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La peine d’annulation du permis de conduire en cas d’homicide involontaire. Par Jamel Mallem, Avocat.
Parution : mercredi 22 août 2018
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L’analyse de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 26 juin 2018 est en réalité un véritable casse-tête en ce qui concerne le sort du permis de conduire en cas d’homicide involontaire aggravé commis par le conducteur d’un véhicule.
La question se pose de savoir si le prononcé de l’annulation du permis de conduire est obligatoire dans cette hypothèse ou s’il est seulement une éventualité, lequel cas il doit être tenu compte de certains éléments, dont la situation personnelle de l’automobiliste auteur de l’homicide involontaire aggravé.

Cass. Crim., 26 juin 2018 N° 17-86.666

Dans cette affaire, le 14 septembre 2011, Monsieur William X…, qui circulait en moto à Marseille dans la voie de bus, heurte une piétonne âgée de 73 ans qui finissait de traverser l’avenue. Cette dernière succombe quelques jours plus tard des suites de ses blessures.

Constatant que l’accident est dû au fait que le prévenu avait fait preuve d’une inattention, en circulant sur une voie qui lui était interdite et ce à une vitesse excessive, le Tribunal Correctionnel le déclare coupable pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence et le condamne à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à l’annulation de son permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant deux ans.

Concernant les ayant-droits de la défunte, alors qu’ils avaient déjà été indemnisées au titre du préjudice d’affection, ceux-ci se sont quand même constitués parties civiles et ont seulement sollicité le remboursement de leurs frais d’avocats au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale, ce dont le Tribunal Correctionnel a fait droit à leurs demandes, déclarant recevables leurs constitutions de parties civiles.

Le prévenu ainsi que le Ministère Public interjettent appel total de ce jugement.

Par arrêt en date du 14 septembre 2017, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence confirme la culpabilité de Monsieur X…pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.

En répression, la Cour d’Appel condamne X… à une peine aggravée de 18 mois d’emprisonnement dont un an avec sursis et confirme la peine d’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant deux ans.

Concernant les parties civiles, la Cour d’Appel confirme le jugement sur l’action civile et accorde aux ayants-droits certaines sommes au titre de leurs frais irrépétibles exposés en appel.

X… décide de se pourvoir en cassation.

• Dans un premier temps, la Cour de Cassation va rejeter les moyens du pourvoi tendant à remettre en cause la culpabilité de X…, considérant que la Cour d’Appel avait caractérisé, en tous ses éléments, l’infraction d’homicide involontaire ;

• Puis, la Cour de Cassation va rejeter le moyen du pourvoi tendant à invoquer l’irrecevabilité des constitutions des parties civiles.

Pour la défense pénale, les ayants-droits ne pouvaient pas se constituer parties civiles devant la juridiction correctionnelle, d’une part parce qu’elles avaient déjà été indemnisées au titre de du préjudice d’affection par l’assureur automobile du conducteur fautif, et d’autre part parce qu’elles ne chiffraient aucune demande à titre de dommages et intérêts. Pour Monsieur X…, les demandes des héritiers tendant uniquement à solliciter le remboursement de leurs frais et honoraires n’étaient pas de nature à rendre recevable leurs constitutions de parties civiles.

La Cour de Cassation ne fait pas droit à un tel raisonnement.

Bien au contraire, au visa de l’article 2 du Code de procédure pénale, elle rappelle que le fait que le préjudice des victimes d’une infraction ait été intégralement réparé ne fait pas obstacle à la recevabilité de leur constitution de partie civile, laquelle peut n’être motivée que par la volonté de corroborer l’action publique.

