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Le droit au consentement éclairé du patient. Par François Jacquot, Avocat.
Parution : mardi 4 septembre 2018
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Le patient a le droit d’être parfaitement informé sur la thérapeutique qui lui est proposée afin de décider en conscience s’il adhère ou refuse le traitement médical.

Les patients confrontés au monde médical se considèrent souvent en position d’infériorité face aux professionnels de la santé. La complexité de la médecine ne leur permet pas de discuter d’égal à égal avec le médecin. Il est vrai que le corps médical fait montre d’un certain complexe de supériorité toujours très vivace qui donne aux patients l’impression de ne pas être compris ou simplement écoutés lorsqu’ils reçoivent des soins.

Le commentaire du code de déontologie médical édité par l’Ordre National des médecins montre que les autorités sont conscientes de ce phénomène : « En France, comme dans d’autres pays occidentaux, le premier reproche adressé aux médecins se résume par la formule : "Il ne m’a rien dit". Cela doit s’entendre souvent comme : "il ne m’a pas dit ce que j’attendais de lui" ou : ’je n’ai pas compris ce qu’il m’a dit". Ce défaut d’information est la cause la plus fréquente des procédures engagées contre un médecin ».

Malgré cette prise de conscience, une tradition tenace positionne l’homme de l’art comme une autorité en la matière qui n’a pas à s’expliquer devant un patient en état d’infériorité « intellectuelle ».

Ainsi, aujourd’hui encore, peu de patients sont conscients de leurs droits et des devoirs du corps médical à leur encontre tant les mauvaises habitudes ont la dent dure.

Pourtant, la législation française accorde une protection toute particulière au patient et lui donne le droit de choisir son traitement, ce choix devant être éclairé par le médecin.

Origine du droit au consentement du patient.

Après les horreurs de la seconde guerre mondiale, le concept philosophique et religieux de dignité humaine a pris une place éminente dans le droit des Nations.

La dignité de la personne humaine constitue le fondement des droits de l’homme. C’est ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies proclame que tous les membres de la famille humaine possèdent une « dignité inhérente » (Préambule) et dispose que « tous les êtres Humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (article 1er).

En raison de son histoire particulière, l’Allemagne a conféré à ce principe une place capitale dans la Loi Fondamentale (Constitution allemande), celle-ci disposant en son article 1er que « 1 - La dignité de l’homme est intangible. Tout pouvoir public est tenu de la respecter et de la protéger ».

On sait en effet que les nazis ont utilisé la médecine à des fins inhumaines.

La dignité est la première qualité de la personne humaine : elle implique que l’être humain soit respecté par le fait même qu’il appartient à l’espèce humaine. La quasi-totalité des conventions internationales consacrées aux droits de l’homme se réfèrent donc à ce concept.

En droit français, la loi Weil de 1975 l’a introduit dans la législation en édictant que : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ».

Or, ainsi que l’indiquait le Doyen Carbonnier, le corps humain est « le substratum de la personne » : ce qui est à la base d’un phénomène, d’une structure. [1].

La protection accordée au corps humain découle donc de sa consubstantialité avec la personne elle-même, indépendamment des conceptions religieuses appréhendant les diverses dimensions de l’Homme (corps, esprit etc).

L’inviolabilité du corps humain le protège contre toutes les atteintes injustifiées que les tiers pourraient prétendre lui faire subir.

Par conséquent, la dignité de la personne humaine, fondement du principe d’inviolabilité du corps, garantit l’intégrité physique et mentale des patients. C’est pourquoi l’acte médical qui, par définition, y porte atteinte, d’une manière plus ou moins grande, doit reposer sur une justification légitime et que le patient doit être à même d’y consentir de manière éclairée.

Fondements juridiques et règles applicables relatives aux consentement du patient.

La loi no 94-653 du 29 juillet 1994 dont les dispositions ont été insérées au code civil, a consacré les principes généraux traditionnels garantissant le respect du corps humain au regard de l’acte médical.

L’article 16 du code civil affirme à titre de préambule, que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». L’article 16-1 consacre « le droit au respect de son corps » et le principe d’inviolabilité du corps.

Directement au cœur de notre sujet, l’article 16-3 du code civil dispose que : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».

La loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », a permis une réflexion essentielle sur la place du malade dans le cadre des soins médicaux.

Ce texte législatif a placé en tête du code de la santé publique un article L.1111-2 exposant dans le détail le droit à l’information du patient : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité,leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110- 10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
(...)
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen
 ».

On retrouve des règles complémentaires dans la partie règlementaire du code de la santé publique. Ainsi, l’article R.4127-35 de ce code repris par l’article du 35 code de déontologie médicale, dispose que : « Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension".

