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La suppression du RSI : quels impacts sur les litiges en cours ? Par Nicolas Fouilleul, Avocat.
Parution : mardi 5 juin 2018
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Alors que la suppression du Régime Social des Indépendants (RSI) a assurément été la mesure phare de cette fin d’année 2017, il faut toutefois en mesurer les conséquences, notamment, dans le cadre des litiges en cours.

La réforme de 2006 instaurant le RSI provient de la fusion des trois caisses de protection sociale des chefs d’entreprise : l’assurance vieillesse des artisans, l’organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce et la caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes.
Le RSI était donc la caisse de sécurité sociale chargée de la protection obligatoire des chefs d’entreprises et des travailleurs indépendants (artisans, industriels, commerçants, professionnels libéraux, ou auto-entrepreneurs).

Force est de constater que suite à la mise en place de l’interlocuteur social unique en 2008, les indépendants ont subi de nombreux dysfonctionnements dans le processus de recouvrement.
Malgré des progrès majeurs accomplis ces trois dernières années rendus possibles par la mise en place d’une organisation partagée entre les caisses RSI et les URSSAF, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 confie désormais la protection sociale des travailleurs indépendants au régime générale de la sécurité sociale, via un transfert de ses missions à la CPAM, l’URSSAF et la CARSAT ainsi qu’à de nouveaux organismes ; ce qui couvre déjà l’essentiel de la population française.
Les prestations dont bénéficient les travailleurs indépendants seront servies à l’avenir par les mêmes organismes que pour la généralité des assurés.

C’est ainsi qu’en application de l’article 15 de la LFSS pour 2018, sont transférées de plein droit aux organismes locaux et nationaux du régime général, les obligations afférentes à la mise en œuvre de l’assurance maladie-maternité, assurance vieillesse de base à compter du 1er janvier 2018. En revanche, sont transférées, seulement à compter du 1er janvier 2020, au Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), les obligations afférentes à la mise en œuvre de l’assurance vieillesse complémentaires et invalidité-décès.
À la date du 1er janvier 2020, la caisse nationale et les caisses régionales déléguées du RSI devraient être dissoutes.

En pratique, les missions du RSI seront gérées, dans ce cadre :
• pour l’assurance-maladie (prestations), par les CPAM (dès 2018) ;
• pour la retraite de base des artisans, industriels et commerçants, par les CARSAT, la retraite complémentaire et l’assurance invalidité-décès relevant du CPSTI ;
• pour le recouvrement des cotisations, par les URSSAF.

Les professionnels libéraux, y compris les avocats non-salariés, continuent à relever de la CNAVPL et la CNBF au titre des risques vieillesse et invalidité-décès.

Cette réforme constitue cependant un chantier massif au regard des 6,2 millions d’assurés qui en dépendent, et qui ne sont pas des travailleurs comme les autres. Mise en œuvre depuis le 1er janvier 2018, elle ne pourra prendre forme que sur la durée dans un mouvement progressif. Et, s’il convient de réfléchir aux questions d’adossement au régime général, il importe de prendre en compte les spécificités des travailleurs indépendants dans la future organisation.

Dans ce cadre, notamment, on peut se demander quelles seront les conséquences pour les litiges en cours, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans le cadre d’action en recouvrement (opposition à contrainte).
En effet, les Urssaf vont désormais assurer le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants à l’exception de celles dues par les professions libérales et les avocats au titre des assurances vieillesse et invalidité-décès. Toutefois, la réforme du RSI revêt principalement une dimension fonctionnelle et administrative.

La disparition du RSI n’aura pas pour conséquence la disparition des dettes réclamées par les caisses RSI. La suppression du RSI n’aura pas de conséquence directe sur la situation des litiges en cours. En effet, la procédure se poursuivra qu’elle soit au stade de la mise en demeure, ou de la contrainte délivrée par huissier voire de l’instruction devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale.
Période de transition oblige, les litiges concernant le recouvrement des cotisations d’assurance maladie, sont confiés aux URSSAF depuis le 1er janvier 2018. La procédure litigieuse se poursuivra donc avec cette dernière.

Dès lors, en cas de litige (notamment en matière d’affiliation, de cotisations et de prestations) le schéma reste celui du respect des règles du contentieux de la Sécurité sociale.

Bien entendu, du point de vue des travailleurs indépendants, on peut s’interroger sur les mesures qui permettront d’éviter les dysfonctionnements avec l’URSSAF, sans quoi la suppression des caisses du RSI ne serait qu’une mesure de surface qui ne répondrait pas à l’origine des problèmes rencontrés aujourd’hui. Mais cette question importante sera traitée dans un prochain article.