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La consolidation : notion relevant de la matière médicale. Par Charlotte Souci-Guedj, Avocat.
Parution : mercredi 11 juillet 2018
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La décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier dernier [1] mérite d’être commentée : une femme agit en responsabilité contre un laboratoire suite à sa stérilité, due à son exposition in utero au Distilbène. (produit pris par sa mère durant sa grossesse). La question se pose, dans le cadre de ce litige, de la date de consolidation de son dommage.

"Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs pris du choix de Mme X… de cesser tout traitement contre l’infertilité, impropres à caractériser la consolidation de son état, la cour d’appel a privé sa décision de base légale (...)"

La consolidation se définit comme "le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il devient possible d’apprécier l’existence éventuelle d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique".

La Cour de cassation précise également qu’il s’agit de « la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, fixée le plus souvent par l’expert médical ». [2]

Ainsi, la date de consolidation correspond au moment où les dommages cessent d’évoluer, sans être synonyme de guérison.
La consolidation va ainsi permettre d’identifier les préjudices temporaires, et les préjudices permanents subis par la victime.
La détermination de la date de consolidation a donc un rôle déterminant dans la réparation du préjudice de la victime.
En effet, le préjudice subi ne peut être valablement quantifié que lorsqu’il est avec certitude, consolidé, c’est à dire permanent.
Mais la date consolidation constitue également le point de départ du délai de prescription pour exercer une action en justice en responsabilité.

En l’espèce, l’expert judiciaire désigné conclut à une consolidation du préjudice subi par la demanderesse en 2003.
Les laboratoires contestent leur responsabilité, opposant la prescription de l’action, en faisant valoir que la consolidation était acquise depuis 1994, date à laquelle elle avait cessé toute thérapeutique.
Contre toute attente, les juges du fond font droit à la défense des laboratoires, considérant qu’en l’absence de preuve de la consolidation du préjudice postérieurement à la décision de la demanderesse de cesser le traitement, la consolidation ne pouvait être appréciée qu’à cette date.

Par son arrêt du 17 janvier 2018, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation censure la décision rendue par la Cour d’Appel de Versailles [3], relevant par ailleurs la contradiction de sa motivation, aux termes de laquelle la Cour d’Appel avait pourtant précédemment rappelé que "la notion de consolidation relève de la matière médicale et que sa détermination est confiée au corps médical ».

La Cour de cassation affirme ainsi que le choix de la victime d’arrêter les traitements contre l’infertilité ne saurait déterminer la consolidation du préjudice. La Haute Juridiction estime que la date de consolidation ne peut en conséquence s’apprécier en fonction du comportement de la victime.

La date de consolidation est une notion médicale, qui ne peut et ne doit être appréciée et fixée que par le corps médical.

Charlotte Souci-Guedj Avocat Diplômée en Réparation Juridique du Dommage Corporel

[1Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 janvier 2018, n° 14-13.351, Publié au bulletin

[2Cour de cassation, « Étude : La santé dans la jurisprudence de la Cour de cassation », Rapport 2007, n° 2.2.1.1.1

[33e ch., 5 déc. 2013, n° 11/08648