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Victimes de la route, évaluez vos préjudices corporels et négociez vos indemnités pour vos dommages corporels. Par Michel Benezra, Avocat.
Parution : samedi 23 juin 2018
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Après une première épreuve, l’accident de la route, les victimes de dommages corporels sont toutes confrontées à une seconde épreuve : obtenir des assureurs l’indemnisation correcte de leurs préjudices corporels. Voici comment défendre les intérêts de la victime accidentée.

A quelle indemnisation peut prétendre la victime d’un accident corporel de la circulation ?

Cette question est "la" question posée à chacun des premiers contacts entre l’avocat et la victime accidentée et pour cause… La victime accidentée ne veut pas encore une fois devenir une victime des assurances.

Néanmoins, il faut le dire haut et fort, rien à l’ouverture d’un dossier ne peut permettre à l’avocat de fixer l’indemnisation de la victime de dommages corporels.

En effet, cette indemnisation dépend exclusivement de la gravité des préjudices corporels de la victime liés à l’accident de la circulation alors que ces mêmes préjudices devront être constatés par un médecin expert (soit de façon amiable ou de façon contentieuse) dans un rapport d’expertise.

Aussi, sans ce rapport, la liste des préjudices, de leur quantum et autres ne sont ni disponible ni accessible et toutes tentatives de fixer le montant d’une indemnisation en amont de l’expertise médicale est vaine ou tout simplement juste illusoire.

Si l’expérience d’un avocat permet à ce dernier de vous fixer une "fourchette" d’indemnisation elle ne sera efficace que si la victime est atteinte d’un très grave préjudice (traumatisme crânien sévère, tétraplégie, paraplégie, hémiplégie, traumatisme médullaire, …).

Parmi les préjudices indemnisés, le handicap que la victime conservera toute sa vie, appelé déficit fonctionnel permanent (DFP) [1], est évalué selon un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) allant de 0 à 100 %.
Les sommes accordées au titre de ce préjudice sont très variables car elles diffèrent en fonction de l’âge et du degré de handicap de la victime.
Même si cela peut paraître étrange, le lieu (différents ressorts des cours d’appel) de l’indemnisation de la victime des dommages corporels va participer également à cette variante.
Pour exemple, une victime d’un accident dont le handicap a été fixé à 8 % (perte d’un doigt dans notre cas...) est indemnisée à Colmar sur la base d’un point d’IPP évalué à 829 €, alors qu’à Nancy, elle est indemnisée sur une base de 1 370 € le point, soit + de 60 % de plus.
Les mêmes écarts existent aussi pour les handicaps plus lourds de l’ordre de 50 % (perte d’une main...), le point à Agen est fixé à 1697 euros alors qu’à Toulouse à 2847 euros. Ce préjudice n’est que l’un des multiples préjudices susceptibles d’être indemnisés selon la nomenclature DINTILHAC [2].

Pourquoi de telles différences de traitement entre les victimes d’accidents de la circulation et comment y remédier ?

C’est le principe de la réparation intégrale des préjudices corporels de la victime qui régit la matière du droit du préjudice corporel en matière d’accident de la circulation.

L’assurance étant obligatoire en France, c’est l’assureur du fautif qui indemnisera la victime sauf cas exceptionnels (conducteur fautif victime [3], convention IRCA ou FGAO).

Les statistiques sont formelles, les sommes allouées par les assurances (voie amiable) sont dans la majorité des cas inférieures aux sommes allouées par les tribunaux (voie contentieuse).

Trois facteurs viennent expliquer ces statistiques désolantes :

Les assurances savent très bien que leur offre d’indemnisation (voie amiable) est régulièrement contestée et elles prévoient alors une marge de négociation en proposant une indemnisation biaisée, en dessous des sommes qu’elle aurait pu ou voulu verser.
De ce fait, lorsque la victime ne conteste pas, le montant le plus bas est alloué et, accepté.

