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Recouvrement de créances au Grand-Duché de Luxembourg. Par Jean-Paul Noesen et Anne-Isabelle Cador, Avocat.
Parution : mercredi 30 mai 2018
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Le Luxembourg a un système judiciaire et une administration qui fonctionne bien, un environnement juridique et règlementaire favorable aux affaires et sa fiscalité favorable aux entreprises attire toutes sortes d’entreprise pour y implanter leur siège social.

Néanmoins, son système bancaire fondé sur une confidentialité renforcée des données rend, entre autres, la saisie des comptes bancaires, une voie d’exécution difficile à organiser de sorte que le Luxembourg peut également attirer des entreprises qui ont leur origine dans les pays frontaliers mais avec une volonté d’échapper à leurs dettes.

Il est donc souvent conseillé de se renseigner sur la situation d’une entreprise luxembourgeoise et ses liens éventuels avec une activité hors du Luxembourg avant de contracter avec elle.

I. Le recouvrement amiable.

Avant d’adresser une mise en demeure, il est préférable d’avoir adressé des rappels de paiements à un débiteur luxembourgeois par téléphone et par écrit (email, fax, lettre simple.
Ce n’est que dans un second temps qu’une mise en demeure pourra être envoyée au débiteur et devra alors comporter les mentions suivantes : l’indication de la volonté du créancier d’exiger l’exécution des prestations dues dans un délai déterminé et la notification qu’à défaut de remplir ses obligations, il y aura des conséquences légales que peut subir le débiteur.
La mise en demeure peut être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ou adressée par acte d’huissier de justice.

La loi du 18 avril 2004 sur les délais de paiement prévoit que la mise en demeure n’est plus nécessaire pour entraîner la mise en compte d’intérêts de retard dans le cas d’un débiteur professionnel. En effet, concernant les créances résultant de transactions commerciales, les intérêts de retards seront mis en compte à compter de l’expiration d’un délai de trente jours suivant la réception des factures.
Il est néanmoins conseillé d’adresser une mise en demeure car les tribunaux luxembourgeois exigeront la preuve de la réclamation préalable du paiement de la dette pour toute action introduite devant eux.

D’autre part, le Luxembourg applique avec rigueur le système des Tribunaux de Commerce belges de la facture acceptée, selon laquelle un débiteur commerçant qui n’a pas contesté une facture de façon détaillée à la réception est considéré comme forclos à contester en justice, la quantité et la qualité de la marchandise pour vices apparents ainsi que l’existence du contrat ou de la commande. Ce système jurisprudentiel favorise le créancier dans une optique de salubrité de commerce et de lutte contre les mauvais payeurs. Le créancier doit cependant prouver l’envoi et la réception de la facture, de sorte qu’il est utile de faire des mises en demeure recommandées, d’y joindre copie des factures et d’indi- quer dans la mise en demeure que les factures sont jointes. Le procédé peut paraître lourd, mais s’avère très utile le jour où le dossier doit être plaidé en justice. Le système jurisprudentiel est réservé aux justiciables du Tribunal de commerce et ne s’applique donc pas aux particuliers.

II. Le recouvrement judiciaire.

Au Luxembourg, la compétence des tribunaux est déterminée d’après le montant principal de la créance. Outre, la procédure d’injonction de payer européenne, il existe plusieurs types de procédures possibles en fonction des tribunaux compétents.

A. Les créances d’une valeur inférieure à 10.000 euros : les juges de paix sont compétents.

Le créancier peut opter pour une procédure simplifiée (requête en ordonnance de paiement) ou pour une procédure au fond (citation pour une audience).
L’ordonnance conditionnelle de payer : Il s’agit d’une procédure simplifiée qui relève de la compétence du Juge de paix qui est celui du domicile du défendeur. La demande est formée par une déclaration faite au greffe qui contient sous peine de nullité des mentions obligatoires ainsi que tout document de nature à justifier l’existence, le montant et le bien fondé de la créance. Dans les quinze jours qui suivent la notification de l’ordonnance conditionnelle de paiement, le débiteur peut :
- Soit payer entre les mains du créancier le montant réclamé,
- Soit former contredit par déclaration au greffe.

S’il ne paye pas et qu’il ne forme pas de contredit : le créancier peut demander que l’ordonnance conditionnelle soit rendue exécutoire dans un délai de six mois à partir de l’expiration du délai des quinze jours.
Le titre exécutoire permet au créancier de recouvrer ses créances auprès de son débiteur par tous les moyens d’exécution prévus par la loi.

