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Défaut d’entretien des parties communes : partage de responsabilité entre le Syndic et le Syndicat des copropriétaires. Par Serge Pelletier, Avocat et Hélène Gilliot, Avocate.
Parution : samedi 8 septembre 2018
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Dans un arrêt du 21 décembre 2017, au visa de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, la Cour de Cassation a retenu un partage de responsabilité entre le Syndicat des copropriétaires et le Syndic dans la survenance de l’effondrement du plancher haut d’un appartement, consécutif à des infiltrations persistantes.

Un partage de responsabilité entre le Syndicat des copropriétaires et le Syndic.

Elle a ainsi considéré que le Syndic avait manqué à ses obligations d’information et de conseil en ne communiquant pas aux copropriétaires le rapport d’architecte préconisant la réfection complète de l’étanchéité et en ne mettant pas à l’ordre du jour des assemblées générales de copropriétaires des résolutions aux fins de voter des travaux d’ampleur mais en se contentant de multiplier les réparations ponctuelles.

Dès lors, la Cour de cassation a considéré que c’est à bon droit que la Cour d’appel de Paris a condamné le Syndic à rembourser au Syndicat des copropriétaires la somme de 280 000 euros correspondant à 40 % du montant des travaux réparatoires exposés par ce dernier.

Un rappel de l’obligation principale du Syndic de conservation et sauvegarde de l’immeuble.

Cet arrêt est important pour les gestionnaires puisque la Cour de Cassation rappelle que l’une des missions principales du Syndic est la conservation et la sauvegarde de l’immeuble et qu’en ce sens, il a l’obligation non seulement de fournir aux copropriétaires une information complète sur l’origine des désordres mais encore de mettre à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires les travaux utiles permettant de mettre fin définitivement aux désordres.

A défaut, en cas de survenance d’un sinistre, le Syndicat des copropriétaires peut valablement l’assigner aux fins d’obtenir le remboursement de tout ou partie du coût des travaux réparatoires.

La responsabilité du Syndic en cas de manquement à son obligation de diligence.

La Cour de Cassation se place ainsi dans la droite ligne d’une jurisprudence constante qui tend à retenir un partage de responsabilité entre le Syndicat des copropriétaires et le Syndic lorsque ce dernier a manqué à son obligation de diligence c’est à dire en ne prenant pas les mesure nécessaires pour mettre un terme définitif aux désordres, étant précisé qu’habituellement, les tribunaux retiennent plutôt une responsabilité in solidum [1].
Il faut toutefois préciser que la jurisprudence a, dans certains cas, retenu l’entière responsabilité du Syndic qui doit alors intégralement garantir le Syndicat des copropriétaires s’il omet de déclarer le sinistre à l’assureur de l’immeuble entraînant ainsi un défaut de garantie de l’assurance [2].

Des précautions à prendre par le Syndic afin de se prémunir des effets d’une action à son encontre.

Au regard de ce qui précède, en cas de survenance d’un sinistre, afin de se prémunir des effets d’une action à son encontre, le Syndic doit :
- immédiatement le déclarer à l’assureur de l’immeuble ;
- faire diligence afin de déterminer (i) l’origine des désordres et (ii) la nature et la teneur des travaux à réaliser pour y mettre fin définitivement, en faisant intervenir l’architecte de l’immeuble et, si besoin, dans le cadre d’une expertise amiable ou judiciaire ;
- transmettre aux copropriétaires - par le biais du Conseil syndical ou dans le cadre de la convocation à l’assemblée générale – l’intégralité des documents techniques relatifs aux désordres (rapport d’architecte, notes aux parties de l’expert, rapport d’expertise etc..) ;
- mettre à l’ordre du jour de l’assemblée générale les résolutions permettant aux copropriétaires de voter les travaux utiles, en ayant, au préalable, pris le soin de mettre en concurrence les entreprises pressenties afin de proposer aux copropriétaires différents devis.

A ce sujet, il faut préciser que, si les constats réalisés concluent à l’urgence des travaux, conformément à l’article 18 précité, en vertu de son pouvoir d’initiative, le Syndic doit faire réaliser les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, étant précisé qu’en cas de carence, il peut engager sa responsabilité à l’égard du Syndicat des copropriétaires.

Dans ce cadre, à titre préventif, il est préconisé au Syndic de recueillir un document écrit (rapport d’architecte ou note(s) aux parties de l’expert) confirmant l’urgence à faire réaliser rapidement les travaux aux fins de préservation et de conservation de l’immeuble et de ses occupants.
Cour de cassation, 3ème civ, 21 décembre 2017, n°16-25753 : Jurisdata n°2017-026652.

Serge Pelletier, avocat associé, et Hélène Gilliot, avocate, Rescue société d'avocats http://www.rescue.law

[1Civ, 3ème, 17 juin 2014, n°12-2487 ; Civ 3ème, 11 mai 2010, n°09-14340.

[2Cour d’appel de PARIS, pôle 4, chambre 2, 5 décembre 2012, n°08/22751.