Village de la Justice www.village-justice.com

Le formalisme du contrat de cautionnement. Par Sow Alpha Oumar.
Parution : mardi 17 juillet 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/formalisme-contrat-cautionnement,29034.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Conformément à l’article 2208 du Code civil : « Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui même ». Le cautionnement peut être défini comme l’acte juridique par lequel une personne (la caution) s’engage envers une autre (le créancier) à payer la dette d’un tiers (le débiteur). C’est donc un contrat unilatéral qui lie le créancier à la caution, de ce fait le code civil le range dans la catégorie des contrats solennels. Voici un commentaire de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 14 mars 2018.

L’article L341-2 du code de la consommation impose un formalisme à respecter pour la validité du contrat de cautionnement. Cependant malgré la méconnaissance de ce formalisme, la cour de cassation dans certains de ses arrêts valide néanmoins le contrat de cautionnement. C’est d’ailleurs le cas récemment de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 14 mars 2018.

En l’espèce par plusieurs actes des cautions se sont engagées le 8 décembre 2010 au profit de la caisse d’épargne et de prévoyance au remboursement de divers engagement de cette dernière. Le créancier de la caisse d’épargne et de prévoyance, à la suite d’un incident de payement a assigné son débiteur et la caution en payement le 9 décembre 2011.

Ainsi, les cautions ont saisit la juridiction de première instance pour obtenir l’annulation du contrat de cautionnement. Leur demande a été rejetée, elles ont interjeté appel devant la cour d’appel de Nîmes. Le 24 avril 2014, les juges de la cour d’appel de Nîmes ont confirmé le rejet de leur demande au motif que : « le cautionnement est valable malgré l’erreur commise par les cautions ».

N’étant pas satisfait, les cautions se sont pourvus en cassation.

Selon le pourvoi, la cour d’appel aurait violé les dispositions de l’article L341-2 du code de la consommation en validant un cautionnement comportant une omission du mot ‘’principal’’ dans sa mention manuscrite.

Face à cela, la chambre commerciale de la cour de cassation devait répondre aux questions suivantes : la validité d’un contrat de cautionnement peut-elle être remise en cause par le simple fait de l’omission du mot’’principal’’dans la mention manuscrite tel que prescrite par l’article L341-2 du code de la consommation ? Cependant si tel n’est pas le cas quelle serait alors les conséquences d’une telle omission sur le cautionnement ?

La réponse de la cour de cassation est la suivante : « l’omission du mot principal dans la mention manuscrite n’a pour conséquence que de limiter l’étendue du cautionnement aux accessoires de la dette, sans en affecter la validité ».

Dés lors dans ce présent arrêt, Certes la chambre commerciale de la cour de cassation confirme la jurisprudence antérieure sur cette question mais il faut tout de même constater un recul du respect du formalisme en matière de cautionnement (I) Néanmoins, l’omission du mot principal dans la mention manuscrite n’est pas constitutive d’une invalidité du contrat de cautionnement (II)

I-La confirmation de la jurisprudence antérieure par la cour, mais un recul avéré du respect du formalisme en matière de cautionnement.

Le respect du formalisme est très important en droit français, ce qui fait que la cour de cassation en l’absence de disposition légale utilisait une ancienne disposition du code civil relative à la preuve pour protéger la caution et cela dans le but de limiter son engagement.

Suite à l’évolution du droit français, le législateur a prévu une mention manuscrite obligatoire qui doit figurer dans tous les contrats de cautionnement. De sorte qu’il existe de nos jours un principe établi qui stipule : « qu’il n’ya pas de cautionnement sans mention manuscrite ».

Cependant, malgré l’existence de ce principe, la cour de cassation s’est montrée réticente car elle refuse d’annuler un cautionnement pour une simple omission d’un des termes contenu dans sa mention manuscrite. C’était, le cas notamment dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la dite cour en 2013 qui affirmait : « l’omission d’une virgule, et d’un point n’empêchait de considérer valable le contrat de cautionnement » .

Nous constations donc à travers cette illustration que le présent arrêt commenté s’inscrit dans le cadre d’une confirmation de la jurisprudence antérieure de la cour.

Face à cet état de fait et de droit, l’on peut tout de même constater que ces décisions de justice constituent un recul du respect du formalisme en matière de contrat de cautionnement. En effet, le contrat de cautionnement est classé parmi les contrats solennels donc il requiert un certain nombre de formalisme à remplir pour sa validité. Or l’on constate de manière déplorable un recul du principe du formalisme, et cela entraine de nombreuses conséquences sur le plan juridique.

Sur le plan juridique, la solution du présent arrêt commenté en l’espèce est contraire aux dispositions contenue à l’article L341-2 du Code de la consommation. En effet, cette disposition impose à peine de nullité le respect intégral de la mention manuscrite pour la validité du cautionnement.

Cependant nous pouvons comprendre le raisonnement suivi par les juges qui, en l’espèce au détriment du respect du formalisme imposé par la loi valide un cautionnement qui ne respecte pas intégralement la mention manuscrite prévue a cet effet.

Néanmoins, en dépit de la confirmation de la jurisprudence antérieure et du recul du formalisme dans le cautionnement, force est de reconnaitre la portée de cet arrêt car désormais il est acquis sous réserve de revirement jurisprudentiel que, la simple omission d’un terme de la mention manuscrite n’est pas constitutive d’invalidité du cautionnement.

II-L’omission du mot ‘’principal’’ dans la mention manuscrite non constitutive d’une invalidité du contrat de cautionnement.

Dans le présent arrêt commenté, il est indiqué clairement que : « l’omission du terme principal n’affecte pas la validité du cautionnement ». Les juges ont donc fait primer en l’espèce la validité du contrat de cautionnement sur celui du respect stricte de la mention manuscrite.

En effet, la validité d’un tel cautionnement en l’espèce ne serait-elle pas motivée par l’envie de respecter la force obligatoire du contrat ? Nous pencherons plutôt vers une réponse positive.

De plus, imaginons l’hypothèse contraire à la présente solution commentée : hypothèse selon la quelle les juges au lieu de valider, décident d’annuler le cautionnement au motif que le formalisme n’a pas été intégralement respecté cela allait causés d’énorme préjudice au créancier de la caution puisque les chances de recouvrir sa créance serait a moitié perdue.

Ensuite, il est indiqué dans l’arrêt : « que l’omission n’a pour conséquence que de limiter l’étendu du cautionnement » cela nous parait juridiquement juste et fondé. D’ailleurs, la chambre commerciale de la haute cour en 2013 dans une affaire qui avait fait l’objet de vive débat doctrinal avait affirmée : « si la caution avait mentionnée qu’elle n’engageait que ses biens, alors il est impossible d’engager ses revenus ».

La solution commentée en l’espèce présente un véritable enjeu pratique : en effet, le fait de valider un cautionnement dans le quel il y a omission d’un des termes de la mention manuscrite, est plutôt économiquement favorable au créancier car, ce dernier ne craint plus voir sa créance non remboursée.

Sow Alpha Oumar
Comentaires: