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Des vacances au divorce : et si je faisais mes valises ? Par Léa Smila, Avocat.
Parution : mardi 14 août 2018
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Ces quelques jours de vacances en famille n’ont pas suffi à vous rabibocher avec votre moitié. Non, vraiment, tout ça c’est du passé !
Vous ne voyez plus d’autre solution que la séparation.
Mais comment le lui dire ? Et surtout, une fois dit, quelles vont être ses réactions ?
Bref les questions fusent dans tous les sens, tout tourne en rond et vous n’arrivez plus à vous concentrer. Quelques écueils à éviter avant votre procédure de divorce.

Je veux divorcer : l’annonce.

Une chose est sûre : votre couple n’en est plus un ; vous ne pouvez plus continuer à vivre ensemble, c’est au-dessus de vos forces et cette nouvelle année scolaire ne se déroulera pas comme la précédente.

De toutes manières, vous en êtes convaincue cela sera mieux pour tout le monde : vous, votre conjoint et les enfants !

La canicule ne vous a pas aidée à rester stoïque, sous l’effet de la chaleur ambiante, vous lui déballez tout ce que vous ne supportez plus chez lui, tout ce qui vous rend dingue depuis des années, et tous les points sur lesquels vous avez pris sur vous, pour que vos enfants puissent avoir deux parents à leurs côtés.

Une pluie de critiques s’abat sur Monsieur. Vous êtes soulagée, il semblerait qu’il a compris que vous en étiez arrivée au point de rupture. Quoique ? Pas si sûr !

En tout état de cause, maintenant que les choses ont été plus ou moins dites, l’ambiance à la maison est catastrophique et vous ne pensez qu’à une chose : partir !

-« Chéri, je prends quelques jours de vacances. Je pars avec les enfants chez mes parents. »
- « Ah bon ? Tu pars quand ? Tu penses revenir quand ? »
- « Dans la journée, on se voit à mon retour »

Ma femme veut divorcer.

Vous qui pensiez bénéficier de quelques jours de tranquillité chez vous après cette soirée explosive… que nenni ! Madame n’est pas du tout partie en vacances…elle est partie avec sa penderie, ses effets personnels, vos tableaux, et vos enfants… Madame a quitté le domicile conjugal ! Elle vous a quitté !

Assis dans le canapé, abattu ou peut-être soulagé, vous avez compris : votre femme souhaite divorcer.

Ma femme a quitté le domicile conjugal avec les enfants. Je change les serrures .

« Je ne vais quand même pas rester là à me tourner les pouces…Elle est partie ? C’est sa décision ! Avec les enfants et mes affaires en plus… très bien, je change les serrures… « qui part à la chasse, perd sa place » ! Après tout, moi aussi je peux jouer… »

Le temps des questions.

Sûre de vous, vous avez donc quitté le domicile conjugal emportant vos affaires, celles des enfants et plus qu’il n’en faut pour quelques jours.

L’adrénaline étant retombée, vous vous demandez si vous avez bien fait ? et si juridiquement, vous pouvez quitter le domicile à votre convenance.

Vous vous rassurez comme vous pouvez, après tout ce ne sont que des vacances…rien de grave.

Mais vous revenez à la raison, et vous commencez à vous poser quelques questions et notamment la première : Est-ce que je peux quitter le domicile avant d’être divorcée !

Après quelques recherches sur internet, la réponse ne semble plus si évidente…

Quitter le domicile conjugal : une faute dans une procédure de divorce.

Quitter le domicile conjugal est interdit. Cela peut constituer une faute dans le cadre d’une procédure de divorce ayant des conséquences non négligeables.

En effet, l’article 215 du Code civil dispose que : « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est le lieu qu’ils choisissent d’un commun accord. »

Seule une ordonnance de protection en cas de violences conjugales ou de dangers, l’ordonnance de non conciliation dans le cadre d’une procédure de divorce ou un protocole d’accord peuvent permettre à l’un des parents de quitter le domicile conjugal sans que cela ne lui soit reproché ultérieurement.

(l’article 108 du Code civil permet aux époux de résider séparément notamment pour raison professionnelle dès lors qu’il y a une intention matrimoniale mais tel n’est pas le sujet.)

Quelles peuvent être par exemple les conséquences d’un abandon de domicile ?

- la perte de la garde de l’enfant,
- l’attribution du domicile conjugal à celui qui est resté,
- des dommages et intérêts lorsque cela est brutal.

Il faut également préciser que naturellement celui qui part reste solidaire du loyer à payer et du crédit.

Avant 2004, toute faute permettait à celui qui devait régler la prestation compensatoire de demander à ce que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’autre et ainsi de lui supprimer la prestation compensatoire due.