En matière de négociation amiable, très peu de victimes d’accident de la route se font assister d’un médecin conseil de recours, indépendant, à l’expertise médicale amiable organisée par l’assurance (celle de la victime elle-même si convention IRCA appliquée ou celle du conducteur fautif dans les autres cas) et le médecin expert (désigné par l’assurance). Les victimes, et on ne peut pas leur en vouloir, font encore confiance à leur assurance (avec leurs préposés / salariés / mandataires : experts, avocats….) où à leur Conseil choisi (avocats, experts d’assurés, associations… voir un article complet à ce sujet ?) qui leur a demandé d’y aller sans assistance.
Sans assistance du propre médecin conseil de la victime, comment évaluer si le médecin expert, désigné par l’assurance censée vous indemniser, est partial ou impartial, s’il a diagnostiqué tous les préjudices corporels et s’ils ont tous été évalués correctement ?

Enfin, et c’est le troisième facteur qui implique que la voie amiable "paye" moins bien que la voie judiciaire, c’est le fait que les victimes elles-mêmes sont trop naïves ou juste innocentes en réalité.
En effet, aujourd’hui, ces victimes accèdent l’information juridique sur internet beaucoup plus facilement qu’il y a une dizaine d’années et pensent pouvoir, à tort, se passer des services d’un avocat spécialiste du dommage corporel [4] et de ses précieux conseils.

Néanmoins, il est acquit aujourd’hui que c’est un leurre et l’économie des honoraires de l’avocat peut se transformer rapidement en " traquenard " financier puisque ces victimes "autonomes" en avocat se voient proposer des sommes dérisoires comparées aux sommes négociées et obtenues par un avocat spécialiste du dommage corporel, le seul expert dans ce domaine (voir décision récente de 2017 qui a condamné la profession des experts d’assurés pour exercice illégal de la profession d’avocat ? [5]).

Plus surprenant, alors qu’une victime a bien désigné un avocat, au cours d’une expertise amiable, il a été vu et entendu, qu’un médecin expert tente de la faire renoncer à l’assistance de son avocat.

En réalité, l’avocat est le chef d’orchestre de la procédure d’indemnisation et pour fixer une image convaincante, que devient l’orchestre symphonique sans le chef d’orchestre ?
C’est l’avocat qui contrôle la régularité de cette procédure, des jurisprudences, qui désigne les médecins conseils de recours impartiaux et en cas d’échec des négociations, saisi un juge.

Alors, oui les offres d’indemnisation des assureurs sont largement revues à la hausse lorsque la victime les conteste et ce d’autant plus avec l’assistance d’un avocat spécialisé en réparation du dommage corporel.
Voilà un traumatisé crânien, auquel 29.000 euros étaient d’abord proposés par l’assurance dans un cadre amiable, et lorsqu’un avocat spécialiste en droit corporel a été désigné, il a dû saisir un juge, réaliser alors une nouvelle expertise (cette fois judiciaire) et a pu obtenir alors la somme de 246.000 euros, mais en 5 ans de procédure.
Il est certain que cette dernière somme, soit 246.000 euros aurait pu être obtenue (sinon même plus) par la victime de l’accident beaucoup plus rapidement, à l’amiable, avec l’assistance et l’intervention d’un avocat dès le début.

Victimes de la route, faites appel à un médecin et à un avocat spécialisés.

Après un accident de la circulation, il va y avoir une période post accident. Pendant cette période, la victime va se faire soigner. Parfois ces soins sont très lourds et nécessitent une hospitalisation plus ou moins longue.
Dans tous les cas les soins peuvent prendre de quelques jours jusqu’à quelques années pour les cas les plus graves, et ce, jusqu’à la date de consolidation de la victime, date à laquelle son état de santé n’est plus susceptible d’évoluer.
Durant cette période de soin (ou au plus tard, après la date de consolidation), l’assurance va souhaiter réaliser une expertise médicale de la victime en présence d’un médecin expert qu’elle (l’assurance) aura au préalable désigné.
Cette expertise a vocation à lister tous les préjudices corporels de la victime, liés à l’accident de la circulation.
Le médecin expert va alors rédiger un rapport d’expertise sur lequel se fondera un inspecteur corporel de l’assurance pour évaluer financièrement chacun des préjudices corporels.

Comment contrôler ces étapes, comment être certain de ne pas commettre d’impairs, comment enfin, être certain que les préjudices listés par le médecin expert sont bien tous listés (pour exemple, de nombreux préjudices psychologiques tels les TSPT, ne sont curieusement jamais décelés…) et pour ceux qui ont bien été listés, bien évalués ?