La citation devant la Justice de paix :
Il est conseillé au créancier de choisir cette option si l’affaire est complexe ou si la créance est contestée par le débiteur. La citation est l’acte introductif d’instance de droit commun pour les litiges de moins de 10.000€.
Elle est délivrée par un huissier au débiteur qu’il se trouve sur le territoire national ou à l’étranger.
A la différence de la procédure d’ordonnance, la citation implique nécessairement la comparution à une audience pour obtenir un jugement.

B. Les créances d’une valeur supérieure à 10.000 euros : les tribunaux d’arrondissement sont compétents.

Pour ce type de créances, le recouvrement pourra être poursuivi devant le président du tribunal d’arrondissement.

Procédure de référé-provision sur requête.
Il s’agit de la procédure la plus simple et la plus efficace pour recouvrer une créance au Luxembourg. Cette procédure introduite par requête unilatérale n’est possible que lorsque le débiteur est domicilié ou réside au Luxembourg.
La requête sera déposée au greffe du Tribunal d’arrondissement en vue pour le créancier de se voir accorder une provision.

Cette procédure présente l’avantage important de dispenser le créancier du recours à un huissier pour introduire son acte introductif d’instance et permet également d’obtenir la prise de position du débiteur avant les plaidoiries.
Dans les quinze jours suivant la notification de l’ordonnance rendue par le juge, le débiteur peut :
- Soit payer entre les mains du créancier,
- Soit former contredit.

Si le débiteur ne paye pas et qu’il ne forme pas contredit : le créancier peut demander que l’ordonnance de provision soit rendue exécutoire.

Procédure de référé-provision sur assignation.
Cette procédure est envisagée lorsque le débiteur n’est pas domicilié ou ne réside pas au Luxembourg. Si la demande parait justifiée comme ne recevant aucune contestation sérieuse, les parties sont convoquées à une audience. L’ordonnance de référé qui est rendue peut être exécutoire à titre provisoire.

La jurisprudence luxembourgeoise estime cependant d’une façon un peu curieuse qu’une ordonnance de référé ne permet pas la saisie et la vente forcée des biens du débiteur. Cette règle n’est pas inscrite dans la loi, mais est d’origine purement jurisprudentielle.
Les procédures en référé ont donc une utilité pratique limitée au cas ou on a affaire à un débiteur aguerri, car ces derniers ont tendance à parfaitement connaître cette règle.

L’assignation au fond devant le Tribunal d’arrondissement.
L’assignation est l’acte introductif d’instance de droit commun pour les litiges de plus de 10.000€. Elle est délivrée par huissier de justice au débiteur qui doit constituer avocat à la cour.

III. Les procédures d’insolvabilités.

Il existe trois types de procédure d’insolvabilité :

En amont la procédure de gestion contrôlée et le sursis de paiement tendant à la réorganisation des affaires du commerçant qui en fait la demande.
Elles se caractérisent par la mise en place d’un moratoire sur les dettes du débiteur afin de permettre l’obtention d’un accord avec les créanciers en vue soit du redressement, soit de la réalisation des actifs du débiteur. Son coût élevé la limite aux grandes structures.

Le concordat préventif de faillite est une procédure ouverte, sous certaines conditions, au débiteur qui remplit les conditions de la faillite. Lorsque le concordat se fera par abandon d’actif, la procédure aura, à l’instar de la procédure de faillite, pour but de permettre la liquidation de l’actif du commerçant qui a fait abandon d’actif. Cette procédure diffère toutefois de la procédure de faillite par le fait que le commerçant échappera aux effets produits par la procédure de faillite. En pratique, elle n’est guère appliquée, la jurisprudence luxembourgeoise ne croit pas dans le sauvetage des entreprises, elle préfère éliminer les canards boiteux du circuit économique

La procédure de faillite est une procédure tendant à la liquidation du patrimoine du commerçant devenu insolvable. C’est la procédure d’insolvabilité la plus commune. La déclaration de créances doit être faite au greffe dans le délai déterminé par le tribunal (20 jours en général). Ce délai n’a pas néanmoins l’effet de péremption de la créance que peut avoir l’absence de déclaration de créance dans le délai de 2 mois suivant le publication du jugement de procédure d’insolvabilité en France.
Les créanciers non résidents doivent obligatoirement faire un élection de domicile au Luxembourg pour toutes les notifications à recevoir du curateur ou du Tribunal.

Jean-Paul Noesen, Avocat à la Cour d’appel de Luxembourg – Etude Noesen. Anne-Isabelle Cador, Avocat au Barreau de Paris – Bierens Avocats.
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