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Une nouvelle convention de rupture conventionnelle nécessite impérativement un nouveau délai de rétractation ! Par Laura Chambon, Juriste.
Parution : mercredi 11 juillet 2018
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Lorsqu’une seconde convention de rupture conventionnelle est conclue, après que la première ait fait l’objet d’un refus de la part de l’administration, un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires doit être respecté, à défaut de quoi la convention est susceptible d’être frappée de nullité.

Dans cette affaire, une salariée engagée en qualité de responsable de magasin a convenu avec son employeur, d’une rupture conventionnelle datée du 27 juin 2013.

Par lettre du 30 août 2013, l’autorité administrative a refusé d’homologuer cette convention au motif que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle était inférieure au minimum conventionnel.

Suite à ce refus, les parties ont signé un second formulaire de rupture conventionnelle indiquant une date d’entretien et une date de fin du délai de réflexion de 15 jours calendaires identiques à la première convention de rupture qui a été refusée par l’administration.

La convention de rupture conventionnelle a été homologuée par l’administration.

Par la suite, la salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la validité de la rupture.

La salariée fait valoir à l’appui de sa demande qu’elle n’a pas bénéficié du délai de rétractation de 15 jours calendaires à l’occasion de la seconde convention de rupture conventionnelle. Ainsi, à défaut d’avoir respecté ce délai de réflexion, la convention de rupture conventionnelle devait être considérée comme nulle.

Les juges du fond accueillent la demande de la salariée et considèrent que la rupture du contrat de travail de la salariée équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond retiennent notamment pour statuer ainsi, que la salariée n’a pas bénéficié d’un nouveau délai de rétractation après la seconde convention de rupture, laquelle fixait la fin du délai de rétractation à une date antérieure au refus d’homologation de la première convention de rupture alors qu’en présence de la modification du montant de l’indemnité spécifique de rupture, la salariée aurait dû bénéficier de ce nouveau délai de rétractation.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

Ce dernier fait valoir à l’appui de son pourvoi que la stipulation d’une indemnité dont le montant est inférieure à celle prévue par l’article L. 1237-13 du Code du travail n’entachant pas de nullité la convention de rupture, la signature d’une nouvelle convention de rupture augmentant le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, intervenant après un refus d’homologation motivé par l’insuffisance d’un tel montant ne faisait pas naître un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 13 juin 2018 (n°16-24.830) rejette le pourvoi formé par l’employeur.

La Cour considère en effet qu’il résulte de l’application combiné des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du Code du travail qu’une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l’homologation de cette convention à l’autorité administrative avant l’expiration du délai de rétractation de 15 jours calendaires et qu’ainsi, la première convention ayant fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative, la salariée devait donc bénéficier d’un nouveau délai de rétractation et que n’en ayant pas disposé, la seconde convention de rupture était donc nulle.

L’article L. 1237-13 du Code du travail dispose qu’à compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

Si le respect de ce délai est impératif concernant une première tentative de demande d’homologation de la rupture conventionnelle, la question se posait donc dans cette affaire de savoir si en cas de refus d’homologation de la première convention de rupture conventionnelle et dans le cas où une seconde convention de rupture serait établie, le respect du délai de rétractation de 15 jours calendaires était impératif et nécessaire à la validité de cette seconde convention de rupture.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans cet arrêt du 13 juin 2018 (n°16-24.830) précise que oui, ce délai de rétractation est impératif et nécessaire à la validité de la convention de rupture et ce, même s’il s’agit d’une seconde convention et même si le refus d’homologation de la première convention concernait seulement le montant de l’indemnité spécifique de rupture.

Ainsi, il est dorénavant impératif qu’en cas de nouvelle convention à la suite d’un refus d’homologation, les parties doivent reprendre l’ensemble de la procédure et prévoir un nouveau délai de rétractation.

Pour la Haute Juridiction, le délai de rétractation de 15 jours calendaires est un élément essentiel qui garantit le consentement des parties à la convention.

Dans cette affaire, il est également intéressant de constater que l’administration avait homologué la seconde convention de rupture et qu’elle avait même préciser à la salariée par courrier électronique que cette dernière pouvait garder « les dates d’entretien, de signature et de rétractation ».

Ainsi, bien que la convention de rupture ait été homologuée par l’administration et ce, en dépit du non-respect du nouveau délai de rétractation, la salariée était donc fondée à demander la nullité de cette convention de rupture.

En effet, il est de jurisprudence constante que si la convention est quand même homologuée, le juge, s’il est saisi, l’annulera et la rupture du contrat sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, il est également nécessaire de préciser que dans ce cas de figure, les positions de l’administration et de la chambre sociale sont divergentes puisque l’administration semble admettre qu’en cas de refus d’homologation d’une convention de rupture au motif que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est inférieur au minimum légal ou conventionnel, il n’est pas nécessaire de respecter un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires en cas de signature d’une nouvelle convention de rupture.

Cependant, comme nous pouvons le constater dans cet arrêt du 13 juin 2018 (n°16-24.830) les risques d’annulation de cette convention de rupture sont présents si le salarié saisit la juridiction prud’homale afin de contester la validité de la rupture.

Par précaution, il convient donc, en cas de refus d’une demande d’homologation d’une convention de rupture conventionnelle, de recommencer entièrement la procédure et notamment, de respecter un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires. La prudence est donc de mise.

Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2018, n° 16-24.830.

Laura Chambon Juriste droit social SL CONSULTING CONSILIUM www.cabinet-sl-consulting.com Twitter: @SASConsilium Linkedin: SL Consulting Consilium