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Le juge du tarif doit se prononcer sur le bien-fondé de la demande de financement. Par Audrey Uzel, Avocat.
Parution : jeudi 14 juin 2018
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... Ou le caractère inopérant des moyens de légalité externe devant le juge du tarif.

La jurisprudence se confirme devant le juge du tarif : Invoquer des purs moyens de forme ne suffisent plus pour obtenir l’annulation de la décision de financement. C’est le bien fondé de la demande de financement qui doit être examinée.

La société Sogecler a demandé au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Nancy (TITSS), d’une part, d’annuler les décisions des 31 décembre 2012 et 30 janvier 2013 du directeur général de l’agence régionale de santé de Lorraine refusant de lui accorder une dotation d’un montant de 93 250 € pour son activité d’éducation thérapeutique du patient en diabétologie et, d’autre part, de lui accorder le financement sollicité. Le TITSS a fait droit à sa demande retenant le moyen tiré de l’insuffisance de motivation.

Sur appel de l’ARS, le jugement a été annulé. La CNTSS a estimé que le moyen d’annulation retenu par le juge du premier degré était inopérant.

L’occasion était alors donnée au Conseil d’Etat de rappeler l’office du juge du tarif. Il juge que « lorsque le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale est saisi d’un recours introduit sur le fondement des dispositions de l’article L. 351-1 du code de l’action sociale et des familles, il lui appartient, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse, mais d’examiner le bien-fondé du tarif fixé par l’administration ou le droit du demandeur à se voir attribuer la somme qu’il réclame. S’il estime que le tarif a été illégalement fixé ou la somme demandée illégalement refusée, il lui appartient d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même, pour l’exercice en cause, un tarif conforme aux textes en vigueur ou le montant de la somme attribuée à l’intéressé ou, s’il ne peut y procéder, en renvoyant l’intéressé devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation sur les bases qu’il indique dans les motifs de son jugement ».

Ainsi, le TITSS ne peut pas se borner à constater une illégalité de procédure mais doit examiner le bien-fondé du tarif fixé par l’administration ou le droit du demandeur à se voir attribuer la somme qu’il réclame. Le Conseil d’Etat confirme alors une jurisprudence constante de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS) qui, depuis plusieurs années, retient l’inopérance des moyens de légalité externe.

C’est ce qu’elle a notamment jugé pour :
- le moyen tiré du défaut de motivation des abattements : « Au regard de l’objet d’une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l’intéressée à percevoir la somme qu’elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échant, entachée la décision refusant d’attribuer les tarifs demandés sont sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile de France n’aurait pas motivé les modifications apportées à ses propositions budgétaires est inopérant » (CNTSS, 01 fév. 2017, Œuvre Falret c/ Agence régionale de santé Ile de France, n° A.2015.03) ;
- le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur : « Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d’incompétence, s’agissant d’un litige de plein contentieux portant sur la contestation d’une tarification, est inopérant » (CNTSS 1er déc. 2017, Association SESAM 34 c/ ARS Occitanie (service de soins infirmiers à domicile de Castelnau-le-Lez, n° A.2015.02).

Cette jurisprudence conduit les établissements à concentrer leurs efforts sur la démonstration de l’impossibilité de fonctionner avec les budgets alloués. Rappelons à ce titre, que l’absence de développements sur ce point conduit le juge du tarif à prononcer l’irrecevabilité de la requête (CNTSS, 1er déc. 2017, Association pour la création d’équipements pilotes (ACEPT) c/ ARS Ile de France (EHPAD « Les Fontaines » à Roissy-en-Brie), n° A.2015.23).

Source : CE, 20 oct. 2017, n° 401554

Audrey UZEL SELARL KOS AVOCATS Avocats au Barreau de Paris