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La responsabilité des associations sportives après un match. Par Manon Vialle, Juriste.
Parution : mercredi 19 septembre 2018
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L’auteur George Orwell affirme que "Pratiqué avec sérieux, le sport n’a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d’autres mots, c’est la guerre, les fusils en moins".

Cette citation semble trouver un petit écho dans le cas exposé : l’agression volontaire d’un arbitre par un joueur de football après un match.
Dans un arrêt du 5 juillet 2018 [1], la Cour de cassation a cassé le jugement rendu par la Cour d’appel dans une affaire de violences physiques commises sur un arbitre. Cet arrêt confirme la responsabilité civile délictuelle des associations sportives du fait de leurs membres.

Voici les faits : à la suite d’un match organisé par une association de football, un joueur a agressé l’arbitre physiquement.
Il convient de préciser que ce joueur avait été expulsé par l’arbitre pendant le match et a souhaité en découdre à la fin de la rencontre.
Le joueur a été reconnu coupable de « violences volontaires commises sur une personne chargée d’une mission de service public » [2] par le tribunal correctionnel.
Dans ce cas, quand une personne bénéficie de dommages et intérêts, c’est le FGTI (Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorismes et d’autres infractions, l’article L. 422-1 du code des assurances) qui peut l’indemniser.
Le FGTI prend en charge des victimes d’infractions de droit commun depuis 1990. Depuis 2008, le FGTI intervient par le biais du Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions.
Pour information, le FGTI a versé 403,5 millions d’euros d’indemnisations aux victimes d’actes de terrorisme et d’infractions pour l’année 2017 [3].

Le FGTI a décidé d’assigner l’association sportive organisant le match en remboursement des sommes versées. Cela est fort logique.
Dans un premier temps, la juridiction de première instance a donné raison au FGTI. L’association a fait appel de la décision rendue en premier ressort. La Cour d’appel a remis en cause le jugement et débouté le Fonds de garantie.
Le raisonnement de la Cour d’appel consistait à dire que les agissements du joueur à l’issue du match étaient distincts du non-respect des règles du jeu pendant la rencontre. Le joueur, auteur de l’agression envers l’arbitre, n’a pas respecté les règles du jeu pendant la rencontre sportive, ce qui lui a valu une expulsion. L’expulsion est donc la sanction au manquement aux règles sportives. L’agression commise postérieurement au match n’a pas de lien causal direct avec l’attitude du joueur lors de la rencontre de football, pour la Cour d’appel.
Le Fonds de garantie a formé un pourvoi. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au motif que « l’agression d’un arbitre commise dans une enceinte sportive par un joueur constitue, même lorsqu’elle se produit à l’issue de la rencontre, dont ce dernier a été exclu, une infraction aux règles du jeu, en lien avec l’activité sportive » [4].
La Haute juridiction estime que les deux fautes (manquement aux règles du jeu et agression physique), même si elles n’ont pas eu lieu en même temps (l’une pendant et l’autre après le match), sont liées car l’agression découle directement de l’expulsion due à une faute de jeu. Elle considère que le FGTI peut demander le remboursement des sommes allouées à l’arbitre victime au titre de la réparation de son préjudice, à l’association sportive, en invoquant l’article 1242 al 1er du code civil [5].
L’association sportive est responsable de ses joueurs. Dans un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2007 [6], il est affirmé que les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger, de contrôler l’activité de leurs membres sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion, dès lors qu’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs membres. Elle est le commettant et les joueurs sont les préposés.
Par conséquent, le FTGI peut engager la responsabilité civile délictuelle de l’association.

Manon VIALLE, Avocat

[1Arrêt Civ. 2ème, 5 juillet 2018, n° 17-19.957.

[4Arrêt Civ. 2ème, 5 juillet 2018, n° 17-19.957.

[5Article 1242 al 1er code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

[6Arrêt Cass, ass.plén., 29 juin 2007, JP de l’article 1242 du Code civil.