Ainsi, bien que l’article ici-présent n’ait pas vocation à commenter ce domaine de procédure pénale, il n’est pas inintéressant d’observer que toute victime ou ayant-droit peut donc se constituer partie civile, ne serait-ce que pour corroborer l’action publique, et ce quand bien même leur préjudice serait entièrement réparé ou non. Il n’est nul besoin pour une victime de solliciter une indemnisation chiffrée, pour voir sa constitution de partie civile être recevable. En pareil cas, la partie civile intervenante pourra solliciter à tout le moins une demande au titre de ses frais et honoraires supportés, au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

• Enfin, et c’est l’objet de cet article, la Cour de Cassation va admettre le moyen en cassation consistant à invoquer l’absence de motivation du prononcé de la peine d’annulation du permis de conduire.

Sur ce point, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, rappelant que :

« En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ».

En effet, pour confirmer la peine d’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant deux ans, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence n’avait relevé que le caractère particulièrement dangereux de la conduite du prévenu.

Or, la Cour de Cassation constate que la Cour d’Appel ne s’est pas expliquée sur les éléments relatifs à la situation personnelle du prévenu, qu’elle devait prendre en considération, pour prononcer ou non la peine d’annulation du permis de conduire.

Encore une fois, la Cour de Cassation censure un arrêt de Cour d’Appel compte tenu de l’absence de particulière motivation relative au prononcé de la peine pénale.

Rappelons que l’article 132-1 du Code pénal énonce expressément que :
- Toute peine prononcée par la Juridiction doit être individualisée ;
- Dans les limites fixées par la loi, la Juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, ce conformément aux finalités et fonctions de la peine (qui sont celles de punir l’auteur de l’infraction mais aussi de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion).

Après avoir évoqué cette exigence rappelée par la Cour de Cassation, l’on pourrait s’arrêter là, en se contentant d’indiquer que la peine d’annulation du permis de conduire en matière d’homicide involontaire doit être particulièrement motivée.

Or, il va être démontré ci-après qu’en réalité, les hypothèses légales de prononcé de l’annulation du permis de conduire en cas d’homicide involontaire commis par conducteur d’un véhicule ne sont pas forcément conciliables avec la présente solution retenue par la Cour de Cassation.

Quelques explications sont nécessaires :

Tout d’abord, il convient de préciser que la peine d’annulation du permis de conduire s’accompagne toujours d’une interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire durant x temps.

Cette peine peut être obligatoirement prononcée dans certaines hypothèses.
Par exemple, en cas de condamnation pour conduite en état alcoolique ou en état d’ivresse manifeste, commise en état de récidive légale, l’article L 234-13 du Code de la route énonce que cette nouvelle condamnation « donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ».

Ce qui signifie que la peine d’annulation du permis de conduire sera obligatoirement prononcée. A notre connaissance, il n’existe pas d’exception légale qui permettrait de contourner le prononcé de cette annulation.

La solution jurisprudentielle décrite plus haut ne trouve pas non plus à s’appliquer, puisque conformément à l’article 132-1 alinéa 1 du Code pénal, il est bien indiqué que « lorsque la loi ou le règlement réprime une infraction, le régime des peines qui peuvent être prononcées obéit, sauf dispositions législatives contraires, aux règles du présent chapitre ».

Il y a lieu de considérer que l’article L 234-13 du Code de la route, en ce qu’il édicte obligatoirement le prononcé d’une annulation du permis de conduire en cas de récidive légale d’une infraction de conduite en état d’ivresse manifeste ou en état alcoolique, constitue une disposition législative contraire, qui dispense dès lors le juge à se fonder sur les considérations personnelles, matérielle, familiale et sociale du prévenu pour se prononcer ou non sur l’annulation du titre de conduite.

Nous pouvons donc faire une analyse similaire en cas d’homicide involontaire aggravé commise par un conducteur de véhicule.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’infraction d’homicide involontaire est prévue par deux textes, l’article 221-6 et l’article 221-6-1 du Code pénal.

L’article 221-6 est le texte général concernant l’homicide involontaire qui est défini comme « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui ». La peine est aggravée « en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité ».

L’article 221-6-1 concerne le cas spécifique de l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, défini de la manière suivante :

« Lorsque la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité prévu par l’article 221-6 est commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. »

 
Ainsi, l’on peut en déduire qu’à chaque fois qu’un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur a commis un homicide involontaire, l’article 221-6-1 du Code pénal aura vocation à s’appliquer et non le texte général précédent de l’article 221-6.