Pour pouvoir négocier à armes égales nous ne pouvons que conseiller aux victimes d’accidents de la route de désigner leur propre avocat (et non celui proposé par l’assurance) et leur propre médecin conseil de recours (qui sera désigné en réalité par l’avocat une fois lui-même désigné).
Il faut donc, impérativement écarter la solution de l’avocat et du médecin-conseil fournis souvent gratuitement par une des assurances (automobile ou habitation…) de la victime accidentée, au titre par exemple, d’une garantie défense recours.
En effet, ces derniers (avocats et médecins) agissent tantôt pour le compte de l’assureur, tantôt pour celui des assurés, et il n’aura aucun intérêt à aller à l’encontre de celui qui lui apporte régulièrement un nombre de dossiers important : l’assureur.
Un médecin conseil de recours ou médecin de victimes travaille exclusivement pour les victimes d’accidents et en aucun cas pour les assureurs.

Dans un cas traité récemment, voilà qu’un médecin conseil d’une victime, désigné par l’assurance qui devait réaliser une offre d’indemnisation à cette même victime, incitait à accepter une assistance à tierce personne à hauteur de 1 heure par jour.
En réalité, cette victime s’est vue allouée une assistance à tierce personne de plus de 5 heures par jour.

Par ailleurs, certaines victimes d’accidents routiers se font assister aux expertises médicales (amiables ou judiciaires) par leur médecin traitant.
Un médecin conseil de recours est un médecin qui assiste régulièrement les victimes et sait apprécier les lésions, sait déceler les blessures dites "invisibles" telles les troubles du comportement, bref, pratique l’expertise depuis des années.

En revanche, si le médecin généraliste saura rassurer les victimes qu’il connaît très bien, il n’est pas impossible qu’il ne dispose d’aucune connaissance en la matière. Le droit du dommage corporel est complexe et nombreux sont ceux qui ont tenté une approche et se sont heurtés à des difficultés inattendues. Il faut alors privilégier le choix d’un médecin titulaire d’une spécialisation en réparation juridique du dommage corporel.
Si le coût d’un médecin conseil est à la charge des victimes, il est possible de faire peser ce coût sur l’assurance à l’issue de la procédure. Une consultation avec un tel praticien, en amont de l’expertise, coûte environ 100 euros, et l’assistance à l’expertise elle-même coûte environ 800 euros.

Tout comme le médecin, le choix par la victime de son avocat est primordial. Dans ce domaine, il ne faut pas hésiter à sélectionner un avocat spécialisé dans la défense des victimes de dommages corporels et ce d’autant plus qu’en général la victime n’aura pas à avancer le montant de ses honoraires.

Mêmes recommandations qu’avec le médecin conseil, il faut écarter la solution de l’avocat désigné par l’assurance pour les raisons ci-avant développées ou l’assistance par de pseudos consultants en droit du dommage corporel (experts d’assurés par exemple dont la profession a été reconnue illégale par la cour de cassation - voir article ?) au risque, pour les victimes de ne rien payer pour les premiers, ou de payer beaucoup trop pour les second mais en tout état de cause, d’obtenir de piètres résultats.
Une convention d’honoraire sera présentée à la victime par l’avocat dommages corporels, qui reprendra la mission principale, les dispositions de la loi Macron, et enfin le mode de rémunération (en général une partie fixe assez faible de l’ordre de 500 euros et une partie au résultat, variable donc, de l’ordre de 8%) déduction faite des prestations de la Sécurité sociale et autres organismes sociaux.

Préparez un dossier médico-légal complet pour préparer votre expertise !

L’avocat de la victime, dès sa saisine, va tenter de constituer un dossier médico-légal complet. L’avocat va alors lister les documents médicaux utiles à la confection de son dossier (certificat médical initial [6] descriptif, comptes rendus opératoires, comptes rendus d’hospitalisation, radiographies, scanners…) et adresser cette liste ainsi qu’un questionnaire corporel [7] à la victime.
Il est essentiel d’établir qu’au moment de l’accident la victime n’avait pas un état antérieur dégradé (antécédents médicaux de la victime) afin d’obtenir une évaluation parfaite.
Si la victime rencontrait des difficultés à obtenir la copie de son dossier médical, un modèle de courrier lui sera remis par son avocat afin qu’elle l’adresse à l’hôpital concerné par courrier recommandé avec accusé de réception (art. L. 1111-7 du code de la santé publique et décret n° 2002-637 du 29.4.02).

