Village de la Justice www.village-justice.com

Du difficile usage du sursis à statuer au cours de l’élaboration/révision du plan local d’urbanisme… En 10 questions. Par Jean-François Rouhaud, Avocat.
Parution : lundi 18 juin 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/difficile-usage-sursis-statuer-cours-elaboration-revision-plan-local-urbanisme,28797.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les révisions de plans locaux d’urbanisme sont aujourd’huis nombreuses, compte tenu à la fois des évolutions législatives mais également de la mise en place des schémas de cohérence territoirale.
Dans ce contexte, les porteurs de projet comme les administrations sont confrontés à la difficile gestion de la période transitoire au cours de laquelle les règles d’urbanisme futures vont se substituer aux règles d’urbanisme existantes.
C’est le mécanisme du sursis à statuer qui permet de trouver un équilibre entre le droit à bénéficier des règles en vigueur et la préservation du document d’urbanisme en cours d’élaboration.

1. Pourquoi le sursis à statuer est-il fréquemment utilisé ?

Rares sont les territoires qui actuellement ne connaissent pas une mutation de leurs règles d’urbanisme, dans le cadre de l’élaboration ou de la révision d’un plan local d’urbanisme (PLU).
Jusqu’à la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté [1], les documents d’urbanisme existants devaient en effet être mis en conformité avec la loi « Grenelle » avant le 1er janvier 2017. Certains documents sont donc en train de réaliser leur mue.
Par ailleurs, la compétence en matière de PLU transférée de plein droit par la loi ALUR [2] aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, sans même parler des métropoles, a enclenché un mouvement plus ou moins important, selon les régions, d’élaboration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux.
La couverture du territoire national par les PLUi va faire l’objet d’une première séquence avant le 1er janvier 2020 puis, probablement, d’une seconde après 2020. A la suite de cette évolution, nombre de petites communes dépourvues de document d’urbanisme ou seulement pourvues d’une carte communale seront vraisemblablement couvertes par un PLU, en raison uniquement de leur appartenance à une communauté de communes ou à une communauté d’agglomération ayant reçu la compétence en la matière.
Cette tendance est amplifiée par la mise en œuvre des dispositions de la loi "Notre" [3] obligeant à constituer des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 15.000 habitants.

Dans un tel contexte, les droits des propriétaires et des constructeurs sont ou vont être sensiblement modifiés. Ce constat est d’autant plus prégnant que l’élaboration ou la révision des plans locaux d’urbanisme doit s’effectuer dans le respect de l’objectif de la diminution de la consommation d’espace qui, sur certains territoires, est poursuivi parfois jusqu’à l’excès.
Pour beaucoup de communes et d’intercommunalités, cela va conduire à de nombreux reclassements en zone agricole ou naturelle de terrains jusque-là classés en zone urbaine ou à urbaniser.
Au-delà même de l’aspect quantitatif, les règles d’urbanisme applicables aux projets sont elles-mêmes appelées à évoluer afin de répondre aux enjeux du moment : davantage de mixité sociale, davantage de mixité fonctionnelle, davantage de densité, davantage de protection de l’environnement... L’économie générale des projets en sera nécessairement modifiée.

Il n’est donc pas étonnant que pendant la période, parfois longue, au cours de laquelle est élaboré ou révisé un plan local d’urbanisme, puissent émerger des difficultés. Le propriétaire ou le constructeur qui sentira poindre un nouveau document d’urbanisme réduisant ses droits à construire aura la volonté d’obtenir son autorisation d’urbanisme sous l’empire de la réglementation en vigueur, avant que le nouveau PLU soit opposable aux tiers. Inversement, la collectivité compétente en matière de PLU qui consacre des moyens humains et financiers à l’élaboration d’un projet de territoire cherchera à éviter que la traduction réglementaire de ce projet soit compromise par des « coups partis ».

C’est essentiellement le mécanisme du sursis à statuer qui permet de ménager ce subtil équilibre entre, d’une part, la règle selon laquelle un projet se voit appliquer les dispositions d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle il est autorisé et, d’autre part, la nécessité de préserver les conditions d’application des règles à venir.

2. Quels sont les textes qui définissent le régime du sursis à statuer ?

Le régime juridique du sursis à statuer en période d’élaboration et de révision d’un PLU résulte aujourd’hui de l’application combinée des articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l’urbanisme.

