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Arnaque au photovoltaïque : la faute de la banque Solféa définitivement reconnue. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : jeudi 27 septembre 2018
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Par un arrêt du 12 septembre 2018 (n°17-11.257), la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en matière de crédits accordés pour la vente d’installation photovoltaïque, notamment à l’encontre de banque Solféa.

Bref résumé des faits.

Le 20 août 2012, un couple d’acquéreur conclut avec la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (alias Groupe solaire de France désormais en liquidation judiciaire) un contrat portant sur la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques pour la somme de 18.800€.

Le commercial a promis au couple que leur acquisition serait autofinancée grâce à la revente d’énergie à EDF. En clair, l’opération devait être blanche !

C’est pourquoi le couple a souscrit un crédit auprès de la banque Solféa (dont les parts ont été cédées à Cetelem).

Le couple s’apercevant tardivement avoir été escroqué, assigne le vendeur et le prêteur devant le Tribunal pour obtenir l’annulation de la vente et du crédit, et être exonéré de rembourser le crédit.

Ils obtiennent l’annulation de la vente et du crédit, mais sont tout de même condamnés par la Cour d’appel de Caen à devoir rembourser le crédit à la banque, au motif que cette dernière n’a commis aucune faute !

Motivation de la Cour d’appel de Caen.

Pour condamner les emprunteurs à rembourser le crédit, la Cour d’appel de Caen a refusé de considérer que la banque Solféa avait commis une faute lorsqu’elle a réglé le vendeur.

Selon les juges d’appel, la banque a libéré les fonds au vu d’une attestation de fin de travaux signée par l’époux, et ce malgré le fait que cette attestation ait indiqué qu’elle couvrait pas les autorisations administratives conventionnellement prévues, au motif qu’il s’agissait de prestations accessoires à l’obligation principale consistant à livrer et à poser les panneaux photovoltaïques !

Les acquéreurs, insatisfaits, se pourvoient en cassation et obtiennent gain de cause !

Décision de la Cour de cassation.

La Cour de cassation infirme l’arrêt de la Cour d’appel de Caen en des termes cinglants :

Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’exécution complète du contrat de vente, laquelle déterminait la libération non fautive du capital emprunté, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Explication sur la motivation de la Cour de cassation.

En cas d’achat à crédit, lorsque le vendeur est réglé, l’emprunteur devient aussitôt débiteur du crédit et doit commencer à le rembourser, soit immédiatement, soit après un délai de report de 6 à 12 mois en général.

Mais avant de régler le vendeur, il incombe au prêteur de s’assurer que l’exécution du contrat de vente est complète et parfaite.

A défaut, le prêteur ne peut réclamer le remboursement du crédit, comme l’indique la Cour de cassation depuis ces dernières années :
- Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n°12-13.022 ;
- Civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-16.257.

On ne peut être plus clair : le prêteur ne peut payer le vendeur avant qu’il n’ait terminé ses devoirs.

Pour s’assurer d’une exécution complète par le vendeur de ses devoirs, le prêteur demandera à ce qu’on lui remette un ordre de déblocage du crédit, rédigé par ses soins et censé indiquer que le vendeur a exécuté tous ses devoirs.

Cependant, les ordres de financement sont souvent mal rédigés ou rédigés dans des termes défavorables aux emprunteurs.

Tel est le cas de l’attestation de fin de travaux de la banque Solféa. Cette dernière dispose que :

J’atteste que les travaux, objets du financement visés ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles) sont terminés et sont conformes au devis.

Or, lorsque le contrat de vente stipule que le vendeur s’engage à exécuter les démarches administratives et à faire raccorder l’installation photovoltaïque au réseau.... il y a une contradiction avec l’attestation de fin de travaux de banque Solféa.

Malgré cette contradiction, certains juges d’appel ont validé cette attestation, tandis que d’autres, à l’inverse, l’ont contesté, allant jusqu’à évoquer la “complicité objective entre le prêteur [banque Solféa dans cette affaire] et l’entreprise, au détriment des consommateurs” (CA LYON, 06 juillet 2017, RG n°15/09899).

La Cour de cassation ne valide pas l’attestation de fin de travaux et considère au contraire qu’est insuffisante pour permettre de se convaincre que le vendeur a exécuté intégralement ses devoirs.

C’est la 2e fois que la Cour de cassation statue à l’encontre de la banque Solféa (Civ. 1ère, 06 juin 2018, n°17-17.199)

En somme, une banque ne peut pas reprocher à l’emprunteur de signer une demande de déblocage de crédit, si cette demande ne permet pas de se convaincre de l’exécution complète et parfaite du contrat principal.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]
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