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Les travailleurs « uberisés » privés de charte. Par Jean-Christophe Ienné et Claudia Weber, Avocats.
Parution : vendredi 5 octobre 2018
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Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi relative à l’avenir professionnel définissant le contenu de la charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique.

La loi travail du 08 août 2016 a créé un embryon de statut des travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique.

Ce statut avait pour objet de donner aux travailleurs indépendants qui recourent à des plates-formes électroniques pour obtenir des missions courtes et répétées, comme des livraisons de repas, le transport de passagers (Deliveroo, Uber…) un certain nombre de droits familiers des salariés.

Il s’inscrivait dans le cadre des relations parfois houleuses pouvant exister entre ces plates-formes et ces travailleurs indépendants (manifestations répondant à des baisses unilatérales des tarifs, demandes de requalification de la relation en relation de travail…) et entre ces plates-formes et les organismes sociaux tels que les URSSAF (redressements de cotisations sociales).

Cette loi a créé un titre IV (articles L7341-1 et suivants) au livre III de la septième partie du code du travail, partie qui constitue une sorte de terra incognita du droit du travail.

Il a pour objet d’accorder aux travailleurs indépendants « recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts » un certain nombre de droits.

Ces travailleurs indépendants se sont vu reconnaitre certains droits habituellement réservés aux personnes bénéficiant d’un contrat de travail comme :
- l’accès à la formation ;
- l’accès à une assurance accident du travail ;
- la validation des acquis de l’expérience ;
- la liberté syndicale et le droit de cesser de manière concertée de fournir des prestations de services.

La loi relative à l’avenir professionnel votée le 1er août 2018 est venue compléter ce statut en ajoutant à l’article L7341-1 du code du travail plusieurs alinéas précisant que ces plateformes peuvent établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de leur responsabilité sociale, définissant leurs droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elles sont en relation.

Le texte précisait qu’une telle charte ne peut « caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs », précision un peu étrange pour un texte inséré dans le code du travail.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, issues d’un amendement introduit en première lecture, dans sa décision 2018 – 769 DC rendue le 4 septembre 2018 [1]

Cette censure n’est pas motivée par des raisons de fond mais par le fait que la disposition en cause résulte d’un cavalier législatif, sans lien « même indirect, avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi ».

Ce n’est donc que partie remise.

Jean-Christophe Ienné, Avocat directeur du Pôle Propriété Intellectuelle, Média & Audiovisuel, & Claudia Weber, Avocat fondateur ITLAW Avocats - www.itlaw.fr