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L’article 700 du code de procédure civile, une approche étrange de l’équité… Par Abdelaziz Mimoun, Avocat.
Parution : jeudi 30 août 2018
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L’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile principalement animé par l’équité, est-il équitablement appliqué par les juges ?
Pas si sûr !

Aux termes des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat
 ».

Jusque là, rien de bien nouveau, le juge décidant de fixer ou non une indemnité que la partie perdante ou tenue aux dépens devra régler à l’une ou à l’autre des parties au procès.

Plus complexe est l’analyse lorsque la condamnation à verser un « article 700 » résulte d’une décision de justice rendue sur recours, c’est à dire devant la Cour d’Appel ou devant la Cour de cassation respectivement à l’occasion d’une décision d’infirmation ou d’un arrêt de cassation.

En effet, le constat est le suivant : si la décision antérieurement critiquée est infirmée par les juges d’appel ou cassée par la Cour de cassation, cela résulte d’une application ou d’une appréciation erronée des faits et/ou de la loi par les précédents juges.

Pourquoi, alors, condamner une partie à payer à l’autre des frais ?

Autant, il apparaît logique et compréhensible qu’en première instance la partie perdante soit condamnée à supporter une partie des frais exposés par la partie gagnante, autant cette démarche peut laisser un goût amer en cause d’appel ou devant la Cour de cassation lorsque les magistrats viennent censurer ou infirmer leurs premiers ou précédents collègues.

L’équité, essence même, de l’article 700 du code de procédure civile doit, en pareil cas, conduire les juges à faire supporter à l’État – agent comptable – le coût des frais irrépétibles.

C’est d’une logique implacable ! Car il ne faut pas oublier que l’État peut, dans le cadre de l’aide juridictionnelle, prendre en charge le coût d’une procédure au titre de la solidarité nationale.

Par réciprocité, lorsqu’une décision est infirmée en appel ou annulée devant la Cour de cassation, il apparaît anormal, ou tout simplement inéquitable, de faire peser sur la partie perdante le coût de la procédure qu’il s’agisse des frais irrépétibles ou plus largement les dépens.

Nous pourrions presque évoquer une responsabilité sans faute de l’État : une juridiction qui appréhende mal un dossier et rend une décision favorable à une partie, décision qui sera anéantie sur recours et qui donnera raison à l’autre partie ne doit pas conduire à faire condamner l’autre partie qui avait pourtant gagné en première instance.

L’équité veut que le coût de la procédure dans son entièreté – dépens et article 700 – soit supporté par la collectivité.

A bon entendeur, salut.

Abdelaziz MIMOUN, Avocat au Barreau de Versailles mimoun-avocat.fr [->mimounavocat@gmail.com] +33 1 30 21 44 04 - +33 1 30 21 21 41
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