerne la location faite au profit d’une clientèle de passage généralement pour quelques jours ou semaines. La règlementation applicable en la matière est différente selon que le logement concerne la résidence principale ou secondaire du bailleur. Si louer sa résidence principale est peu contraignante pour le bailleur, il en va différemment en cas de résidence secondaire, laquelle doit respecter un certain nombre de conditions.

1.1. La location meublée saisonnière d’une résidence principale.

L’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 définit la résidence principale comme le logement occupé au moins 8 mois par an -sauf pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure- soit par le locataire ou la personne avec laquelle il vit, soit par une personne à charge.

La location de la résidence principale à des touristes par le biais d’une plateforme internet, de type Airbnb, est possible dans la limite de 120 jours par an sans que le bailleur ait à effectuer des démarches particulières aux termes de l’article L631-7-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation.

Au-delà de ce seuil, le bailleur devra obtenir une autorisation de changement d’usage. Ainsi, si une personne souhaite proposer sa résidence principale à des touristes de passage, elle peut le faire directement en postant une annonce sur des sites internet type Airbnb ; la seule limite étant de ne pas la louer pour une durée excédant 120 jours.

A ce titre, depuis janvier 2018, la plateforme Airbnb a mis en place un outil automatique et ciblé limitant la durée annuelle maximale de location sur le site à 120 nuits par an pour les logements entiers situés dans les arrondissements centraux de Paris (75001, 75002, 75003 et 75004), à moins que l’hôte soit en droit de louer davantage.

1.2. La location meublée saisonnière d’une résidence secondaire et la compensation.

Est considérée comme une résidence secondaire la résidence occupée moins de 8 mois par an.

Certaines villes imposent que l’obtention préalable d’une autorisation de la mairie pour louer une résidence secondaire (Art. L631-7 du Code de la construction et de l’habitation), à savoir les villes :
- de plus de 200.000 habitants ;
- de la petite couronne parisienne (départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ;
- de plus de 50.000 habitants comportant des zones dites « tendues » (déséquilibre entre l’offre et la demande).

Une fois l’autorisation obtenue, elle ne va plus être considérée comme un logement d’habitation mais comme un local commercial.

A Paris, cette autorisation est assortie d’une compensation qui impose au bailleur :
- soit de proposer en compensation des locaux à autre usage que l’habitation dont il est propriétaire et qu’il va transformer en logements ;
- soit d’acheter un titre de compensation (ou commercialité) auprès d’un tiers, propriétaire de locaux affectés à un autre usage que l’habitation (bureaux, commerces…) qu’il va transformer en logements. Les prix sont négociés entre l’acheteur et le vendeur et varient en fonction du lieu où se situe votre local.

Cette règle qui peut varier selon les arrondissements impose d’acheter une surface équivalente d’un local commercial, voire le double, qui doit être transformé en local d’habitation pour ne pas aggraver l’insuffisance de logements. Il s’agit alors de reconstituer la « perte » d’un logement (destiné à la location de courte durée) par la création d’un autre logement.

La compensation n’est pas une taxe, elle n’est pas matérielle : il s’agit du transfert de la commercialité d’un local à autre usage que l’habitation vers un local d’habitation, permettant à ce dernier d’obtenir un changement d’usage à caractère réel, c’est-à-dire définitif.

Ainsi, si une personne souhaite proposer sa résidence secondaire à la location touristique elle doit dans un premier temps obtenir une autorisation de changement d’usage avec compensation puis procéder au changement de destination du local d’habitation.

La compensation relève d’une procédure lourde qui se réalise en plusieurs étapes :
- acquisition d’un titre de compensation,
- dépôt de dossier,
- phase d’instruction,
- décision publiée.

II. Quelles sont les démarches préalables à la location meublée saisonnière dite de courte durée ?

2.1. Vérifier au préalable que le règlement de copropriété n’interdit pas les locations de courte durée.

L’utilisation que vous comptez faire de votre logement ne doit pas être contraire à la destination générale de l’immeuble fixée par le règlement de copropriété.

Ainsi, il est primordial de se référer en premier lieu au règlement de copropriété, lequel peut comporter une clause d’habitation bourgeoise (habitation et professions libérales) ou encore une clause d’habitation bourgeoise exclusive, laquelle interdit un mode d’occupation autre que l’habitation.

Dans une telle hypothèse, vous pourrez toujours solliciter un changement d’usage contraire au règlement, en sollicitant l’accord unanime des copropriétaires via une assemblée générale (Article 26 de la loi du 10 Juillet 1965).

Le règlement peut prévoir également que l’immeuble est à usage mixte, c’est-à-dire qu’il autorise un usage à la fois d’habitation, professionnel et commercial des locaux, auquel cas la location saisonnière est possible.