Il faut ajouter que les peines de l’article 221-6-1 du Code pénal sont aggravées dans sept situations :

1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ; 
2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ; 
3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ; 
4° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ; 
5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ; 
6° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir. 
Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150.000 euros d’amende lorsque l’homicide involontaire a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article.

La personne coupable d’un homicide involontaire encourt ainsi le prononcé de peines complémentaires, qui sont prévues à l’article 221-8 du Code pénal.

L’article L 232-1 du Code de la route rappelle les dispositions relatives à l’homicide involontaire commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur, fixées par les articles 221-6-1 et 221-8 du Code pénal.

En second lieu, il reste à déterminer si le prononcé de l’annulation du permis de conduire est obligatoire ou non en matière d’homicide involontaire, sachant que parmi les peines complémentaires prévues par l’article 221-8 du Code pénal, trois alinéas concernent l’hypothèse de l’annulation du permis de conduire. A ce titre, il conviendra de vérifier si la solution dégagée par l’arrêt du 26 juin 2018 de la Cour de Cassation a vocation à s’appliquer.

Trois situations doivent donc être distinguées :
- Le cas de l’homicide involontaire (non commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur) : article 221-6 du Code pénal ;
- Le cas de l’homicide involontaire commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur : article 221-6-1 alinéa 1 du Code pénal ;
- Le cas de l’homicide involontaire aggravé commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur : article 221-6-1 1° à 6° et dernier alinéa du Code pénal.

A - Le cas de l’homicide involontaire (non commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur) : article 221-6 du Code pénal.

Dans cette hypothèse, l’article 221-8 4° du Code pénal ne prévoit que la peine complémentaire de l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus.

Comme il s’agit d’une peine complémentaire, qui est encourue, mais qui n’est pas prévue par la loi comme devant être prononcée de plein droit, l’on peut considérer que la peine d’annulation du permis de conduire n’est pas obligatoire.

En conclusion, la solution adoptée par la Cour de Cassation, le 26 juin 2018 trouve à s’appliquer.

Le Juge pénal ne peut pas prononcer la peine d’annulation du permis de conduire dans cette hypothèse d’homicide involontaire, s’il ne s’est pas fondé sur les circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

La défense pénale trouve donc la possibilité de contester les réquisitions du parquet tendant à l’annulation du permis de conduire, si elle met en avant les considérations personnelles du prévenu de nature à faire échec à ce prononcé qui s’avère facultatif.

Ajoutons que dans cette hypothèse, une peine de suspension du permis de conduire peut être également encourue et qu’elle peut être assortie du sursis, même partiellement, et que le cas échéant, cette suspension du permis de conduire peut-être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle (ce que l’on appelait le bénéfice du permis blanc) (article 221-8 3° du Code pénal).

Afin de proposer une alternative à la peine d’annulation du permis de conduire, la défense pénale pourra donc soumettre au magistrat en priorité cette peine complémentaire.

B - Le cas de l’homicide involontaire commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur : article 221-6-1 du Code pénal.

Dans cette hypothèse, lorsque l’homicide involontaire commis par le conducteur n’est pas aggravé par les 6 situations précédemment décrites (état alcoolique, usage de stupéfiants, absence de permis de conduire, excès de vitesse de plus de 50 Km/H, etc.), comme précédemment, l’article 221-8 4° du Code pénal prévoit la peine complémentaire de l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus.

Cette peine d’annulation du permis de conduire n’est pas obligatoirement prononçable.

Là encore, comme précédemment, le juge devra, s’il prononce cette annulation, se fonder sur la base des critères énoncés par l’article 132-1 du Code pénal.

Là encore, la solution adoptée par la Cour de Cassation, le 26 juin 2018 trouve à s’appliquer.

Et de nouveau, il est possible pour la défense pénale de proposer une alternative à la peine d’annulation du permis de conduire, telle que la suspension du permis de conduire.

