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Avocat en droit de l’environnement, une spécialité à fort potentiel ! Enfin ?
Parution : mercredi 18 juillet 2018
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Alors que l’idée de protéger l’environnement est née dans les années 70, que la notion de protection de l’environnement a été consacrée en droit français par la Charte de l’environnement de 2004 [1], on observe depuis cinq ans environ une accélération et une prise de conscience collective de la nécessité absolue de sauvegarder l’environnement et de mettre plus d’écologie dans notre économie.

Qu’en est-il de la profession d’avocat en droit de l’environnement ? Comment vit-elle cette matière juridique transversale en constante évolution ? L’urgence écologique que nous ressentons l’impacte t-elle ? Cette spécialité est-elle enfin prise au sérieux ?
Décryptage avec Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement depuis 2003.

Village de la Justice : Faut-il être sensible à la protection de l’environnement et militant pour être un « bon » avocat en ce domaine ?

Arnaud Gossement : "De manière générale, un "bon avocat" doit réunir deux conditions. Il doit être, d’une part un excellent juriste, d’autre part soucieux des intérêts de son client. S’agissant de la première condition et pour le droit de l’environnement : il est préférable de se passionner pour cette matière très complexe et en constante évolution pour la maîtriser complètement. Et cette passion du droit suppose sans doute d’être au moins sensible à la protection de l’environnement.

Il n’est pas nécessaire d’être militant pour être un bon avocat en droit de l’environnement mais de bien comprendre la dimension militante d’un droit qui, historiquement, doit beaucoup aux associations de défense de l’environnement.

Pour ma part, si mon cabinet défend quasi exclusivement des entreprises, j’ai beaucoup appris, plus jeune, en militant dans une très importante association dont le rôle a été et reste fondamental dans la formation du droit de l’environnement. J’y ai rencontré des juristes de très haut niveau et très investis au contact desquels j’ai beaucoup appris.

Aujourd’hui, j’ai la conviction de contribuer, même modestement, au progrès du droit de l’environnement en conseillant et en défendant des acteurs économiques. L’entreprise est un levier de transformation extraordinaire et très puissant."

Arnaud Gossement, Avocat au barreau de Paris.

Pourquoi avoir choisi le droit de l’environnement pour exercer en tant qu’avocat ?

"J’ai découvert le droit de l’environnement à l’occasion d’un stage de fin d’études au Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) qui dépend du Premier ministre. J’ai ensuite décidé de consacré mes travaux de recherche au droit de l’environnement lorsque je rédigeais ma thèse de doctorat. Et j’entretiens cet intérêt, non seulement en conseillant mes clients mais aussi en enseignant cette matière à la faculté de droit depuis plus 15 ans."

Le métier d’avocat en droit de l’environnement est-il (enfin) reconnu, est-il devenu « bankable » ? La montée des obligations éthiques des entreprises, par exemple avec la loi Sapin II, favorise t-elle le développement du "marché" du droit de l’environnement ?

"En 2007, au lendemain du Grenelle de l’environnement, je pensais que le marché du droit de l’environnement allait s’étendre rapidement et que le nombre d’avocats en droit de l’environnement allait beaucoup augmenter. Plusieurs nouveaux cabinets ont alors affiché cette compétence, plusieurs y ont depuis renoncé.
Je n’ai pas d’outil statistique précis mais mon sentiment est que, dix ans plus tard, si le nombre de cabinets spécialisés dans cette matière n’a pas sensiblement augmenté, la charge de travail s’est notablement accrue.

"L’entreprise étant un levier de transformation extraordinaire et très puissant, la charge de travail s’est notablement accrue."


Pour ma part, mon équipe est passée en peu de temps de deux à sept collaborateurs en raison d’un accroissement très important du nombre de dossiers. Cette augmentation du nombre de dossiers est surtout due à une prise de conscience de la part des dirigeants d’entreprises qui souhaitent anticiper et gérer les risques liés au droit de l’environnement et de l’énergie."

Comment susciter des "vocations" en ce domaine auprès des étudiants en droit, des élèves-avocats ? Quels sont les débouchés carrière ?

"Les débouchés pour les étudiants en droit sont nombreux !"

"Il faut arrêter de répéter aux étudiants qui sont passionnés par le droit de l’environnement que c’est un secteur « bouché ». C’est absolument faux. Depuis ma prestation de serment, je n’ai jamais vu un avocat passionné et compétent manquer de travail. Il n’y a pas trop d’avocats en général et pas trop d’avocats en droit de l’environnement en particulier.
Si vous êtes un excellent juriste et dévoué pour vos clients : vous aurez des dossiers. Les débouchés sont nombreux.

