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Licenciement : focus sur quelques importantes nouveautés consécutives aux Ordonnances « Macron ». Par Pascal Forzinetti, Avocat.
Parution : vendredi 13 juillet 2018
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Lors de sa conférence de presse du 31 août 2017, le Ministère du travail fixait aux réformes à venir l’objectif d’offrir aux employeurs davantage de sécurité et de visibilité sur les contentieux potentiels et de réformer les règles de licenciement, afin que les vices de forme ne l’emportent plus sur le fond. Parmi les mesures pratiques de cette réforme, s’agissant des licenciements notifiés depuis la publication des « Ordonnances Macron » de septembre 2017, 6 points méritent particulièrement d’être soulignés.
A noter : toutes ces nouveautés n’étant pas entrées en vigueur exactement aux mêmes dates, nous en précisons à chaque fois les conditions d’applicabilité.

1.Une indemnité légale de licenciement revalorisée, avec une formule de calcul et un critère d’ancienneté plus avantageux pour les salariés.

Pour les licenciements hors faute grave ou lourde, notifiés depuis le 27 septembre 2017, la formule de calcul de l’indemnité est désormais fixée comme suit [1] :
- Un quart de mois de salaire par année ancienneté jusqu’à 10 ans ;
- Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

Quant au seuil d’ancienneté requis pour bénéficier de l’indemnité de licenciement, il est désormais de 8 mois pour les licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017. [2]

A noter : ce nouveau calcul s’applique également aux mises à la retraite notifiées et aux ruptures conventionnelles conclues depuis cette même date.
Pour mémoire, s’agissant des licenciements prononcés avant le 27 Septembre 2017, l’indemnité légale de licenciement ne pouvait être inférieure à 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutait 2/15 de mois de salaire par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.
Quant au seuil d’ancienneté requis pour en bénéficier, il était de 12 mois.

2. Des dommages-intérêts encadrés par un barème.

Si le licenciement du salarié ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer aux parties au contrat de travail de réintégrer le salarié dans l’entreprise.
Si l’employeur ou le salarié refuse cette réintégration, le juge condamne l’employeur à verser au salarié une indemnité qui varie - selon l’effectif de l’entreprise et selon l’ancienneté de l’intéressé - à l’intérieur de fourchettes fixées par un barème obligatoire [3].
Ce barème légal s’applique aux licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017.

Véritable hérésie pour les uns, qui considèrent que ce barème porte atteinte au principe de réparation intégrale du préjudice subi ; « sécurisation » pour les autres, qui y voient une prévisibilité des dommages-intérêts qui serait – paradoxalement - propice à l’embauche, ce régime d’encadrement suscite bien des spéculations.

On observera que ce barème spécifique au licenciement sans cause réelle et sérieuse laisse intact le traitement à réserver aux éventuels préjudices distincts du licenciement lui-même, dont la réparation doit donc demeurer intégrale (préjudices pouvant être liés à une attitude abusive ou vexatoire de l’employeur, ou à des menaces de sa part ; préjudice liés à l’âge du salarié licencié, etc.).
Enfin, on notera que ce barème s’applique également en cas de prise d’acte notifiée depuis le 24 septembre 2017, ou de résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée depuis le 24 septembre 2017, si le juge fait produire à ces ruptures particulières les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse [4].

A noter : outre son inapplicabilité aux préjudices distincts, le barème précité ne s’applique qu’aux seules ruptures de contrat de travail qualifiées de licenciement sans cause réelle et sérieuse et non aux licenciements entachés de nullité.

En effet, l’article L. 1235-3-1 du Code du travail exclut expressément l’application de ce barème dans les cas de nullité du licenciement. Les nullités visées sont celles qui sont afférentes :
- à la violation d’une liberté fondamentale ;
- à des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
- au licenciement discriminatoire, ou faisant suite à une action en justice engagée par le salarié sur un fondement de discrimination ;
- au licenciement d’un salarié consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle ;
- au licenciement faisant suite à la dénonciation par le salarié de crimes et délits ;
- au licenciement d’un salarié protégé ;
- au licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections attachées à la maternité, à la paternité, à l’adoption, à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle).
Dans ces cas de nullité du licenciement, si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou si sa réintégration est impossible, le montant des dommages-intérêts mis à la charge de l’employeur ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois. [5]

3.Une réduction du délai de contestation du licenciement.

Depuis le 24 septembre 2017, le délai de prescription des actions en justice relatives à la rupture du contrat de travail a été est réduit à 12 mois à compter de la notification de la rupture, quelle qu’elle soit. [6]

A noter : Avant la réforme, seules les ruptures du contrat de travail pour motif économique pouvaient être contestées dans le délai de 12 mois (toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivait alors par 2 ans). Et pour que ce délai réduit soit opposable au salarié, encore fallait-il qu’il soit expressément mentionné dans la lettre de licenciement pour motif économique.