Selon ces dispositions, l’administration peut s’abstenir de statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations, « qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ».

Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans.

Pour reprendre les termes du Conseil d’Etat [4] , la décision de sursis à statuer cesse de produire ses effets, quelle que soit la durée du sursis qu’elle indique, à la date à laquelle le plan local d’urbanisme dont l’élaboration ou la révision l’avait justifiée est adopté. Dans l’hypothèse où ce PLU n’est pas adopté avant l’expiration du délai de validité du sursis, le demandeur dispose d’un délai de deux mois à compter de l’expiration du délai de validité du sursis pour confirmer sa demande. L’administration sera alors tenue d’apprécier la conformité de la demande d’autorisation aux règles d’urbanisme existant avant l’approbation du nouveau document d’urbanisme.

Dans le cas où le PLU est adopté avant l’expiration du délai indiqué par la décision de sursis, le demandeur dispose, pour confirmer sa demande, d’un délai qui court à compter de la date de l’adoption du PLU et s’achève deux mois après l’expiration du délai qui lui avait été indiqué. L’administration sera alors tenue d’apprécier la conformité de la demande d’autorisation au nouveau document d’urbanisme.

3. Quels sont les conditions qui encadrent l’édiction d’un sursis à statuer ?

La faculté de surseoir à statuer obéit à des conditions spécifiques, appliquées de manière assez stricte par les juridictions administratives. Cela se comprend dès lors qu’elle constitue une dérogation au principe selon lequel il est fait application des règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle l’administration statue. Le sursis à statuer est par ailleurs une limitation au droit de construire et il annonce souvent un refus d’autorisation.

L’article L. 153-11 du code de l’urbanisme fixe une première condition selon laquelle une telle décision ne peut intervenir qu’« à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ».
En l’absence d’une telle publication et, à plus forte raison, si cette délibération est inexistante, toute décision de sursis à statuer sera entachée d’illégalité [5].

Une seconde condition a été introduite par la loi précitée, relative à l’égalité et à la citoyenneté [6]qui a modifié les termes de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme. Désormais, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer « dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable » (PADD). Il est donc interdit d’opposer une décision de sursis à statuer avant ce débat.

Introduite par un amendement parlementaire discuté en séance publique lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi devant l’Assemblée nationale, cette nouvelle disposition a été proposée afin d’éviter que « certaines collectivités sursoient à statuer sur les demandes de permis, dès la publication de la délibération de l’élaboration du PLU ou de la mise en révision de ce document, aboutissant ainsi à un gel des autorisations et partant une réduction de l’offre de logements » [7] Une troisième condition est formulée par ce même article L. 153-11. Le projet faisant l’objet de la demande d’autorisation d’urbanisme doit être de nature « à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan ».

Une telle exigence, qui reste valable après la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, conduit les juridictions administratives à procéder à deux vérifications :
- d’une part, l’état d’avancement des travaux d’élaboration du nouveau document d’urbanisme doit permettre, à la date du sursis, de préciser la portée exacte des modifications projetées ;
- d’autre part, les nouvelles dispositions actées dans le cadre de l’élaboration du nouveau document d’urbanisme ne doivent pas seulement être contrariées par le projet faisant l’objet d’une demande d’autorisation d’urbanisme mais bien être remises en cause par la mise en œuvre d’un tel projet.

C’est ainsi par exemple que, dans une affaire jugée le 30 mai 2011 et portant sur un projet de construction d’une surface hors œuvre brute de 335 m2, le Conseil d’Etat a considéré que le projet de PLU avait atteint un état d’avancement suffisant dès lors que le projet d’aménagement et de développement durables de la commune, composante du plan local d’urbanisme, ainsi qu’un projet de règlement de celui-ci, comportant des cartes détaillées du zonage à venir, avaient été rendus publics, et que le projet de plan local d’urbanisme avait ainsi fait l’objet d’une exposition au public à la mairie [8].
Dans cette même affaire, le Conseil d’Etat a jugé que la réalisation de cette construction était de nature à compromettre l’exécution du futur plan, en tenant compte à la fois des caractéristiques du projet et du contenu du futur PLU. Le projet se situait en lisière d’une zone boisée qui s’étendait au sud d’une maison déjà édifiée sur l’unité foncière concernée, dont le projet de plan local d’urbanisme entendait conserver le caractère naturel, préservé de toute construction. Le projet de règlement du PLU incluait le terrain d’assiette du projet en zone Nb recouvrant principalement des terrains d’urbanisation diffuse existante et où, sauf exceptions dûment précisées, les constructions et installations de toute nature étaient interdites.

