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Réforme de la justice : le Sénat veut faire entendre sa voix.
Parution : jeudi 11 octobre 2018
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Texte contesté par les différents syndicats des professionnels du droit (magistrats, greffiers et avocats) qui dénoncent sa conception productiviste, le projet de réforme et de programmation de la Justice passe son premier examen démocratique sur les bancs du Palais du Luxembourg. Au regard des recommandations de la Commission des lois, la partie ne semble pas gagnée !

Difficile. L’examen des articles du projet de loi de programmation et de réforme de la justice, qui a commencé le 9 octobre 2018, s’annonce compliqué à la Chambre haute.
En effet, le rapport présenté lors d’une conférence de presse par la Commission des lois au Sénat le 3 octobre 2018, laisse transparaître des désaccords importants avec le texte rendu public en avril par la Chancellerie.

Une réforme « inaboutie ».

Premier sujet de discorde entre l’exécutif et la commission sénatoriale, l’aspect budgétaire. Alors que la commission préconise une hausse des crédits de 5% en moyenne sur la période 2018-2022, l’augmentation prévue par le gouvernement pour l’année 2019 se situe en dessous de 4%, au grand désarroi de Philippe Bas, président de la commission, qui considère que « le redressement de la justice exige un renforcement des crédits et des emplois du ministère plus substantiel que celui proposé par le Gouvernement ».

Une justice saturée.

Le sénateur estime que la justice est saturée et qu’il y a des réelles interrogations sur son efficacité. Pour appuyer ses propos, il se fonde sur une étude réalisée sur l’année 2017 par la commission qu’il préside, à propos du délai moyen de traitement des procédures civiles et pénales par les juridictions françaises.
Celle-ci conclut que les parties doivent attendre en moyenne 14,7 mois pour qu’une affaire civile soit traitée par une cour d’appel, 17,3 mois pour un procès aux prudhommes et 40,6 mois pour qu’un crime soit jugé en première instance.

Cette paralysie, la commission l’impute aux manques et à la baisse d’effectifs dans le corps des magistrats. En effet, leur nombre s’établit en 2018 à 8.537 magistrats, en baisse par rapport à l’année 2011 où ils étaient 8.560. Aussi, les tribunaux comptent au 1er septembre 2018 près de 250 postes vacants de magistrats et 484 postes de greffiers vacants.

Ce constat nécessite une augmentation des effectifs du corps judiciaire selon la commission, qui appelle à la création de 13.700 emplois d’ici 2022, là où le gouvernement « ne prévoit que » le recrutement de 6.500 fonctionnaires.

A ce titre, le sénateur et membre de la commission des lois François-Noël Buffet, dénonce l’absence de réelle vision pour la justice dans le projet de réforme. « Nous avons l’impression que les fins de ce texte sont plus économiques, le projet est dénué de réelle vision de la justice » affirme-t-il.

Garantie des libertés individuelles.

La commission des lois au Sénat souligne qu’elle veille à ce que « l’accroissement mentionné dans le projet de loi des prérogatives du parquet, sous le contrôle souvent trop formel du juge, ainsi que la simplification de la procédure pénale, ne portent pas une atteinte excessive aux libertés ».

Maintien des prérogatives du juge d’instruction.

Dans ce sens, la commission préconise fortement de maintenir la présence de l’avocat pendant les perquisitions, d’obtenir l’accord de la personne mise en cause pour la visioconférence lorsque le juge statue sur la détention provisoire.

Par ailleurs, ses membres souhaitent limiter l’extension de l’utilisation de nouvelles techniques intrusives dans la vie privée (intercepteur IMSI, sonorisation...) et supprimer la procédure de comparution à effet différé, notamment en raison des risques d’augmentation de la détention provisoire.

En outre, les sénateurs insistent particulièrement sur le danger de marginaliser le juge d’instruction à travers une baisse des attributions qui lui sont accordés.

Pour François-Noël Buffet, ces recommandations sont motivées par l’exigence de séparation du pouvoir au cœur de l’institution judiciaire. « Dans sa version actuelle, le projet attribue beaucoup de prérogatives au procureur, or, il faut un contre-pouvoir efficace, nous sommes un État de droit  ».

Nessim Ben Gharbia Rédaction du Village de la Justice