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Le soutien à l’emploi du plateau artistique, une aide au spectacle vivant. Par David Taron, Avocat.
Parution : mercredi 11 juillet 2018
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Le Gouvernement vient d’adopter un texte permettant à un grand nombre d’entrepreneurs de spectacles vivants de bénéficier d’aides atténuant leurs coûts salariaux. Bref exposé d’un dispositif très avantageux.

Le secteur du spectacle vivant (théâtre, art lyrique, etc.) est marqué par une complexité réelle, qui tient, entre autres choses, à la diversité des intervenants (associations, personnes publiques voire sociétés commerciales) et au fait qu’en toile de fond la présence des pouvoirs publics demeure importante.

Cette complexité se retrouve notamment au niveau des dispositifs d’aides visant à cibler tel ou tel secteur d’activité (que l’on pense par exemple à la distinction traditionnelle entre les théâtres dits publics et ceux dits privés).

Il existe ainsi une kyrielle de dispositif nationaux et locaux dont, aujourd’hui, le mise en œuvre se trouve réglementée par le droit de l’Union européenne.

On le sait, les instances de l’Union européenne, et en particulier la Commission, se montrent particulièrement vigilantes quand il s’agit de faire respecter les règles d’une concurrence non faussée, conçue comme pure et parfaite selon la théorie économique classique, et qui interdit par principe les aides des États.

Il existe toutefois des tempéraments, les plus importants le forme de règlements d’exemption permettant aux pouvoirs publics de soutenir fortement des secteurs entiers (que l’on pense par exemple au cinéma).

Le règlement (UE) n°1407/2013 du 18 décembre 2013, dit règlement de minimis, permet également de s’affranchir en partie des règles de concurrence en autorisant le versement d’aides publiques qui, en raison de leur montant, sont présumées ne pas avoir d’impact significatif sur la concurrence au sein de l’Union.

C’est ce dernier outil juridique que le Gouvernement a utilisé pour mettre en place le tout récent dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans le salles de petite jauge. Ce dernier procède du décret n°2018-574 du 4 juillet 2018, lequel – une fois n’est pas coutume – se caractérise par sa grande simplicité. En ouvrant grandes les portes d’un soutien public, le décret devrait atteindre l’objectif d’un soutien efficace à l’emploi direct d’artistes dans les petits lieux de musique, théâtre ou danse, connus aujourd’hui pour rencontrer de réelles difficultés financières.

Un dispositif simple à destination du plus grand nombre.

Le règlement de minimis mentionné plus haut est un outil juridique peu contraignant.

C’est ainsi que son article 2 fixe comme contrainte principale que « le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200.000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux ».

Cette somme de 200.000 euros se calcule en équivalent-subvention brut, c’est-à-dire que l’aide publique doit pouvoir être monétisée.

Dans ce cadre, c’est fort logiquement que le décret du 4 juillet 2018 dispose à son article 3 que « l’aide est versée sous réserve du respect du plafond de deux cent mille (200.000) euros sur trois exercices fiscaux ».

Nul doute dès lors que les aides versées le seront dans un environnement juridique sécurisé.

Outre cette considération, il faut souligner que le dispositif s’avère particulièrement lisible, les conditions d’attribution des aides étant simples.

A cet égard, l’article 1er du décret prévoit que l’aide financière de l’État est versée :
- aux entreprises créées depuis au moins 12 mois à la date de la représentation pour laquelle l’aide est sollicitée ;
- aux entreprises dont les salariés relèvent d’une convention collective nationale du spectacle vivant mentionnée aux annexes VIII et X du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage (i.e. convention dite Syndeac ou autre) ;
- aux entreprises titulaires d’au moins une licence d’entrepreneur de spectacle ;
- aux entreprises qui versent à chacun de leurs salariés composant le plateau artistique une rémunération minimale au moins égale à 30 fois le montant du minimum garanti défini à l’article L. 3231-12 du code du travail pour une rémunération au cachet ou au moins égale à 630 fois le montant minimum garanti précité.
Ces conditions sont cumulatives.

Afin de respecter le plafond triennal de 200.000 euros, les aides versées seront calculées en fonction d’un barème, étant observé que l’article 3 du décret du 4 juillet 2018 dispose que, pour chaque représentation, le montant de l’aide versé est le produit du nombre d’artistes du spectacle, dans la limite de six (éventuellement majoré de un en cas d’emploi d’un technicien), et d’un taux progressif en fonction du nombre d’artistes employés (35 % pour l’emploi d’un artiste jusqu’à 75% pour l’emploi de six artistes).

Le texte fixe également une autre limite, qui tient à la tenue d’un maximum de quarante-deux représentations aidées au cours d’une année civile.

Enfin, ciblant les petites entreprises de spectacles vivants, le décret du 4 juillet 2018 dispose que la jauge (ou contenance) des salles dans lesquelles doivent être diffusés les spectacles sera d’au maximum trois cents places.

De par leur simplicité, les règles d’octroi des aides à l’emploi ici exposées devraient favoriser les demandes.

L’instauration d’un droit au soutien opposable à l’État ?

Les conditions d’octroi des aides à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petite jauge sont tellement souples que l’on peut se poser la question de savoir si n’a pas été instauré en la matière un droit opposable au subventionnement.

Répondre par l’affirmative relèverait de l’erreur juridique.

En effet, le versement de la subvention est discrétionnaire, ce qui la distingue des contributions obligatoires versées en application des lois et règlements.

Le principe veut que « l’attribution d’une subvention ne constitue pas un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l’obtenir » [1]. Les organismes potentiellement bénéficiaires doivent remplir un certain nombre de conditions pour pouvoir bénéficier d’une subvention, mais le fait qu’elles les remplissent ne leur garantit pas pour autant l’octroi de ladite subvention. La décision appartient à la seule autorité publique, qui n’est pas dans l’obligation de la motiver, puisqu’il ne s’agit pas d’une décision administrative individuelle refusant un droit.

Bien entendu, le juge peut annuler une décision fondée sur des faits inexacts ou consécutive à une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation (contrôle restreint). L’autorité publique doit donc justifier d’un examen individuel et ne peut opposer un refus général et définitif à toute demande d’aide

Afin de garantir une étude professionnelle des dossiers, le Gouvernement a confié à l’Agence de services et de paiement l’instruction et le paiement des aides, établissement public interministériel habitué à gérer de nombreux types d’aides dans le respect de la réglementation européenne.

En pratique, et compte tenu de l’abondement du fonds dédié, les refus devraient être rares, pourvu bien sûr que les dossiers présentés soient complets.

David TARON Avocat au Barreau de Versailles

[1CE, 25 septembre 1995, association CIVIC, n°155970

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