A une différence près que cette suspension du permis de conduire ne peut pas être assorti du sursis, même partiellement et qu’elle ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

Il faut également préciser que d’autres peines complémentaires sont prévues telles que l’interdiction de conduire tout ou certains véhicules terrestres à moteur, l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, l’immobilisation ou la confiscation du véhicule si le condamné en est le propriétaire.

C - Le cas de l’homicide involontaire aggravé commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur : article 221-6-1 1° à 6° et dernier alinéa du Code pénal.

La situation se complique lorsque le conducteur du véhicule terrestre à moteur commet un homicide involontaire dans l’une des six hypothèses aggravantes telles que la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après et aussi dans les cas de l’état alcoolique, l’état d’ivresse manifeste, le refus de ses soumettre aux vérifications de l’état d’alcoolémie ou de l’usage de produits stupéfiants, en cas de conduite avec l’usage de stupéfiants, l’absence de permis de conduire ou en cas de permis de conduire annulé, invalidé, suspendu ou retenu, en cas d’excès de vitesse maximale autorisée de plus de 50 Km/H, en cas de délit de fuite.

Dans cette hypothèse d’homicide involontaire aggravée, l’article 221-8 du Code pénal prévoit expressément que :

« Toute condamnation pour les délits prévus par les 1° à 6° et le dernier alinéa de l’article 221-6-1 donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant dix ans au plus. En cas de récidive, la durée de l’interdiction est portée de plein droit à dix ans et le tribunal peut, par décision spécialement motivée, prévoir que cette interdiction est définitive. »

Ce qui signifie que le prononcé de la peine d’annulation du permis de conduire est obligatoire.

Mais, alors qu’il est prévu que cette peine d’annulation doit être prononcée de plein droit en cas de condamnation, de manière totalement contradictoire il est prévu dans ce même texte une sorte d’imbroglio juridique, qui énonce que dans les cas prévus par les 1° à 6° et le dernier alinéa de l’article 221-6-1 du Code pénal, la durée de suspension du permis de conduire est de 10 ans au plus.

Ce qui pourrait laisser penser qu’il serait possible d’obtenir à titre de sanction complémentaire une peine de suspension du permis de conduire en lieu et place d’une peine d’annulation du permis de conduire, qui, en principe, doit être obligatoirement prononcée.

Cette réflexion est renforcée par la rédaction d’une autre disposition de l’article 221-8 11° qui prévoit que en cas de commission de deux circonstances aggravantes dont notamment l’état alcoolique, il peut être prononcé une interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par construction d’un dispositif anti-démarrage par éthylotest électronique homologué ; interdiction qui pourrait être prononcée en même temps que la peine d’annulation ou de suspension du permis de conduire.

Une nouvelle fois, le texte suppose que la peine de suspension du permis de conduire pourrait être prononcée en lieu et place de la peine d’annulation du permis de conduire.

Mais alors que penser de la rédaction de l’alinéa 2 du 11° de cet article 221-8 du Code pénal qui, contrairement, indique que le prononcé de l’annulation du permis de conduire doit être obligatoirement prononcée ?

Cet imbroglio juridique ne permet pas de donner une réponse claire et précise.

En tout cas, le texte pose le principe que toute condamnation pour l’infraction d’homicide involontaire aggravé par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur donne lieu de plein droit à l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter un nouveau permis.

Si cette peine complémentaire doit être obligatoirement prononcée, elle constituerait l’exception législative contraire de l’article 132-1 du Code pénal, qui, comme en cas de conduite en état alcoolique commise en état de récidive légale, dispense dès lors le juge à se fonder sur les considérations personnelles, matérielle, familiale et sociale du prévenu pour se prononcer sur l’annulation du titre de conduite.

Et dans ce cas, la solution adoptée par la Cour de Cassation, le 26 juin 2018 ne trouverait pas à s’appliquer.