Aujourd’hui, le délai de contestation est unifié à 12 mois pour tout licenciement ; qu’il soit pour motif personnel ou économique. L’obligation de mentionner ce délai dans les lettres de licenciement pour motif économique a donc été supprimée. [7]

4. La motivation du licenciement peut désormais être précisée après coup.

Cette évolution dans la motivation du licenciement était très attendue des employeurs. Initiée par l’Ordonnance 2017-1387 et complétée par l’Ordonnance 2017-1718, elle avait pour but de mettre un terme à la jurisprudence « Rogie » de 1990. [8]

Dans cette affaire de licenciement disciplinaire, la lettre de notification du licenciement ne visait que "les fautes extrêmement graves" commises par un salarié, sans plus de précision. La Cour d’appel s’était, quant à elle, fondée sur les pièces versées aux débats pour juger que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Cet arrêt avait été cassé, au motif que l’employeur n’avait énoncé dans la lettre de licenciement aucun motif précis, ce qui équivalait à une absence de motif.

Depuis cet arrêt « Rogie », la Cour de cassation jugeait constamment qu’à défaut de mentionner des motifs précis, matériellement vérifiables, la lettre de licenciement devait être considérée comme insuffisamment motivée, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse ; peu important la nature et l’importance des pièces versées au dossier par l’employeur.

La Cour de cassation avait donc érigé en irrégularité de fond ce qui pouvait n’être considéré que comme une irrégularité de forme.

Un des objectifs des ordonnances de septembre 2017 était de mettre un terme à cette jurisprudence, afin d’éviter qu’un licenciement, justifié dans les faits, ne soit invalidé du fait d’une motivation insuffisante de la lettre de notification.

Actuellement, l’imprécision des motifs de licenciement demeure une irrégularité. Mais, en cas de contentieux, la portée de cette irrégularité est considérablement atténuée par un double mécanisme inscrit dans le Code du travail, puisque :

1°/ Dans les 15 jours suivant notification du licenciement, le salarié peut, s’il le souhaite, demander à l’employeur, par LR/AR ou lettre contre récépissé, de lui préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L’employeur dispose à son tour de 15 jours pour, s’il le souhaite, apporter des précisions en répondant au salarié dans les mêmes formes. L’employeur peut également prendre les devants et préciser les motifs du licenciement, sans attendre d’y être invité par son salarié, mais toujours selon les mêmes conditions de forme et de délai [9].

2°/ Si, après lecture de sa lettre de licenciement, le salarié ne formule auprès de l’employeur aucune demande de précision de motifs, ceci ne lui interdira pas, en cas de contentieux, d’invoquer l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement. Mais, le cas échéant, cette irrégularité ne privera pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ne lui ouvrira droit qu’à une indemnité d’un mois de salaire au maximum [10].

5. Même en cas de nullité du licenciement, le juge doit examiner tous les griefs.

Depuis un arrêt de 2003 [11], la Cour de cassation admet que l’employeur puisse invoquer dans une même lettre de licenciement plusieurs griefs, à la triple condition qu’ils soient tous inhérents à la personne du salarié, qu’ils procèdent de faits distincts et que l’employeur respecte les règles procédurales applicables à chaque cause de licenciement. Le juge est alors tenu d’exercer son contrôle sur chacun des griefs.

Cette affaire de 2003 concernait une salariée qui avait été déclarée inapte à son poste et avait été licenciée, d’une part, pour diverses fautes graves énumérées et, d’autre part, pour inaptitude à son poste de travail.

La Cour de cassation avait confirmé l’analyse de la Cour d’appel qui, après avoir écarté les fautes graves invoquées, s’était prononcée sur l’inaptitude de la salariée pour la débouter de ses demandes.

Maintes fois confirmé par la Cour de cassation, ce raisonnement trouvait ses limites lorsque l’un des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement encourait la nullité. Dans ce cas, la Cour de cassation considérait que cette nullité « emportait tout sur son passage », privant ainsi le juge du fond de la possibilité d’examiner, le cas échéant, un ou plusieurs autres griefs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement pour atténuer – en quelque sorte – les effets de cette nullité.

A ce sujet, un arrêt de la Chambre sociale de 2009 [12] est particulièrement éclairant.
L’affaire concernait deux salariés grévistes qui avaient été licenciés pour faute grave, pour, d’une part, absence injustifiée et instauration d’un climat conflictuel et, d’autre part, harcèlement, menaces et insultes à l’égard d’autres salariés. Invoquant la nullité de leur licenciement pour faits de grève, les deux salariés avaient demandé en référé leur réintégration et le paiement d’une provision sur salaires.
La Cour d’appel de Limoges avait rejeté leurs demandes, estimant que les faits autres que ceux en relation avec leur participation à la grève étaient distincts et constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement qui justifiait la décision prise par leur employeur de les licencier.
Au visa de l’article L. 2511 du Code du travail, qui précise que l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié, la Chambre sociale avait jugé que « [le caractère illicite du motif du licenciement tiré de la participation à une grève emporte à lui seul la nullité de ce licenciement] ». En l’espèce, les juges du fond n’ayant constaté qu’aucune faute lourde n’était reprochée aux deux salariés, l’arrêt d’appel avait été cassé.
La nullité du licenciement interdisait donc aux juges du fond d’examiner les autres griefs éventuellement invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement pour venir en atténuer la portée ou les effets.

