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Protection des données personnelles et démarchage téléphonique : où en sommes-nous ? Par Caroline Gimat, Avocat.
Parution : lundi 30 juillet 2018
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Harcèlement téléphonique, propositions commerciales incessantes. Les particuliers sont de plus en plus sollicités par des commerciaux qui n’hésitent pas à pratiquer des abus et à profiter de l’état de fragilité de certains. Face à ce constat, des consommateurs en viennent à débrancher leur téléphone ou refuser de répondre à certains appels dont ils ne connaissent pas le numéro affiché.

La loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a tenté de remédier à ce problème en offrant la possibilité aux consommateurs de s’inscrire sur une liste gratuite d’opposition au démarchage téléphonique sur le site Internet Bloctel mis en place en juin 2016.

Ainsi, en s’inscrivant sur cette liste, les professionnels, directement ou par l’intermédiaire de tiers agissant pour leur compte, se voient interdire de les démarcher téléphoniquement sous peine d’être sanctionnés d’une amende de 15.000 euros pour une personne physique et 75.000 euros pour une personne morale. De même, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) peut s’assurer que les professionnels respectent leurs obligations en la matière.

Il existe toutefois des exceptions à cette opposition dans le cadre d’appels émanant de prospections en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines, d’appels d’organismes de service public et d’associations à but non lucratif, lors de relations contractuelles préexistantes entre le professionnel et le consommateur ou lorsque le consommateur a lui-même communiqué ses coordonnées téléphoniques dans l’objectif d’être contacté.

Malgré tout, il s’avère que la mise en place de Bloctel ne permet pas un respect total de cette possibilité d’opposition au démarchage téléphonique puisque certains professionnels peu scrupuleux n’hésitent pas à enfreindre cette législation.

En effet, selon une enquête de UFC Que choisir, 47 % des personnes interrogées affirmaient être contactées presque tous les jours dans le cadre de démarchages commerciaux.

Pourtant, différentes dispositions législatives sont censées protéger le consommateur du démarchage téléphonique telles que :
- l’article L. 223-1 du Code de la consommation : « Le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut gratuitement s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Il est interdit à un professionnel, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers agissant pour son compte, de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sauf en cas de relations contractuelles préexistantes ».

- la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978, article 38 : « Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur ».

- l’article R10 du Code des postes et des communications électroniques : « Toute personne ayant souscrit un abonnement au service téléphonique au public (…) peut obtenir gratuitement de l’opérateur auprès duquel elle est abonnée ou du distributeur de son service : (...) 4. Que les données à caractère personnel la concernant issues des listes d’abonnés ou d’utilisateurs ne soient pas utilisées dans des opérations de prospection directe soit par voie postale, soit par voie de communications électroniques, sans préjudice des dispositions de l’article L. 34-5, à l’exception des opérations concernant la fourniture du service téléphonique au public et relevant de la relation contractuelle entre l’opérateur et l’abonné ».

Ces textes font apparaître la notion d’opposition de la part du consommateur. Ainsi, face à ce constat et la nécessité de redonner aux personnes la maitrise de leurs données à caractère personnel, une proposition de loi visant à renforcer l’interdiction de démarchage téléphonique a été proposée.

Cette proposition permettait notamment de garantir une obligation de recueillir préalablement le consentement explicite du consommateur (système de l’opt-in) en cas d’utilisation des données téléphoniques à des fins commerciales. De même, outre l’obligation pour le commercial de se présenter dès le début de l’appel téléphonique, la proposition de loi prévoyait la mise en place d’un indicatif téléphonique unique reconnaissable pour les consommateurs lors des appels de sollicitation commerciale. Un renforcement des sanctions était également envisagé.

Cette proposition de loi s’inscrivait dans le courant actuel du Règlement européen 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) ; L’objectif étant de renforcer les droits des personnes physiques en encadrant les pratiques en matière de collecte et d’utilisation des données à caractère personnel et responsabiliser les entreprises qui traitent ces données.

Cependant, le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 21 juin dernier ne reprend pas les dispositions essentielles de la proposition de loi puisque, en dehors des sanctions, elle prévoit comme unique mesure de protection pour le consommateur, l’obligation pour le démarcheur téléphonique d’indiquer « de manière explicite au début de la conversation son identité, le nom de la personne morale qui l’emploie, l’objet social de la société, l’identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel, si cette personne est distincte de l’employeur, et la nature commerciale de l’appel. Il indique également la possibilité pour le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique de s’inscrire gratuitement sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique telle que prévue à l’article L. 223-1 » (du Code de la consommation).

Le texte est désormais à l’étude au Sénat.

Caroline Gimat Avocat à la Cour caroline.gimat@gimat-avocat.fr www.gimat-avocat.fr
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