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Inaptitude et invalidité. Par Patrice Duponchelle, Avocat.
Parution : lundi 23 juillet 2018
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Invalidité et inaptitude, voici deux notions proches et pourtant très différentes. Quelles sont les différences, notamment de statut et d’indemnisation ?

Pour le commun des mortels ces deux notions sont proches et pourtant n’ont rien à voir sur un plan juridique.

Les différences.
- L’inaptitude s’apprécie par rapport à l’emploi que vous occupez.
- L’invalidité ne peut être reconnue que si le salarié ne peut se procurer, dans une profession quelconque, une rémunération supérieure au 1/3 de la rémunération qu’il percevait au titre de son précédent emploi.
- C’est le médecin du travail qui décide de l’inaptitude.
- C’est la sécurité sociale sur avis de son médecin conseil qui décide de l’invalidité.
- En cas d’inaptitude si vous ne pouvez être reclassé dans un autre emploi vous serez licencié avec l’indemnité de licenciement et vous pourrez bénéficier des allocations de chômage si vous êtes apte à exercer une activité rémunérée quelconque.
- Si vous êtes reconnu en invalidité vous percevrez une allocation dont le montant varie suivant la catégorie.
- Si un salarié est déclaré en invalidité 2ème catégorie il ne peut plus en principe travailler.
- S’il est déclaré inapte il ne sera pas forcément déclaré en invalidité.

Que doit faire le salarié âgé malade exerçant un métier physique qui rencontre des problèmes de santé qui engendrent de multiples arrêts de travail ?

D’abord ne pas se précipiter. Pas d’urgence, un salarié peut percevoir les indemnités journalières et le complément de salaire variable suivant les branches professionnelles durant 360 jours par période de 3 ans consécutifs (quel que soit le nombre de maladies), sans tenir compte des indemnités versées au titre d’une ALD (affection de longue durée plus couramment appelée longue maladie).

En cas d’ALD, les IJ sont versées pendant 3 ans, sans limitation de nombre. Un nouveau délai de 3 ans est ouvert si vous avez retravaillé pendant au moins 1 an. Si, au bout de 3 ans, vous êtes de nouveau en arrêt maladie alors que vous avez travaillé moins d’une année, vous pouvez être indemnisé si vous avez reçu moins de 360 IJ sur la période de 3 ans.

La difficulté survient souvent lorsque vous êtes au terme de la durée de versement des indemnités journalières ou lorsque le médecin conseil de la caisse vous a déclaré apte à reprendre un travail et que le médecin du travail lui vous déclare inapte. Comment est-ce possible ? Tout à fait car la sécurité sociale raisonne par rapport à l’aptitude à exercer une activité quelconque le médecin du travail par rapport à votre emploi. Chacun a sa logique et applique ses règles le code du travail pour le médecin du travail et le code de la sécurité sociale pour le médecin de la caisse.

En cas d’inaptitude reconnue par le médecin du travail et si vous êtes licencié faute de reclassement possible dans l’entreprise vous bénéficierez des indemnités de chômage si vous êtes apte à exercer une activité rémunérée qui peut être différente de la vôtre. Par exemple vous étiez magasinier dans l’industrie vous êtes déclaré inapte car pas de manipulations de charges lourdes mais vous pouvez exercer tout emploi qui ne nécessite pas la manipulation de charges lourdes donc vous pouvez être inscrit comme demandeur d’emploi et être indemnisé par Pôle emploi.

Le montant de l’allocation de chômage (allocation de retour à l’emploi) est en général plus élevé. L’allocation est au minimum de 29,06 € par jour après un emploi à temps plein et au maximum de 248,19 € brut par jour. Le calcul s’effectue suivant deux formules 40,4% du salaire journalier de référence + 11,92€ ou 57% du salaire journalier de référence, la plus avantageuse est retenue. Si le résultat est inférieur à 29,06 € (allocation minimale), Pôle emploi retient l’allocation minimale comme montant de l’allocation. Dans tous les cas, l’allocation ne peut pas dépasser 75 % de votre salaire journalier de référence.

Plus vous avez travaillé, plus votre durée d’indemnisation est longue. La durée d’indemnisation maximale au cours de laquelle vous pourrez percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) est proportionnelle à celle de vos derniers emplois, selon les règles suivantes : Pour la calculer, on prend en compte tous vos contrats sur les 28 derniers mois (36 mois si vous avez au moins 53 ans à la date de fin de votre contrat de travail).
La durée de votre indemnisation est de 4 mois au minimum (122 jours calendaires).
La durée de vos allocations ne peut pas dépasser : 730 jours (24 mois) si vous avez moins de 53 ans à la date de fin de votre contrat de travail ; 913 jours (30 mois) si vous avez 53 ou 54 ans à la date de fin de votre contrat de travail ; 1 095 jours (36 mois) si vous avez au moins 55 ans à la date de fin de votre contrat de travail.

L’invalidité si elle est reconnue par la Sécurité sociale en cas de diminution des deux tiers de la capacité de travail donne droit à une pension calculée en tenant compte de la catégorie d’invalidité, sur la base d’un pourcentage du salaire annuel moyen calculé sur les 10 meilleures années dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale (3.311,00 € par mois en 2018).

La pension est calculée en tenant compte de la catégorie d’invalidité, soit :
1ère catégorie : 30 %, minimum 285,61€ par mois, maximum 993,30 €
2e catégorie : 50 %, minimum 285,61 € par mois, maximum 1.655,50 €
3e catégorie 50 %, majoré de 40 % au titre de la majoration pour tierce personne,
minimum 1.404,18 €, maximum 2774,07 € .

Je rappelle que l’invalide 1ère catégorie peut se livrer à un travail à temps partiel, en 2ème catégorie reconnu dans l’incapacité d’occuper un emploi, en 3ème catégorie il a droit à l’assistance d’une tierce personne.

En résumé sauf dans l’hypothèse où compte tenu de votre état de santé après votre licenciement pour inaptitude, vous n’êtes pas à exercer un emploi il vaut mieux être demandeur d’emploi indemnisé qu’en invalidité.

Patrice DUPONCHELLE avocat spécialiste en droit social avocat.vmd@wanadoo.fr avocats.fr/space/patrice.duponchelle
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