En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un d’eux porte atteinte à une liberté fondamentale, le licenciement continue d’encourir la nullité.
Mais l’article L. 1235-2-1 du Code du travail dispose désormais : « En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1 ».

Désormais, si la nullité du licenciement est encoure – pour fait de grève, par exemple – mais que l’employeur invoque dans la lettre de licenciement d’autres griefs constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge a la possibilité d’en tenir compte pour réduire le quantum des dommages-intérêts alloués au salarié, sans toutefois qu’il puisse être inférieur aux 6 mois de salaire prévus par l’article L. 1235-3-1 du Code du travail.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017 (après publication de l’Ordonnance 2017-1387).

6. Des « modèles types » de licenciement.

L’Ordonnance 2017-1387 avait prévu la publication de modèles-types de lettres pouvant être utilisés par l’employeur pour notifier le licenciement. Six modèles types de lettres de notification de licenciement ont été publiés par décret [13]
L’intérêt de ces modèles est d’aider l’employeur à rédiger sa lettre afin d’éviter, dans la mesure du possible, que les erreurs de forme ou l’omission de formules-clés n’entachent la notification du licenciement d’irrégularités susceptibles de nourrir un contentieux.
Le décret 2017-1820 invite l’employeur à utiliser le modèle de lettre correspondant à la nature juridique du licenciement envisagé et à l’adapter aux spécificités propres à la situation du salarié ainsi qu’aux régimes conventionnels et contractuels applicables.

Ces 6 modèles visent les situations suivantes :
- Licenciement pour motif personnel disciplinaire (faute sérieuse, grave ou lourde) ;
- Licenciement pour inaptitude (d’origine non professionnelle ou professionnelle) ;
- Licenciement pour motif personnel non disciplinaire ;
- Licenciement pour motif économique individuel
- Licenciement pour motif économique pour les « petits » licenciements collectifs ;
- Licenciement pour motif économique pour les « grands » licenciements collectifs avec PSE.

On observera que, parmi les mentions de rédaction préconisées, figure notamment celle relative au délai de 15 jours afférent à la procédure de demande par le salarié de précisions sur les motifs de son licenciement et à la réponse de l’employeur (voir ci-dessus, Point 4).

Toutefois, la loi de ratification des Ordonnances « Macron » [14] précise que les modèles de lettres seront désormais fixés par arrêté du ministre du Travail et non plus par décret et qu’ils ne devraient plus rappeler les droits et les obligations de l’employeur et du salarié tels, notamment, la possibilité pour ce dernier de demander à l’employeur des précisions sur les motifs de licenciement.

La rédaction de ces modèles est donc amenée à évoluer et leur utilisation demeure facultative : ils ne constituent qu’une aide à la rédaction et non une certification de conformité.

Ordonnances et décrets d’origine :
- Ord. 2017-1387 du 22/092017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail - JO du 23 ;
- Décret 2017-1398 du 25/09/ 2017 portant revalorisation de l’indemnité légale de licenciement - JO du 26 ;
- Décret 2017-1702 du 15/12/2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement - JO du 17 ;
- Ord. 2017-1718 du 20/12/2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi 2017-1340 du 15/09/2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social - JO du 21 ;
- Décret 2017-1820 du 29/12/2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement - JO du 30.


Pascal FORZINETTI Avocat au Barreau de Dijon www.avocat-forzinetti.fr contact@avocat-forzinetti.fr

[1Article R. 1234-2 du Code du travail.

[2Article L. 1234-9 du Code du travail.

[3Article L. 1235-3 du Code du travail.

[4Article L. 1235-3-2 du Code du travail.

[5Article L. 1235-3-1 du Code du travail.

[6Article L. 1471-1 al. 2 du Code du travail.

[7L’article L. 1235-7 du Code du travail a été modifié en ce sens.

[8Cass. soc. 29 novembre 1990, n° 88-44308.

[9Articles L. 1235-2 al. 1 et R. 1232-13 du Code du travail.

[10Article L. 1235-2 al. 3 du Code du travail.

[11Cass. soc. 23 septembre 2003, n° 01-41478.

[12Cass. soc. 8 juillet 2009, « Casino d’Evian », n° 08-40139.

[13Décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017.

[14Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 « ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social » (JO du 31 – entrée en vigueur au 01/04/2018).