Or, et cela se complique, il convient d’observer que la Cour de Cassation s’est fondée sur la base d’une condamnation d’un homicide involontaire aggravé par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, soit autrement dit sur le fondement de l’article 221-6-1 1° du Code pénal.

Et bien que les faits reprochés aient été commis le 14 septembre 2011, l’article 221-6-1 1° dans sa rédaction applicable à l’époque des faits (Loi N°2011-525 du 17 mai 2011) et l’article 221-8 dans sa rédaction applicable à l’époque des faits (Loi N°2011-267 du 14 Mars 2011) étaient tous deux rédigés dans les mêmes termes et prévoyaient donc les mêmes modalités d’application de peines.

Bien que l’arrêt de la Cour de Cassation mentionne par erreur le visa de l’article 221-6 du Code pénal, en réalité c’est le visa de l’article 221-6 -1 du Code pénal qui aurait dû être mentionné et sous cet angle juridique que l’analyse aurait dû être faite.

En conséquence, la Cour de Cassation aurait dû constater que la peine d’annulation du permis de conduire était obligatoirement prononçable et n’aurait pas dû casser l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, puisque cette juridiction n’avait donc pas à se fonder sur les considérations de la situation personnelle du prévenu.

Ce d’autant plus que la Cour de Cassation avait déjà validé la position des Juridictions du fond qui avaient prononcé obligatoirement la peine complémentaire d’’annulation du permis de conduire, lorsqu’étaient réunies les diverses circonstances aggravantes légales de l’homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, prévoyant l’annulation de plein droit du permis de conduire.

Cass. Crim., 22 janvier 1997, N°96-82.249

« Attendu qu’en constatant l’annulation de plein droit du permis de conduire de Didier Y…, déclaré coupable d’homicide et de blessures involontaires par conducteur sous l’empire d’un état alcoolique, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article L. 15-II-2° du Code de la route ; »

Quoiqu’il en soit, il ne semble pas que l’arrêt de la Cour de Cassation du 26 juin 2018 soit un revirement de jurisprudence.

Et, surtout, ce qui importe, l’imbroglio juridique textuel rappelé précédemment et la solution jurisprudentielle de la Cour de Cassation militent au contraire sur le fait que la peine d’annulation du permis de conduire n’est pas obligatoirement prononçable et que pour la prononcer, le juge doit tout de même en considération les éléments relatifs à la situation personnelle du prévenu.

La défense pénale pourra donc se servir de cet arrêt, qui illustre le fait que la peine d’annulation du permis de conduire ne peut pas être prononcée uniquement sur la base du caractère particulièrement dangereux de la conduite du prévenu.

Autre exemple : un autre arrêt récent rendu par la Cour de Cassation valide l’arrêt rendu par une Cour d’Appel, qui avait bien fait usage des dispositions de l’ancien article 130-1 du Code pénal, pour prononcer l’annulation du permis de conduire d’un automobiliste coupable d’un homicide involontaire non aggravé (article 221-6-1 alinéa 1 du Code de la route) en ces termes :

« Attendu que, pour condamner le prévenu à la peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis, à l’annulation de son permis de conduire avec interdiction de le repasser avant un an et à une amende de 5 .000 FCFP, l’arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l’article 130-1 du code pénal et constaté que le prévenu, professeur, séparé de son conjoint, avait été condamné pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, la nature et les circonstances du délit commis ainsi que ses conséquences particulièrement graves qui ont entraîné la mort d’un homme, et l’attitude de M. X… qui refuse d’admettre avoir commis une faute, ce qui interroge sur sa connaissance du code de la route  ; 



Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et abstraction faite du motif surabondant relatif à l’attitude du prévenu, la cour, qui a déterminé la sanction au regard de la gravité des faits, de la personnalité et de la situation personnelle du prévenu et a nécessairement apprécié sa proportionnalité, a, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, justifié sa décision  ; »

Cass. Crim, 21 Novembre 2017 N°16-86.600

Dans la défense des prévenus, il conviendra de rappeler que la jurisprudence a déjà eu l’occasion de rappeler que les juridictions du fond disposent d’un pouvoir souverain pour prononcer la peine d’annulation du permis de conduire dès lors qu’il est prononcé une condamnation pour homicide et blessures involontaires ( Cass. Crim., 4 janvier 1983, ).

