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Rupture du contrat d’agent commercial : les fondamentaux. Par Jean-Charles Foussat, Avocat.
Parution : jeudi 21 juin 2018
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La rupture du contrat d’agent commercial est soumise à des règles bien précises, qu’elle soit décidée par l’agent commercial ou le mandant. Par principe, la rupture du contrat d’agent commercial par le mandant ouvre droit à indemnité pour l’agent commercial. Mais cette rupture emporte d’autres conséquences importantes.

En premier lieu, qu’elle soit décidée par l’agent commercial ou le mandant, la rupture du contrat d’agent commercial à durée indéterminée doit en principe être notifiée à l’autre partie.

La loi n’impose pas de formalisme particulier en la matière.

Un courrier recommandé ou équivalent (type lettre remise en main propre contre décharge) sera toutefois vivement recommandé pour éviter les discussions tant sur le principe de la rupture elle-même que sur sa date de prise d’effet.

Par ailleurs, il n’est pas rare que le contrat d’agent commercial ne soit pas clairement rompu par le mandant, celui-ci faisant en sorte de ne plus permettre à l’agent commercial d’exécuter normalement son mandat, soit en ne lui fournissant plus les informations (tarifs…), échantillons, etc. nécessaires et/ou en retenant délibérément le paiement de ses commissions, etc.

Dans une telle situation, il appartiendra alors à l’agent commercial de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de son mandant. Mais la prudence s’imposera alors car une prise d’acte intempestive s’apparentera à une démission de l’agent commercial concerné.

Si l’une des parties prend l’initiative de rompre de façon expresse le contrat d’agent commercial, un délai de préavis devra alors être respecté.

Ce délai variera en fonction de la durée du contrat en question.

En France, ce préavis sera d’un mois en cas de rupture du contrat d’agent commercial pendant sa première année, deux mois en cas de rupture pendant la seconde année, trois mois en cas de rupture pendant la troisième année et les années suivantes du contrat.

Si les parties sont convenues de délais de préavis plus longs aux termes de leur contrat, il conviendra au moment de la rupture de vérifier que le délai de préavis prévu pour le mandant n’était pas plus court que celui prévu pour l’agent. A défaut, la validité de la clause concernée du contrat pourrait être remise en cause.

En Belgique et dans la plupart des autres pays européens, ce préavis pourra être porté jusqu’à six mois en fonction du nombre d’années du contrat.

Toutefois, un tel préavis n’a pas à être respecté en cas de faute grave invoquée au soutien de la décision de rompre le contrat d’agent commercial.

En cas de contrat à durée déterminée ne comportant pas de clause de reconduction tacite, le contrat prendra en principe automatiquement fin à l’arrivée de son terme, sauf à ce que les parties continuent de l’exécuter après son terme ; dans ce cas, le contrat se transformera en contrat à durée indéterminée.

Conséquence de la rupture du contrat d’agent commercial.

Dès lors que le contrat aura pris fin, bien évidemment, l’agent commercial n’aura plus à fournir de prestations à son ancien mandant.

L’agent commercial sera tenu de restituer à son mandant les documents, échantillons, etc. que celui-ci lui aura fournis.

En revanche, le mandant sera tenu de payer à l’agent commercial les commissions lui restant dues non seulement au titre des commandes prises par l’agent commercial ou reçues par le mandant pendant le contrat, mais aussi au titre des commandes principalement dues à l’activité de l’agent commercial pendant son contrat et passées par les clients dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat de l’agent commercial. C’est le fameux droit de suite de l’agent commercial.

Par ailleurs, l’obligation de non-concurrence à laquelle l’agent commercial était tenu envers son mandant pendant leur collaboration prendra également fin.

En conséquence, sauf à ce que le contrat ait prévu une obligation de non-concurrence post-contractuelle, l’agent commercial pourra travailler à l’avenir pour une entreprise concurrente de son ancien mandant.

Mais, à ce sujet, il convient de préciser que l’obligation de non concurrence qui pesait sur l’agent commercial pendant le contrat du fait même du statut et celle qu’il pourra être tenu de respecter après son contrat sont sensiblement différentes.

En effet, en cas de clause de non concurrence post-contractuelle, l’agent commercial ne pourra travailler pour une entreprise concurrente. Mais, outre que cette clause de non-concurrence ne pourra excéder deux années à compter de la cessation du contrat, contrairement à l’obligation de non-concurrence à laquelle l’agent commercial était tenu pendant le contrat, cette obligation de non-concurrence post-contractuelle devra être limitée au secteur ainsi qu’aux produits confiés à l’agent commercial par son ancien mandant.

A défaut, sa validité pourra être remise en cause.

Et pour éviter tout malentendu, rappelons que, contrairement encore à ce qui est prévu pour les salariés, cette clause de non-concurrence n’aura pas à être assortie d’une contrepartie financière pour être valable. Ce point est bien établi en jurisprudence.

Enfin, l’une des caractéristiques essentielles du contrat d’agent commercial est bien évidemment l’indemnité à laquelle l’agent commercial peut par principe prétendre en cas de cessation de son contrat [1]

Cette indemnité est d’ordre public et les cas dans lesquels l’agent commercial ne peut y prétendre l’exception.

Tel est notamment le cas :

- si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial ; [2]

-  si la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent commercial, en d’autres termes si l’agent commercial met fin à son contrat, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

-  si l’agent commercial cède son contrat à un tiers.

Le montant de cette indemnité n’est pas fixé par la loi. L’usage est toutefois de fixer cette indemnité à deux années de commissions, sachant que des montants différents sont toutefois envisageables dans des cas bien précis.

Les bases de calcul de cette indemnité devront bien évidemment être correctement appréhendées pour calculer correctement l’indemnité de rupture de l’agent commercial, l’enjeu étant de taille pour l’agent commercial comme pour le mandant.

Jean-Charles FOUSSAT, Avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles FOUSSAT Avocats Paris, Bruxelles, Marseille www.cabinetfoussat.com

[1Voir sur cette question notre article « L’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial ».

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