4. A partir de quand considère-t-on que les travaux d’élaboration ou de révision d’un document d’urbanisme sont suffisamment avancés ?

La jurisprudence retient que si le projet d’aménagement et de développement durables n’est pas directement opposable aux demandes d’autorisation de construire, il appartient à l’autorité compétente de prendre en compte les orientations d’un tel projet, dès lors qu’elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d’urbanisme, permettant d’apprécier les incidences du projet sur l’exécution du futur plan [9].

Autrement dit, une décision de sursis à statuer peut valablement être édictée à partir du jour où les objectifs du projet de PADD du futur document d’urbanisme sont connus et surtout débattus par l’assemblée délibérante.
Cette solution est désormais est confirmée voir même précisée par la nouvelle disposition introduite par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, évoquée plus haut, qui interdit d’opposer une décision de sursis à statuer avant qu’ait eu lieu le débat sur les orientations générales du PADD.

Mais cette condition, liée au débat sur le PADD, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante. Pour que la décision de sursis à statuer soit légale, le contenu des objectifs du PADD doit en effet être suffisamment précis pour qu’il soit permis d’en déduire que l’exécution du futur document serait compromise. Au contraire, si ces orientations sont trop générales, la légalité du sursis à statuer sera douteuse. Dans l’affaire précitée du 1er décembre 2006, le Conseil d’Etat a confirmé l’appréciation du juge des référés concernant un permis de construire portant sur la réalisation d’un immeuble de trois étages comprenant onze logements et la rénovation d’un pavillon existant sur un terrain situé à proximité immédiate d’un aqueduc, dès lors que ce projet n’était pas, compte tenu de ses caractéristiques, de nature à compromettre l’objectif du PADD. Le PADD prévoyait uniquement de mettre en valeur cet aqueduc et d’ « accompagner le tracé de l’aqueduc par un règlement de zonage favorisant un tissu urbain "vert", type "cité jardin" ».

Dans une situation différente, la Haute juridiction a pu considérer, s’agissant d’une demande de permis de construire un bâtiment à destination exclusivement commerciale, que le sursis à statuer était justifié dès lors « que les orientations définies pour ce secteur dans le cadre de l’élaboration en cours du plan local d’urbanisme telles qu’elles étaient formulées à cette date dans le projet d’aménagement et de développement durable et avaient été débattues par le conseil municipal, prévoyaient que ce secteur ferait l’objet d’une occupation mixte, partagée entre le logement et des activités économiques » [10]

5. A partir de quand considère-t-on que la réalisation du projet est de nature à porter une atteinte significative à l’exécution du futur plan ?

Il ne suffit pas que soit établie une simple absence de conformité d’un projet aux règles que l’administration a prévu d’incorporer dans le futur PLU. Il s’agit bien de savoir si, eu égard à l’importance du projet et au contenu du futur document d’urbanisme, sa réalisation est de nature à compromettre l’exécution dudit plan [11]

Si le projet ne méconnaît pas le futur document d’urbanisme, la décision de sursis à statuer sera jugée illégale. Après avoir relevé qu’un projet de PLU arrêté prévoyait de classer une villa « comme bâtiment remarquable », sans comporter de « prescription de nature à assurer sa protection », le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de Cour jugeant qu’un permis de construire valant permis de démolir entrait en contradiction avec la volonté affichée des auteurs du PLU et que le maire avait ainsi commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il n’était pas de nature à en compromettre l’exécution, alors que le classement qu’il prévoyait aurait eu pour seul effet de subordonner la démolition de la villa à la procédure du permis de démolir [12].

