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Nouvelle étape pour la proposition de Directive Européenne sur le droit d’auteur. Par Christian Texier, CPI.
Parution : vendredi 5 octobre 2018
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Le 12 septembre 2018, le Parlement Européen a adopté une résolution approuvant un texte de proposition de directive qui doit maintenant être soumis au Conseil et à la Commission.

Le 12 septembre 2018 le Parlement européen a validé un texte de Proposition de Directive sur le droit d’auteur à une large majorité (438 voix pour, 226 voix contre) [1].

Rappel du contexte.

La proposition de Directive Européenne relative au droit d’auteur, initiée par la Commission Européenne en 2016, a donné lieu à de nombreux débats et a été repoussée par le Parlement européen le 5 juillet 2018.

Son objectif est de mieux adapter les textes en vigueur applicables au droit d’auteur, à la réalité numérique, notamment en recherchant un meilleur équilibre entre d’une part les intérêts des auteurs et autres titulaires de droits, particulièrement en termes de rémunération, et d’autre part ceux des utilisateurs aspirant à un accès libre et gratuit.

Deux articles de la proposition de Directive soulevaient particulièrement des débats :
- l’article 11 vise la mise en place d’un « droit voisin » en faveur des éditeurs de presse pour justifier une compensation attribuée pour l’utilisation de leurs publications en ligne et
- l’article 13 vise à contraindre les grands acteurs du net à négocier des accords avec les titulaires de droits, par exemple en proposant de mettre en place un filtrage automatisé pour assurer que des contenus protégés par le droit d’auteur ne soient pas diffusés de manière illégale sur des plateformes.

Le texte validé le 12 septembre 2018 par le parlement européen.

Un nouvel article 11.

Le Parlement européen a validé l’article 11 en lui apportant quatre amendements :
1. L’article 11 adopté exprime expressément que la reconnaissance des droits des éditeurs de publications vise à leur permettre de « bénéficier d’une rémunération juste et proportionnée » pour l’utilisation numérique de leurs publications de presse « par des prestataires de services de la société de l’information ».
2. Les droits visés expirent cinq ans après la publication de presse, calculés à partir du 1er janvier de l’année civile suivant la publication (et non pas 20 ans comme proposé initialement).
3. Le texte adopté de l’article 11 prévoit expressément une exception : Les droits visés ne s’appliquent pas aux simples hyperliens accompagnés de mots isolés.
4. Les États membres doivent également veiller à ce que les auteurs reçoivent une part appropriée des recettes supplémentaires que les éditeurs de presse perçoivent des prestataires de services de la société de l’information pour l’utilisation d’une publication de presse.

Un nouvel article 13.

Le Parlement européen a par ailleurs amendé l’article 13, dans un esprit de compromis, en assouplissant les obligations des plateformes prestataires de services assurant l’interface entre les titulaires de droits et les utilisateurs.

1. Le texte de l’article 13 adopté par le Parlement européen a notamment supprimé l’obligation de mise en place de mécanismes de filtrage automatique des contenus postés.

La version soumise au Parlement européen prévoyait en effet que « les prestataires de services de la société de l’information qui stockent un grand nombre d’œuvres ou d’autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs et qui donnent accès à ces œuvres et autres objets doivent prendre, en coopération avec les titulaires de droits, des mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits en ce qui concerne l’utilisation de leurs œuvres ou autres objets protégés. »

Le texte soumis au Parlement prévoyait même que ces mesures pouvaient être « destinées à empêcher la mise à disposition, par leurs services, d’œuvres ou d’autres objets protégés identifiés par les titulaires de droits en coopération avec les prestataires de services » .

Le texte adopté par le Parlement européen le 12 septembre se contente de prévoir que « les prestataires de services de partage de contenus en ligne procèdent à un acte de communication au public. Dès lors, ils concluent des contrats de licence justes et appropriés avec les titulaires de droits. »

Le texte adopté précise que « les contrats de licence conclus par les prestataires de services de partage de contenus en ligne avec les titulaires de droits pour les actes de communication couvrent la responsabilité des œuvres chargées par les utilisateurs de ces services de partage de contenus en ligne aux conditions fixées dans le contrat de licence à condition que ces utilisateurs n’agissent pas dans un but commercial. »

Le texte adopté précise également que « les États membres prévoient que, dans les cas où les titulaires de droits ne souhaitent pas conclure de contrats de licence, les prestataires de services de partage de contenus en ligne et les titulaires de droits coopèrent de bonne foi pour faire en sorte que les œuvres et les autres objets protégés non autorisés ne soient pas disponibles via les services des prestataires. Cette coopération entre les prestataires de services de contenus en ligne et les titulaires de droits n’empêche pas la mise à disposition d’œuvres ou autres objets protégés qui ne portent pas atteinte au droit d’auteur, y compris ceux qui relèvent d’une limitation ou d’une exception au droit d’auteur. »

2. Le texte de l’article 13 adopté par le Parlement européen se veut souple et maintient un encouragement au dialogue.

Il prévoit que « la Commission et les États membres organisent des dialogues entre parties intéressées pour harmoniser et définir les bonnes pratiques et formuler des orientations pour assurer le fonctionnement des contrats de licence ainsi que des orientations relatives à la coopération entre les prestataires de services de partage de contenus en ligne et les titulaires de droits concernant l’utilisation des œuvres ou autres objets protégés. »

Le Parlement entend protéger particulièrement les PME puisqu’il prévoit que « lors de la définition des bonnes pratiques, il est tenu compte, tout particulièrement, des droits fondamentaux et du recours aux exceptions et limitations, et il est fait en sorte que la charge pour les PME demeure acceptable. »

Le texte adopté précise d’ailleurs expressément que la définition des bonnes pratiques doit veiller à ce que « le blocage automatique de contenu soit évité. »

Et maintenant que va devenir cette proposition de directive ?

Le feuilleton n’est pas terminé.

Le texte de Directive validé par le Parlement européen le 12 septembre 2018 n’est en effet pas définitivement adopté. Il doit maintenant être soumis aux négociations interinstitutionnelles dans le cadre du processus de « triangle institutionnel » qui doit conduire à une codécision impliquant la Commission Européenne, le Conseil de l’Union Européenne et le Parlement Européen.

Un texte qui doit résulter de négociations entre la Commission Européenne et le Conseil de l’Union Européenne devrait être soumis au Parlement Européen au printemps 2019.

Le sujet n’est donc pas encore clos. Il est possible que les articles 11 et 13 précités qui ont déjà fait débat, soient encore amendés.

Christian TEXIER Associée/Partner Conseil en Propriété Intellectuelle Mandataire en Brevets Européens REGIMBEAU www.regimbeau.eu texier@regimbeau.eu

[1Le texte adopté par le Parlement européen le 12 septembre 2018 est accessible ici