Il y a un lien étroit et évident entre le droit du patient d’être informé clairement et loyalement et celui d’accepter ou refuser un traitement. Une mauvaise information sur les risques réels de la thérapeutique proposée ou sur les alternatives existantes, peut conduire à un consentement qui est vicié à la base.

Le principe est donc, comme le rappelle le commentaire du code de déontologie médicale, qu’ « avant tout acte médical, de soins ou de prévention, le patient doit, sauf urgence ou impossibilité, être informé de son état de santé, du contenu de 1’acte envisagé, de son opportunité, des alternatives thérapeutiques existantes, de leurs avantages et inconvénients, des conséquences du refus de l’acte ».

Il va de soi que si une telle règle était respectée, le médecin devrait connaître à fond les médicaments qu’il prescrit et, en particulier, leurs effets secondaires, ce que la plupart négligent, au moins en partie, soit par ignorance, soit en raison de la confiance aveugle qu’ils accordent aux fabricants ainsi qu’aux autorités de la santé.

De ce fait, les scandales sanitaires ont pu se multiplier ces dernières années : sang contaminé, Médiator, Isoméride (hormone de synthèse), le PIP (prothèses mammaires) etc., la liste ne cesse de s’allonger.

De telles affaires auraient certainement pu être évitées ou leurs effets limités, si les patients étaient suffisamment éduqués sur leurs droits et si le système médical respectait les règles en vigueur.

Comme le souligne à juste titre le commentaire du code de déontologie médicale, information "claire" signifie information "intelligible". Elle doit être simplifiée par rapport à un exposé spécialisé, évitant un langage trop technique et des détails superflus. Le praticien a souvent un rôle pédagogique (docteur vient du verbe latin docere qui signifie enseigner, instruire) qui suppose simplification, répétition, échange. Il peut être difficile de faire comprendre une situation complexe, il peut falloir la simplifier sans travestir la réalité, il faut s’assurer que le patient saisit ce qu’on lui explique, lui laisser poser des questions complémentaires, lui proposer de reformuler ce qu’il a compris.

Pour le moins, cela suppose, d’une part que le médecin soit lui-même parfaitement informé sur les effets de la médication qu’il propose et, d’autre part, qu’il fasse l’effort de rendre l’information intelligible au patient.

Cela devrait largement interpeller le corps médical, ce d’autant plus que la preuve de l’information du malade incombe au médecin et que cette dernière se doit d’être complète, loyale, et constamment actualisée pour permettre au patient de disposer d’un choix libre et conscient.

On rappellera, à cet égard, les dispositions de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. [...] ».

Encore faut-il que les médecins soient au fait des dernières avancées de la science et qu’ils soient à même d’apprécier la teneur véritable de la pharmacopée dans un système où les laboratoires pharmaceutiques sont la principale source d’information (intéressée), y compris pour les autorités sanitaires.

S’agissant du choix dont dispose en théorie le patient, le commentaire du code de déontologie médicale est tout à fait formel : « Tout d’abord le patient peut refuser une décision pourtant ‘logique et comme évidente’. Les raisons de ce refus peuvent tenir à des options personnelles contestables ou à des troubles mentaux. Dans ce cas le médecin devra s’efforcer de convaincre le patient d’accepter les soins, tout en évitant d’exercer sur lui des pressions. D’autres influences, un peu de temps de réflexion sont favorables à une évolution qui amènera le patient à une attitude plus raisonnable. S’il persiste cependant dans son refus et sauf urgence, son choix devra être respecté et la décision qui semblait s’imposer ne sera pas prise ou suivie d’effet ».

De même, la Haute Autorité de la Santé à qui l’article L.1111-2 du code de la santé publique a confié le soin de faire des recommandations au sujet du droit à l’information du patient, a pris la position suivante en 2012 : « Cette information permet notamment à la personne d ’accepter ou de refuser les actes à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique qui lui sont proposés. Pour ce faire, l’information porte sur l’objectif ; la nature et le déroulement des actes et du suivi envisagés ».

Pour regrettable que soit la décision du Conseil d’État refusant au « droit à la santé » le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du code de la justice administrative, la même décision considère « toutefois, (qu’) entrent notamment dans le champ des prévisions de cet article le consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux qui lui sont prodigués ainsi que le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle qui implique en particulier qu’il ne puisse subir de contraintes excédant celles qu’imposent la sauvegarde de l’ordre public ou le respect des droits d’autrui » [2]. Dans cette affaire, un détenu avait sollicité un changement de cellule en raison de son exposition au tabagisme passif.

Dès l’entrée en vigueur de la loi Kouchner, la jurisprudence administrative a eu l’occasion de préciser que l’absence de respect de la volonté d’un patient constitue une atteinte grave et manifestement illégale à ses libertés fondamentales justifiant une intervention immédiate du juge des référés. [3].