Il en ira de même si le projet ne méconnaît que de façon limitée le futur document d’urbanisme. La Cour administrative d’appel de Lyon a ainsi récemment annulé une décision de sursis à statuer au motif que si « la construction des deux gîtes (...), sans lien avec une activité agricole, n’était pas envisageable sous l’empire de la réglementation du futur plan local d’urbanisme, elle n’était cependant pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution eu égard, d’une part, au caractère limité du projet au regard de l’étendue de la zone A qu’il est envisagé de protéger par le futur classement, et, d’autre part, à son emplacement, qui, bien que situé à flanc de coteau, s’inscrit dans la continuité immédiate de la zone déjà urbanisée du centre-bourg, et est desservi par les réseaux publics » [13].

Il est utile de préciser, à ce sujet, que cette condition liée à l’atteinte significative à l’exécution du futur plan, ne paraît pas obliger l’autorité administrative à s’assurer de la légalité de la règle à laquelle il est porté atteinte. En tous les cas, l’illégalité de cette règle n’aura pas de conséquence sur la légalité de la décision de sursis à statuer [14]

6. Surseoir à statuer à une demande d’autorisation d’urbanisme peut-il constituer une obligation pour l’administration ?

Le contrôle du juge administratif sur la décision de sursis à statuer, qui limite le droit de construire, est un contrôle approfondi. De façon dissymétrique, le contrôle du juge administratif sur la décision accordant une autorisation d’urbanisme, alors qu’une décision de sursis à statuer aurait pu être édictée, est un contrôle restreint dit de l’erreur manifeste d’appréciation.

Il est ainsi jugé qu’en décidant de ne pas surseoir à statuer sur une demande de permis de construire alors que la révision du document d’urbanisme prévoyait d’interdire la surélévation des constructions dans la zone considérée, le maire n’a, « au regard de la modestie du projet et de son insertion au sein du bâti environnant », commis aucune erreur manifeste d’appréciation [15]

classé dans le futur plan local d’urbanisme en zone urbaine pavillonnaire et que le projet litigieux n’y serait plus autorisé n’est pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan », le Conseil d’Etat considère « qu’en ne décidant pas de surseoir à statuer sur la demande présentée (...), le maire (...) n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation » [16]

En sens contraire, il a été jugé qu’un maire a commis une erreur manifeste d’appréciation en n’opposant pas un sursis à statuer, au regard des « contradictions flagrantes existant entre les prescriptions futures du plan qui, dans le secteur pavillonnaire concerné, tendaient à limiter l’emprise au sol des bâtiments à 100 m2 et leur hauteur à 10 mètres au faîtage, alors que l’emprise au sol du projet de construction litigieux était de 450 m2 et sa hauteur de 12 mètres » [17]

7. Quelles sont les règles qui encadrent l’édiction d’un sursis à statuer en lotissement ?

En lotissement, en vertu de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant la date de la non-opposition à cette déclaration, lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable, ou l’achèvement des travaux, lorsque le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager.

A s’en tenir à la lettre de la loi, ces dispositions protectrices des constructeurs ne visent que les refus de permis de construire. La Cour administrative d’appel de Nantes a toutefois eu l’occasion d’en étendre l’application à une décision de sursis à statuer en jugeant qu’une telle décision ne peut être fondée sur la circonstance que « la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’équilibre d’un plan local d’urbanisme en cours d’élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d’autorisation du lotissement, ne pourrait motiver un refus (…) sans méconnaître les dispositions de l’article L. 442-14 » [18]. Dans cette affaire, après avoir relevé que le terrain d’implantation du projet de construction avait fait l’objet d’une déclaration préalable de division foncière ayant donné lieu à une décision de non-opposition, la Cour a considéré « que la réglementation d’urbanisme applicable au permis de construire sollicité (…) était, à compter de la date d’autorisation du lotissement et jusqu’à l’expiration du délai de cinq ans suivant son achèvement, (…) celle en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation de lotir ». Par conséquent, le maire de la commune « ne pouvait légalement se fonder sur les futures dispositions du plan local d’urbanisme, alors même que son élaboration avait été décidée par une délibération du conseil municipal avant la date de l’autorisation de lotir, pour surseoir à statuer (…) sur la demande de permis de construire ».