Dès la réunion de ces éléments l’avocat se mettra en relation avec le médecin conseil avec lequel il a l’habitude de travailler afin de préparer la mise en place d’une expertise qui pourra être amiable ou judiciaire.

L’avocat tentera en outre de récupérer les procès-verbaux constituant la procédure pénale résumant les circonstances de l’accident avec quelques constats techniques de façon à dégager totalement la responsabilité de la victime.

Le jour de l’expertise, ne vous laissez pas intimider et ne vous précipitez pas !

La compagnie d’assurance, dans un cadre amiable, va organiser une expertise afin qu’un médecin expert constate, au cours d’un examen médical, les séquelles corporelles ou psychiques de la victime accidentée.
Dans les cas les plus graves, plusieurs expertises seront organisées dans le temps et ce, jusqu’à la consolidation de la victime accidentée. A chacune de ces expertises, la victime sera accompagnée du médecin conseil de recours, et l’avocat pourra demander entre temps des provisions afin de permettre à la victime accidentée de subvenir à ses besoins ou pour pallier les dépenses occasionnées non remboursées.

Au cours de l’examen médical, de nombreuses victimes sont intimidées et oublient parfois de décrire certains de leurs préjudices.
Aussi, c’est la raison pour laquelle l’avocat prépare le dossier administratif en amont. Le médecin conseil quant à lui, prépare la victime au cours d’un premier rendez-vous d’examen et apprend à la connaître avec sa "maladie".
C’est à cette occasion que des " préjudices invisibles " tels des troubles psychiatriques de type TSPT [8], ou autres, sont décelés. Le médecin conseil, informé des troubles de la victime accidentée, aura alors tout le loisir au cours de l’expertise de débattre de ce point et ce, même en dehors des doléances de la victime de l’accident, trop impressionnée à ce moment précis pour en parler d’elle même. L’avocat ou le médecin conseil pourra alors demander à ce qu’un bilan neuropsychologique complet soit réalisé sur la victime et de surcroit par un médecin expert sapiteur si le médecin expert désigné initialement n’a pas la compétence exigée.

En cas de désaccord sur les conclusions médicales, l’avocat de victime sollicitera l’intervention d’un médecin médiateur ou si les enjeux sont importants, il aura la faculté de basculer en contentieux, en tentant de faire désigner un médecin expert par un juge par le biais de la procédure en référé (procédé de référé expertise)

Votre avocat doit négocier chaque poste de préjudice et obtenir des indemnités intégrales correspondantes

L’assureur du responsable de l’accident devrait alors mandater un inspecteur corporel, chargé de se rapprocher de votre avocat afin de chiffrer les préjudices retenus dans le rapport d’expertise.
D’une étape médicale il faut alors basculer à une étape financière cruciale.
C’est en effet le moment des négociations. L’inspecteur corporel peut compenser certains montants alloués assez faibles pour certains postes de préjudices discutés par l’allocation d’une indemnité supérieure, dans d’autres postes, qui traduisait pourtant une indemnisation plus faible.

Ce n’est certes qu’une affaire de discussion mais l’avocat (à la différence d’un expert d’assurés par exemple) dispose d’une arme redoutable.
En cas de désaccord, l’avocat de la victime n’aura pas d’autres choix que d’assigner la compagnie d’assurance en indemnisation et les inspecteurs le savent et cèdent régulièrement dans les négociations à plus ou moins 10%.
Néanmoins, l’avocat spécialisé en dommages corporels connaît parfaitement les limites de la négociation dont une donnée est essentielle : la victime elle-même.
Si la victime ne presse pas son avocat d’obtenir telle ou telle indemnisation, il aura beaucoup plus de facilités à obtenir une plus grande indemnisation.

Conclusion.

L’avocat, en déclenchant une procédure contentieuse parce que non satisfait du déroulement des négociations amiables, s’engage dans un combat qui ne peut prendre en considération les exigences de rapidité de la victime car c’est un combat qui nécessite du temps.
Le temps étant précieux pour tout le monde, l’avocat de victimes n’a aucun intérêt à ce que le dossier se prolonge et s’il utilise le temps c’est que c’est forcément nécessaire et que cela préserve les intérêts de la victime.

BENEZRA AVOCATS Michel Benezra, avocat associé https://www.benezra.fr