Attention, en cas de contrariété de votre activité avec les dispositions du règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires pourra intenter une action à votre encontre aux fins de faire cesser l’atteinte à la destination de l’immeuble (Art. 15 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965).

Par un arrêt du 6 juillet 2017 n° 16-16849, la Cour de cassation est allée encore plus loin en rappelant la valeur contractuelle, et donc contraignante, conférée à un état descriptif de division vis-à-vis des copropriétaires d’une copropriété. Dans cet arrêt, le syndicat des copropriétaires demandait à la société copropriétaire d’arrêter son activité professionnelle, l’appartement dont elle est propriétaire ne pouvant être utilisé qu’à titre d’habitation aux termes de l’état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété.

La société a répondu qu’elle peut tout à fait exercer une activité professionnelle, son appartement étant situé au 2ème étage, dès lors que le règlement de copropriété stipulait que l’immeuble était destiné à « un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d’habitation en ce qui concerne les locaux situés aux étages et combles ».

La Cour de cassation a reconnu que comme le règlement de copropriété a conféré à l’EDD la même valeur contractuelle, il était nécessaire de comparer le contenu des deux documents. Or, le contenu du règlement de copropriété étant général et celui de l’EDD plus précis, il faut appliquer les règles posées par ce dernier. L’EDD indiquant que l’appartement utilisé par la société est exclusivement à usage d’habitation, la cour de cassation a statué que la société ne pouvait donc pas y exercer son activité professionnelle.

Ainsi, pour savoir si un copropriétaire peut ou non affecter le local dont il est propriétaire à un usage professionnel ou commercial de type Airbnb, il convient désormais de lire attentivement non seulement le règlement de copropriété de l’immeuble, mais également l’état descriptif de division de leur copropriété.

Vous pourrez être poursuivi individuellement par les autres copropriétaires (Cour d’appel de Paris 15 juin 2016 n° 15/18917) pour trouble anormal du voisinage.
La responsabilité d’un copropriétaire (tant pour ses agissements que ceux de ses locataires) pour trouble anormal de voisinage se caractérise en effet comme une responsabilité objective. Elle peut donc être mise en œuvre indépendamment de toute faute de son auteur (Civ. 3e 13.04.2005, no 02-20575).

Depuis un arrêt du 11 mai 2017, n° 16-14339, rendu par la Cour de cassation, le syndicat des copropriétaires peut également engager toute action à l’encontre d’un copropriétaire pour trouble anormal de voisinage, sans même à avoir à prouver une faute. Se pose toutefois le problème de la preuve que l’ensemble des copropriétaires soit affecté par ce trouble.

2.2. Obtenir l’accord du bailleur en cas de sous-location du logement.

Quant au locataire, il doit au préalable obtenir l’accord écrit du bailleur comme le prévoit l’article 8 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Si le locataire décide de sous louer son logement sans cet accord, le bailleur pourra solliciter à son encontre des dommages et intérêts et/ou la résiliation de son contrat de bail si la faute contractuelle commise est suffisamment grave.

2.3. S’enregistrer auprès de la Mairie.

Face au nombre important et en constante augmentation des locations de meublés touristiques par le biais des plateformes internet, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 permet à toutes les communes et ce quelques soient leur taille d’instituer une procédure de déclaration préalable, avec un service d’enregistrement en ligne pour toutes les locations meublées de courte durée, y compris celles portant sur la résidence principale (article L324-1-1, II du Code du tourisme).

Cette déclaration permet d’obtenir un numéro d’enregistrement qui doit figurer sur toutes les annonces de location du logement, y compris celles publiées en ligne.

A Paris, à compter du 1er décembre 2017, les personnes proposant à la location un meublé de tourisme doivent obligatoirement s’inscrire au préalable auprès du service en ligne mis en place par la Ville de Paris pour se voir délivrer ce numéro d’enregistrement, lequel devra être reporté sur leur annonce. A Bordeaux, cette obligation d’enregistrement entrera en vigueur le 1er mars 2018.

Attention, si l’annonce ne comporte pas de numéro d’enregistrement, le site ou l’agent immobilier par lequel est passé l’annonceur devra retirer son annonce.

Par ailleurs, le site internet par le biais duquel l’annonce est passée doit également respecter des obligations légales. En effet, l’article L324-2-1 du Code du tourisme leur impose d’informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables prévues par le Code de la construction et de l’habitation et d’obtenir de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l’honneur qui atteste que ces obligations ont été respectées et qui indique également si le logement constitue ou non sa résidence principale, ainsi que le numéro de déclaration du logement dans l’hypothèse où le logement est sa résidence secondaire.