"Le métier d’avocat en droit de l’environnement peut être exercé de cent manières différentes."

Vous pouvez être avocat toute votre carrière, une partie seulement ou faire des allers-retours avec l’entreprise ou l’administration. En fonction de votre vie personnelle, de vos ambitions professionnelles, de vos priorités, de vos goûts : tout est possible !

Mon seul message aux jeunes confrères est que ce métier peut être exercé de cent manières différentes : l’important est de bien trouver un mode d’exercice qui corresponde à ses propres attentes. Pour ma part, j’ai choisi de créer un cabinet à taille humaine, très proche de ses clients pour lesquels je mets tout en œuvre pour être le plus disponible possible. Et c’est ainsi que je suis très heureux de rejoindre chaque matin mon bureau. Pour rien au monde je n’exercerai un autre métier."

Quel est selon vous l’intérêt d’exercer en droit de l’environnement ?

"Le droit de l’environnement est une spécialité qui vous ouvre aux autres et au monde."

"C’est une spécialité qui n’en est pas tout à fait une. L’un des intérêts d’exercer en droit de l’environnement tient à ce que nous rencontrons des acteurs d’horizons professionnels très divers : un chef de projet de parc éolien, le responsable d’une unité d’incinération d’ordures ménagères, le président d’un éco-organisme, le responsable de développement d’unités de méthanisation, le directeur juridique d’un grand groupe qui investit dans l’autoconsommation d’électricité verte, le juriste d’une société de promotion immobilière…. Je suis aussi amené à rencontrer des universitaires ou, très souvent, des élus, des politiques qui sont très souvent demandeurs d’expertise dans le cadre de l’élaboration de nouvelles normes. Le droit de l’environnement n’est pas une spécialité qui enferme mais, qui, bien au contraire, vous ouvre aux autres et au monde."

Que recouvre précisément le Droit de l’environnement ?

"C’est un droit au fondement de toutes les autres branches du droit depuis sa constitutionnalisation en 2005."

"C’est un droit au fondement de toutes les autres branches du droit depuis sa constitutionnalisation en 2005. Le droit de l’environnement possède donc un champ d’application très vaste. Son « noyau dur » est constitué de l’ensemble des dispositions du code de l’environnement relatives aux déchets, aux installations classées, à la biodiversité ou bien encore aux produits chimiques. Mais un avocat en droit de l’environnement doit aussi avoir une parfaite connaissance du droit de l’énergie ou du droit de l’urbanisme. Je pense même que nous aurons un jour un code commun à ces trois domaines.

N’oublions pas non plus que le droit de l’environnement est d’abord un droit européen. Ce qui suppose de bien connaître le processus de décision au sein des institutions de l’Union européenne et de suivre attendre l’élaboration des futures directives et règlements européens."

Que pensez-vous du prochain ajout de la notion de la protection de l’environnement dans l’article 1er de la Constitution de 1958 ?

"Insérer une phrase relative à la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution de 1958 aura une dimension symbolique."

"La priorité du Gouvernement devrait être d’appliquer et de simplifier les normes existantes avant d’en créer de nouvelles. Insérer une phrase relative à la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution de 1958 aura une dimension symbolique mais, très sincèrement, je pense qu’il faut d’abord s’interroger sur l’application de la Charte de l’environnement qui a également une valeur constitutionnelle.

Le débat qui s’est ouvert à l’occasion de la discussion de ce projet de loi constitutionnelle est très intéressant mais il souffre cruellement d’un défaut d’expertise juridique préalable. Selon l’expression consacrée, il faut toucher à la Constitution d’une main tremblante et éviter d’en affaiblir l’autorité à force de révisions."

Faut-il créer les Droits de la Nature comme il existe les Droits de l’Homme ?

"Le sujet des droits de la nature est très intéressant mais appelle encore des travaux de recherche pour progresser. Pour l’heure, je ne suis pas encore convaincu que le fait de donner une personnalité juridique à un élément de l’écosystème comme un cours d’eau permette véritablement de faire progresser la protection de l’environnement."

Propos recueillis par Marie Depay Rédaction du Village de la Justice.

[1Charte adossée à la Constitution par la révision constitutionnelle du 1er mars 2005.