Cela n’est plus le cas aujourd’hui. Toutefois, le juge aux affaires familiales apprécie en équité la somme qui sera due et pourra prendre en considération la faute pour la modérer la prestation compensatoire et inversement.

Abandon du domicile et divorce.

Quitter le domicile ne peut donc se faire sur un coup de tête et encore moins lorsqu’il y a des enfants.

Soit cela est ordonné dans le cadre des mesures provisoires, soit il y a des violences et on aura demandé une ordonnance de protection.

De la même manière, même si votre conjoint a quitté le domicile vous ne pouvez absolument pas changer les serrures de chez vous !

A savoir :
Si vous êtes en cours de procédure de divorce, le seul fait d’avoir un Avocat, ou d’avoir déposé une requête ne permet pas de quitter le domicile.

Et si un accord entre les époux est trouvé ?

En principe, dès lors qu’il est démontré au juge aux affaires familiales que les époux se sont écrits réciproquement qu’ils pouvaient quitter le domicile, cela n’est plus considéré comme une faute et ne peut être opposé dans le cadre du divorce.

Toutes les situations sont étudiées au cas par cas et l’article 1117 du code procédure civile prévoit explicitement que lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux.

Quels sont les types d’accord entre époux reconnus ?

Encore une fois, l’article 108 du Code civil précise que le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie, mais il s’agit surtout de cas de séparation dû à une activité professionnelle éloignée.

L’accord peut avoir été fait entre époux simplement par écrit, daté et signé. Il n’a pas de force exécutoire mais cela constitue un début de preuve.

A titre d’exemple, dans une décision connue, deux époux avaient formalisé un accord autorisant chacun à résider séparément.

Le mari pour les besoins de la procédure de divorce avait exigé que sa femme revienne. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel expliquant que la Cour d’appel aurait du regarder quelles étaient les véritables intentions de l’époux.

L’accord pour quitter le domicile peut être un acte d’avocat rédigé par les avocats respectifs des époux ou encore avoir été fait chez le notaire.

Les avocats ont à leur disposition de nombreux outils permettant de finaliser des accords et notamment : la procédure participative avec avocats, le droit collaboratif, l’acte d’avocat…

Le pacte de famille ou d’avocat.

Cet acte d’avocat appelé souvent pacte de famille pourra également être soumis au juge aux affaires familiales pour être homologué. Cela lui donnera une force exécutoire.

Ce pacte de famille permet dans un premier temps d’organiser la séparation en fixant l’organisation de la famille après la séparation : résidence séparée, mais également pension alimentaire, droit de visite et d’hébergement des enfants notamment.

En l’absence d’homologation, il n’a pas de force obligatoire mais il est une preuve dans le cadre d’une procédure de divorce ultérieure devant le juge aux affaires familiales.

Divorce par consentement mutuel et résidence séparée.

Dans le cadre du divorce par consentement mutuel, en principe l’obligation de cohabitation prévue par l’article 215 prend fin le jour de l’enregistrement du divorce par le notaire soit en toute fin de procédure alors même que la convention de divorce prévoit deux adresses distinctes.

C’est pourquoi, en cas de doute sur l’issue de la procédure, un pacte de famille ou de séparation amiable est la solution idéale en amont de la procédure.

Pour être fautif l’abandon doit réunir deux conditions :

- Une violation grave ou renouvelée des droits et devoirs du mariage ;
- cette violation doit rendre intolérable le maintien de la vie commune.

A titre d’exemple, n’est pas toujours considéré comme fautif le fait de refuser de déménager si cela empêche de conserver son emploi, si le logement n’est pas adapté ( pas assez grand pour les enfants etc…), le fait de refuser de rejoindre son conjoint suite à une expatriation imposée.

En revanche, le fait de quitter le domicile pour vivre chez son amant constitue une violation grave et renouvelée des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et constitue donc une faute.

En conclusion :

1- votre conjoint quitte le domicile : déposez une main courante mais ne changez pas les serrures,

2- votre conjoint a changé les serrures du domicile : déposez une main courante.

3- Vous souhaitez vous séparer : ne quittez pas le domicile conjugal sans réfléchir et ne forcez pas l’autre à quitter le domicile non plus.

4- En cas de violences conjugales : quittez le domicile, déposez une main courante, faites constater les violences aux UMJ et faites appel à un avocat spécialisé en droit de la famille pour faire par exemple une ordonnance de protection

5- Vous souhaitez tous les deux divorcer mais n’êtes pas très surs de la confiance que vous pouvez mettre en l’autre et de l’orientation que va prendre votre procédure de divorce : faites un protocole d’accord, un pacte de famille pour organiser les conséquences financières et familiales de votre séparation.

Léa Smila Avocat à la Cour 57, Bld de Picpus - 75012 PARIS www.smila-avocat.com
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