Dès lors qu’un lotissement a fait l’objet d’une décision de non-opposition à déclaration préalable, un sursis à statuer ne peut donc pas valablement être fondé sur une considération liée au futur PLU qui serait postérieure à cette décision. Bien évidemment, cette solution ne vaut que s’il existe une décision de non-opposition à déclaration préalable en cours de validité.

Dans le même sens, un jugement du 5 novembre 2013 du Tribunal administratif de Caen a annulé la prescription assortissant une décision de non-opposition à déclaration préalable de division foncière, qui prévoyait que toute demande de permis de construire serait susceptible de faire l’objet d’une décision de sursis à statuer. Le Tribunal a considéré que cette faculté d’information est réservée aux certificats d’urbanisme et qu’aucune disposition du code de l’urbanisme ne la prévoit pour les décisions de non-opposition à une déclaration préalable [19].

En ce qui concerne les lotissements autorisés par un permis d’aménager, la même solution semble pouvoir s’appliquer, à ceci près que l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme ne paraît créer des droits acquis qu’à compter de l’achèvement des travaux de viabilisation du lotissement et non pas de la décision de permis d’aménager.

8. Quelles sont les règles qui encadrent l’édiction d’un sursis à statuer pendant la période de validité d’un certificat d’urbanisme ?

En vertu de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de 18 mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Ce même article fait obligation au certificat d’urbanisme de mentionner la faculté de sursoir à statuer, « lorsqu’un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis ».

Le Conseil d’Etat a jugé que l’omission, dans un certificat d’urbanisme, de la mention de la possibilité d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d’urbanisme [20].

9. A partir de quel moment l’information relative au sursis à statuer peut-elle être mentionnée dans un certificat d’urbanisme ?

Dans cette même affaire jugée le 3 avril 2014, le Conseil d’Etat a considéré que le CU doit mentionner « la possibilité, lorsqu’elle est remplie, à la date de délivrance du certificat... d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ». Pour citer les conclusions du Rapporteur Public Xavier LESQUEN dans cette affaire : « ...l’omission de la mention de la possibilité d’un sursis à statuer ne crée aucun droit pour le bénéficiaire du certificat, seule important la question de savoir si cette possibilité existait légalement à la date de délivrance du certificat ». Selon lui, « le certificat ne cristallise une faculté de sursis que si les conditions légales mises à son prononcé étaient réunies à cette date, au vu de l’état d’avancement des règles qu’il justifie, par exemple celles du plan local d’urbanisme (PLU) en cours d’élaboration... ».

Cette appréciation avait déjà été retenue par la Cour Administrative d’Appel de Lyon dans un arrêt du 3 juillet 2012 [21] Elle a été retenue par le Tribunal Administratif de Rennes, dans un jugement du 19 décembre 2014, dans les suites de l’arrêt précité du Conseil d’Etat du 3 avril 2014 [22].

Juridiquement, la mention du sursis à statuer ne peut donc pas être portée dans un certificat d’urbanisme lorsque la révision du document d’urbanisme a uniquement été prescrite.
La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté rendant impossible l’édiction d’une décision de sursis à statuer avant le débat sur le PADD, une telle mention est à proscrire au moins jusqu’à ce débat. Elle ne doit apparaître que lorsque, d’une part, la procédure d’élaboration ou de révision du document d’urbanisme est suffisamment avancée, à la date du CU, pour fonder un sursis à statuer et que, d’autre part, le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.
Par voie de conséquence, un sursis à statuer ne pourra valablement être opposé à une demande d’autorisation d’urbanisme si cette demande d’autorisation a été déposée dans le délai de validité du CU et que les conditions d’édiction du sursis à statuer n’étaient pas réunies à la date du CU.

Il est possible d’ajouter que la mention de sursis à statuer dans un certificat d’urbanisme fait grief au pétitionnaire dès lors qu’en cas de modification des documents d’urbanisme, il est susceptible de perdre le bénéfice des règles applicables qu’est censé assurer le certificat d’urbanisme. La mention dans un certificat d’urbanisme de la possibilité d’un sursis à statuer ultérieur est par ailleurs divisible du reste du certificat et susceptible d’être discutée au contentieux [23].