Enfin, il convient de rappeler que même si la peine complémentaire d’annulation du permis de conduire est encourue et que le risque de son prononcé est élevé, il est toujours possible de solliciter en défense que cette annulation soit assorti d’un sursis simple en application des dispositions de l’article 132-31 alinéa 1 du Code pénal qui renvoie son application aux peines complémentaires de l’article 131-10 du Code pénal, et à la condition évidente que le prévenu n’ait pas déjà été condamné à une peine d’emprisonnement au cours des cinq années précédant les faits.

Si l’annulation du permis de conduire est prononcée avec sursis simple, il sera sursis à l’exécution de l’annulation du permis de conduire, conformément à l’article 132-29 alinéa 1 du Code pénal, ce qui permettra à l’automobiliste de conduire, sans qu’il puisse lui être reproché une éventuelle infraction de conduite malgré annulation de son permis de conduire ou non restitution de son permis de conduire (articles L 224-16 et L 224-17 du Code de la route) et sans qu’il ne soit contraint à se soumettre aux mesures administratives prévues (article L 224-14 du Code de la route).

Si la peine d’annulation du permis de conduire devait être prononcée sans sursis, il faudra, selon les cas, la solliciter avec exécution provisoire, afin qu’elle puisse s’appliquer immédiatement (article L 224-13 du Code de la route), et ce pour éviter de mauvaises surprises d’application de cette peine dans le temps et dans le respect de la prescription de la peine de cinq années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive (article 133-3 du Code pénal).

Quant à la peine d’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire prononcée pour telle ou telle durée, il conviendra de ne pas oublier qu’il sera toujours possible de saisir ultérieurement le tribunal correctionnel et de solliciter le relèvement total ou partiel de cette interdiction, de manière à permettre à l’intéressé de ne plus être soumis à la durée initiale de ladite interdiction prononcée (article 132-21 alinéa 2 du Code pénal).

Cette possibilité de relèvement s’applique uniquement à l’interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire, mais ne s’applique pas à la peine d’annulation du permis de conduire ( Cass. Crim, 17 juin 1986 N°85-94.859 ).

Quant aux autres peines complémentaires encourues, celles précédemment décrites dans le cas B sont applicables dans cette hypothèse de l’homicide involontaire aggravée.

En revanche, en cas de récidive légale, la confiscation du véhicule est obligatoire dans le cas de la commission de deux circonstances aggravantes dont notamment l’absence de permis de conduire ou en cas de permis de conduire annulé, invalidé, suspendu ou retenu, ou dans les circonstances de l’état alcoolique, l’état d’ivresse manifeste, le refus de ses soumettre aux vérifications de l’état d’alcoolémie ou de l’usage de produits stupéfiants, en cas de conduite avec l’usage de stupéfiants et en cas d’excès de vitesse maximale autorisée de plus de 50 Km/H.

En l’absence de récidive légale, la confiscation du véhicule demeure obligatoire dans les mêmes circonstances, si la personne a déjà été définitivement condamnée pour un des délits de conduite sans permis de conduire, avec permis suspendu, retenu ou annulée ou sous le coup d’une interdiction de solliciter la délivrance d’un permis de conduire, en état alcoolique ou en état d’ivresse manifeste ou refus de se soumettre aux vérifications de l’état d’alcoolémie ou de l’usage de produits stupéfiants, de conduite avec usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, et en cas de conduite en récidive ou non d’excès de vitesse maximale autorisée de plus de 50 Km/H.

La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée.

Jamel MALLEM Avocat au Barreau de Roanne www.mallem-avocat.com https://www.facebook.com/jamel.mallem.1 https://twitter.com/mallemavocat SELARL Mallem-Kammoussi-Christophe