En résumé, vous pouvez être confronté à 3 types de situation :

Première situation : Vous souhaitez louer votre résidence principale, dans sa totalité ou partiellement, dans la limite de 120 jours par an.
A cet effet, depuis le 1er octobre 2017, vous devez déposer une déclaration de meublé de tourisme en ligne. Cette déclaration permet d’obtenir immédiatement un numéro d’enregistrement qui depuis le 1er décembre 2017 doit être publié sur vos annonces de location.

2ème situation : Vous souhaitez louer en meublé de courte durée un logement qui ne constitue pas votre résidence principale.

Vous devez obtenir une autorisation de changement d’usage moyennant une compensation.

Vous devez procéder au changement de destination du local en hébergement hôtelier en déposant en mairie une demande d’autorisation d’urbanisme.

Vous enregistrez en ligne.

3ème situation : Vous souhaitez louer en meublé de courte durée un local qui n’est pas à usage d’habitation, tel qu’un local commercial.

Vous devez procéder au changement de destination du local en hébergement hôtelier en déposant en mairie une demande d’autorisation d’urbanisme.

Vous enregistrez en ligne

III. Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des règles applicables en matière de location meublée de courte durée ?

La chasse aux fraudeurs a été lancée à Paris. Selon les chiffres de la mairie de Paris, 59 propriétaires de 76 logements ont été condamnés pour location illégale d’un meublé touristique, type Airbnb, en 2017, soit trois fois plus qu’en 2016 (18 propriétaires de 19 logements).

Au total, ces décisions judiciaires ont apporté 1.319.500 euros dans les caisses de la municipalité, contre seulement 200.000 euros en 2016.
Et l’année 2018 repart sur les mêmes bases : depuis le début de l’année, la mairie a récupéré 266.000 euros.

Au quotidien, 30 agents de la mairie de Paris traquent les « présomptions d’illégalité » sur les sites de location, comme Airbnb, HomeAway, Paris Attitude, Sejourning ou Wimdu, vérifient les signalements reçus et contrôlent sur le terrain.

Le cœur de cible : les multi-propriétaires, des « professionnels déguisés en amateurs ». Un Grec a ainsi été condamné début février 2018 à 111.000 euros d’amende pour la location de six logements.

Les sanctions sont désormais à prendre en compte très sérieusement.

Sanction du bailleur.

Sans immatriculation, le propriétaire risque une amende pouvant atteindre 450 euros.

Sans autorisation administrative de louer un logement qui n’est pas sa résidence principale, l’amende peut aller jusqu’à 50.000 euros avec une astreinte allant jusqu’à 1.000 euros par jour et par mètre carré jusqu’à régularisation c’est-à-dire retour à l’usage d’habitation du local transformé (Art. L651-2 du code de la construction et de l’habitation).

Cette amende est prononcée à la requête du Ministère public par le Président du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble statuant en référé. Ces sommes sont intégralement versées à la commune dans laquelle le local irrégulièrement transformé est situé.

Le Président du Tribunal ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 € par jour et par mètre carré utile des locaux régulièrement transformés. Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.

De même, des sanctions pénales sont possibles en cas de fausse déclaration, dissimulation ou tentative de dissimulation des locaux soumis à déclaration, à savoir des peines d’emprisonnement d’un an et une amende de 80.000 euros.

Ainsi, des propriétaires d’appartements proposés en location touristique sur des sites internet ont été condamnés au paiement d’amende de 10.000 euros (CA Paris, 9 Mars 2017, n°15/14971) et 15.000 euros (CA Paris, 30 juin 2017 n°15/23009).

Sanction de la plateforme à l’égard du propriétaire en cas de sous-location illicite.

Le site internet par le biais duquel l’annonce est passée peut également être sanctionné s’il ne respecte pas ses obligations légales.

Ainsi, le site Airbnb a été récemment condamné par le tribunal d’instance de Paris (TI Paris, 6 février 2018) pour ne pas avoir suspendu le compte d’un locataire qui sous-louait son appartement sans l’autorisation du bailleur.

Le tribunal a estimé que Airbnb avait engagé sa responsabilité civile en ne respectant pas deux obligations : l’information du loueur (avec déclaration sur l’honneur qu’il sous-loue avec l’accord du propriétaire) et une durée maximum de location (pas plus de 120 jours par an).

La plate-forme a donc été condamnée à réparer le préjudice moral du bailleur du fait de l’occupation de son appartement par des personnes autres que le locataire et des démarches pour faire cesser ce trouble ainsi que les plaintes des voisins. Elle a aussi été condamnée à payer au bailleur une indemnité couvrant les frais d’huissier ainsi qu’une somme correspondante à celle qu’elle a perçue.
Le tribunal s’est fondé sur les articles 546 et 547 du Code civil qui réservent au seul propriétaire la possibilité de tirer profit des utilités de son bien et notamment d’en récolter les fruits civils.

Lorène Derhy, Avocat www.derhy-avocat.com
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