Bien que le Conseil d’État considère que le choix du traitement approprié incombe au médecin en vertu d’une analyse combinée des articles L.1111-4 et L.1110-5 du code de la santé publique dont il résulte, selon lui, qu’aucune de « ces dispositions ni aucune autre ne consacrent, au profit du patient, un droit de choisir son traitement », il n’en demeure pas moins que ces mêmes textes consacrent le droit de « recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé sous réserve de son consentement libre et éclairé ». [4].

En conséquence, la liberté du patient qui est à même de donner son consentement réside, avant tout, dans le refus du traitement proposé plutôt que dans la possibilité d’imposer le traitement de son choix au médecin.

Lorsque le patient exerce son droit au refus, le médecin doit, selon son code de déontologie, « s’efforcer de le convaincre en lui apportant à nouveau toutes les précisions nécessaires, en s’assurant qu’elles sont correctement comprises ». De plus, toujours selon le même code, « en cas de refus réitéré du patient, le médecin pourra refuser de continuer la prise en charge, à condition de faire assurer la continuité des soins par un autre médecin, dans les conditions prévues à l’article R. 4127-47 ».

Non seulement le patient « peut solliciter l’avis d’un autre médecin » mais, de plus, le médecin est supposé lui fournir des explications sur les « alternatives » thérapeutiques possibles : « l’alternative, quand elle existe, doit lui être signalée ». [5]

Le médecin doit choisir le traitement approprié « en tenant compte, d’une part, des risques encourus et, d’autre part, du bénéfice escompté » car le patient a le droit de « bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées » [6].

De son côté, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à lui-même, le patient peut s’opposer au traitement proposé et y préférer soit une alternative, soit pas de traitement.

Lorsque ce choix est dicté par des convictions religieuses, le code de déontologie médicale dispose que « le médecin devra respecter la volonté des patients, après les avoir informés des conséquences de leur refus ».

Toutefois, « en cas de risque vital, le médecin se doit d’agir en conscience. Le médecin peut passer outre le refus du consentement lorsque le patient présente un risque vital : phase ultime d’une grève de la faim, conduite suicidaire, … ». [7]

Le juge administratif a validé cette possibilité en cas de pronostic vital en jeu, à condition que l’acte « soit indispensable à la survie du patient et proportionné à son état », non sans que e médecin ait tout tenté pour convaincre le patient d’accepter le traitement, lorsque ce dernier est à même de donner son consentement.

Dans le cas contraire, comme, par exemple, celui de l’inconscience du patient, qu’il y ait urgence vitale ou non, la loi oblige le professionnel de santé à intervenir en réalisant les soins appropriés et indispensables à sa survie [8]. Toutefois, le médecin doit rechercher le consentement de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, d’un proche quand cela est possible [9].

Seule l’urgence ou l’impossibilité constituent des dérogations au principe de la consultation de l’entourage [10], dès lors que l’article L. 1111-4 du CSP « impose à tout professionnel de santé d’agir dans les plus brefs délais et le dispense d’obtenir le consentement des représentants légaux. »

Conclusion.

Si le droit à la santé n’est pas considéré par le Conseil d’État comme une liberté fondamentale, celui de donner son consentement éclairé à un traitement relève d’une telle catégorie, au nom du respect des libertés individuelles et du droit à la dignité de la personne humaine dont découle le principe de l’inviolabilité du corps humain.

Les patients, mal informés, et confrontés à un monde médical quelque peu déshumanisé et réfractaire à la discussion, se voient souvent imposer des soins auxquels ils ne sont pas en mesure de d’opposer un refus en toute connaissance de cause.

Pourtant, la loi française oblige clairement les professionnels de la santé à informer les patients de la nature du traitement proposé, de ses risques et des alternatives thérapeutiques possibles, afin de leur permettre de prendre une décision libre et éclairée.

A de rares hypothèses près, le patient a le droit de refuser le traitement proposé, même s’il ne peut imposer au médecin son propre choix thérapeutique.

Libre à lui, dans ce cas, de choisir un autre professionnel et de tenter d’obtenir un accord mutuel sur la meilleure thérapeutique possible.

François Jacquot Avocat à Paris

[1Carbonnier, Droit civil, t. 1, Les personnes, 21e éd., 2000, PUF, no 48

[2CE, ord, 8 septembre 2005, n°284803

[3Tribunal administratif de Lille 25 août 2002 – D. 2002. 2581 : cas du refus de transfusion sanguine par un Témoin de Jéhovah

[4CE, 26 juillet 2017, n° 412618

[5Art.35, code de déontologie

[6Art. L. 1110-5 code de la santé publique

[7Art.35 code de déontologie

[8Art. 9, code de déontologie médicale et art. R.4127-9 du code de la santé publique

[9Art. L1111-4 code de la santé publique

[10Conseil National de l’ordre des médecins : « Du droit au consentement au refus de soins » 31/01/2004

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