Le Tribunal administratif de Caen a ainsi récemment été amené à annuler la mention du sursis à statuer figurant dans un certificat d’urbanisme d’information au motif « qu’à la date à laquelle le certificat d’urbanisme d’information a été délivré (…) et sur lequel était mentionné un possible sursis à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme, les travaux de révision du PLU ( …) ne suffisent pas à révéler un état d’avancement suffisant du futur plan local d’urbanisme pour voir les conditions du sursis à statuer (…) remplies » [24].

La Cour administrative d’appel de Lyon a très récemment prononcé un arrêt allant dans le même sens en annulant un certificat d’urbanisme précisant qu’un sursis à statuer « pourra être opposé à une déclaration préalable ou à une demande de permis de construire ». Selon la Cour, il ne ressortait d’aucune des pièces du dossier que l’élaboration du document d’urbanisme était à cette époque suffisamment avancée pour permettre à l’administration d’opposer le sursis à statuer à une éventuelle demande d’autorisation d’urbanisme, « dès lors notamment que n’avait pas encore été débattues (…) les orientations du projet d’aménagement et de développement durables pour les différents secteurs de la commune ». La Cour ajoute que « si la commune, soutient en appel que le document d’orientations générales du schéma de cohérence territoriale (SCOT) range le terrain en litige dans l’armature verte et au sein d’un territoire agricole à préserver, un tel schéma, y compris dans les zonages qu’il définit, ne saurait, par lui-même, traduire un quelconque état d’avancement du futur plan local d’urbanisme » [25].

10. Quelles sont les règles qui encadrent l’édiction d’un sursis à statuer dans le cas où un refus d’autorisation d’urbanisme a été annulé ?

Enfin et pour terminer, il est utile de signaler le cas particulier dans lequel l’administration est de nouveau amenée à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme après qu’un refus opposé à cette demande ait fait l’objet d’une annulation juridictionnelle. L’article L. 600-2 du code de l’urbanisme fait en effet obligation à l’administration de statuer sur cette demande au regard des règles d’urbanisme existant au jour du refus annulé.

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de considérer que l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que la demande de permis de construire confirmée par le pétitionnaire fasse l’objet d’un sursis à statuer. Il rappelle toutefois que le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution d’un plan local d’urbanisme intervenu postérieurement à la date de la décision de refus annulée [26].

La même appréciation prévaut lorsque l’administration est amenée à statuer de nouveau sur une demande d’autorisation d’urbanisme après qu’un sursis à statuer (et non pas un refus) opposé à cette demande ait fait l’objet d’une annulation juridictionnelle [27].

[1L’article 132 de cette loi supprime en effet l’échéance du 1er janvier 2017 au terme de laquelle les documents d’urbanisme existants se devaient d’être grenellisés (JORF n°0024 du 28 janvier 2017).

[2Article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, JORF n°0072 du 26 mars 2014.

[3Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, JORF n°0182 du 8 août 2015.

[4CE, 11 février 2015, n° 361433.

[5Voir pour une application récente TA Nantes, 3 mars 2016, n° 1403312 et 1403313.

[6Article 109.

[7Exposé des motifs de l’amendement n° 427 présenté par Monsieur Goldberg.

[8CE, 30 mai 2011, n° 327769.

[9CE, 1er décembre 2006, n° 296543.

[10CE, 20 décembre 2006, n° 295870.

[11Voir en ce sens CE, 25 avril 2013, n° 208398.

[12CE, 27 juillet 2015, n° 381248.

[13CAA Lyon, 2 août 2016, n° 15LY00981.

[14CAA Lyon, 22 juin 2010, n° 08LY01158.

[15CE, 21 mai 2008, n° 284801.

[16CE, 16 octobre 2013, n° 359098.

[17CE, 26 décembre 2012, n° 347458.

[18CAA Nantes, 30 avril 2014, n° 12NT02773.

[19TA Caen, 5 novembre 2013, n° 1301316.

[20CE, 3 avril 2014, n° 362735.

[21CAA Lyon, 3 juillet 2012, n°11LY02357.

[22TA Rennes, 19 décembre 2014, n° 1102216.

[23CE, 21 mai 2012, n° 323882.

[24TA Caen, 31 mai 2016, n° 1501184 et 1502541.

[25CAA Lyon, 12 juillet 2016, n° 14LY03780.

[26CE, 16 juillet 2010, n° 338860.

[27CE, 9 mars 2016, n° 383060.

Comentaires: