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Achat de véhicules d’occasion, contrôles techniques de complaisance : stop aux arnaques ! Par Béatrice Cohen, Avocat.
Parution : jeudi 18 octobre 2018
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Le nombre de contentieux relatifs à la vente de véhicules d’occasion ne cesse d’augmenter, mettant la lumière sur les pratiques peu scrupuleuses de certains centres de contrôle technique qui n’hésitent pas à passer sous silence dans leur expertise des défauts présents sur la voiture avant la vente de celle-ci.
L’objet de cet article est de déterminer comment lutter efficacement contre les contrôles techniques de complaisance et protéger les consommateurs.

Si les particuliers peuvent se protéger en amont, en effectuant une contre visite avant l’achat, très souvent ils ne se rendent compte de la supercherie que lors d’une panne ou plus grave, d’un accident.

L’acheteur dupé peut engager des poursuites, tant sur le plan pénal que civil, contre ces vendeurs peu scrupuleux.

L’acheteur malheureux peut ainsi se prévaloir de la garantie des vices cachés vis-à-vis du vendeur (I) et décider d’engager également la responsabilité du centre de contrôle technique (II).

I. La mise en œuvre de la garantie des vices cachés vis-à-vis du vendeur.

Il est possible pour l’acheteur lésé qui souhaite agir contre un vendeur malhonnête de se prévaloir de la garantie des vices cachés à l’égard de ce dernier.

Plusieurs conditions doivent être respectées pour que cette garantie puisse être invoquée (1.1). Il est également nécessaire de vérifier la qualité des parties au contrat qui ont la possibilité d’aménager conventionnellement cette garantie (1.2).

1.1 Les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés.

L’article 1641 du Code civil régit la garantie des vices cachés et impose à l’acheteur de rapporter la preuve de quatre conditions cumulatives. Il dispose en effet que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Le vice doit tout d’abord être inhérent à la chose, c’est-à-dire présenter une dysfonctionnement intrinsèque. Tel n’est pas le cas de troubles résultant de l’usure normale de la chose ou d’une mauvaise utilisation de celle-ci. Ainsi, un automobiliste ne saurait revendiquer la garantie des vices cachés en raison de vices qui ne résulteraient que de l’utilisation du véhicule.

Le vice doit également présenter une certaine gravité, qui rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquise ou en aurait offert qu’un moindre prix s’il l’avait connu.

La jurisprudence opère un contrôle strict du défaut de nature à affecter gravement l’usage de la chose qui est le seul à pouvoir justifier la mise en jeu de la garantie et exclut les défauts temporaires ou ceux réparés par le vendeur avant la mise en jeu de la garantie et ne rendent ainsi plus la chose impropre à son usage. Cette notion de gravité du défaut est appréciée souverainement par les juges au regard de la destination normale de la chose.

Ensuite, le vice doit être caché et non apparent, c’est-à-dire que l’acquéreur ne pouvait s’en douter et n’en avait pas connaissance lors de la vente. En l’espèce, ce sont généralement des défauts dont les acheteurs s’aperçoivent après avoir utilisé le véhicule d’occasion quelque temps et non simplement « testé » la voiture avant de l’acheter. Le caractère occulte ou apparent est apprécié par les juges du fond en fonction de la qualité de l’acquéreur. Un défaut sera plus aisément reconnu comme caché aux yeux d’un acquéreur profane, ce qui joue en faveur des particuliers.

Enfin, le vice doit être antérieur au jour de la vente. Il faut retenir ici la date de naissance du vice pour mettre en jeu la garantie, bien que sa date d’apparition soit ultérieure. C’est ce qui se passe généralement en pratique dans le cas des ventes frauduleuses de véhicules d’occasion, le vice étant révélé après la vente lorsque l’utilisateur se sert du véhicule.

S’agissant du délai pour agir, l’article 1648 du Code civil impose à l’acquéreur d’intenter une action dans les deux ans de la découverte du vice. Le point de départ n’est donc pas la date du contrat de vente mais bien la date de la découverte du vice. Ce point de départ peut donc notamment commencer au jour de la notification d’un rapport d’expertise qui établit les défauts sur le véhicules.

L’article 1644 du Code civil ouvre un choix à l’acquéreur qui agit sur le fondement de la garantie des vices cachés qui peut soit rendre la chose et se faire restituer le prix, ce qui correspond à l’action rédhibitoire qui entrainera résolution de la vente, soit décider d’exercer une action estimatoire, c’est à dire garder la chose et se faire rembourser une partie du prix.

1.2 Un aménagement conventionnel limitant la garantie des vices cachés.

La garantie légale des vices cachés n’est pas d’ordre public. L’article 1643 du Code civil dispose à cet égard que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. »

Les parties sont donc en droit d’aménager la garantie des vices cachés en incluant au sein du contrat une clause limitative de responsabilité, plafonnant le montant de la garantie ou des vices couverts. Les parties peuvent également supprimer cette garantie par le biais d’une clause d’éviction ou en aménager les modalités de mise en œuvre, en prévoyant notamment des sanctions spécifiques en cas d’apparition d’un vice, ou des délais d’action différents de ceux du droit commun.

Toutefois, en vertu d’une jurisprudence constante, seul le vendeur de bonne foi qui n’avait pas connaissance du vice peut se prévaloir d’une telle clause d’éviction. Le vendeur de mauvaise foi ne peut en revanche être protégé.

La jurisprudence est venue préciser que la clause qui aménage, limite ou supprime la garantie des vices cachés était sans valeur lorsqu’elle était stipulée par un vendeur professionnel, sur qui pèse toujours une présomption irréfragable de mauvaise foi.

La Cour de cassation a d’ailleurs, dans un arrêt en date du 27 octobre 2016, réaffirmé ce principe, précisant que le vendeur professionnel est toujours présumé connaître irréfragablement l’existence du vice. Face à une clause limitant ou excluant la garantie des vices cachés, l’enjeu est donc de qualifier le vendeur de vendeur professionnel ou non.

Cette règle recouvre un large spectre et s’applique non seulement au vendeur professionnel, qui peut être un fabricant ou un revendeur intermédiaire, mais également aux vendeurs particuliers assimilés à des professionnels. La Cour de cassation a ainsi pu affirmer, dans un arrêt du 30 septembre 2008, qu’un directeur d’agence bancaire qui effectuait des ventes récurrentes de véhicules d’occasion était assimilé à un vendeur professionnel, sur lequel pèse la présomption de mauvaise foi.

Ce principe s’applique également aux ventes entre professionnels, à condition qu’ils ne soient pas de la même spécialité. La clause d’éviction de la garantie des vices cachés ne s’applique donc qu’à un acquéreur qui exerce dans la même branche que le vendeur, ayant alors les moyens d’apprécier si la chose achetée présente des vices (par exemple entre garagistes ou professionnels de l’automobile).

C’est ce qu’est venue rappeler la Cour de cassation, dans un arrêt récent en date du 29 juin 2017, affirmant que le vendeur professionnel qui connaissait les vices cachés avant la vente était de mauvaise foi et que l’acquéreur professionnel pouvait donc obtenir la neutralisation de la clause d’éviction des vices cachés.

Un particulier est donc toujours en droit d’agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, face à un vendeur professionnel ou ayant une connaissance aiguisée en matière d’automobile, peu importe que son contrat contienne une clause aménageant, limitant ou excluant la garantie des vices cachés.

Les particuliers peuvent en outre, lorsqu’ils acquièrent leur véhicule auprès d’un vendeur professionnel, s’appuyer sur le Droit de la consommation et notamment l’article L212-1 du Code la consommation qui répute non écrites les clauses abusives insérées dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Ils peuvent aussi à titre subsidaire invoquer le déséquilibre significatif du contrat d’adhésion prévu à l’article 1171 du Code civil.

Les acquéreurs de véhicules d’occasion dont le contrôle technique était un contrôle de complaisance peuvent également rechercher la responsabilité pénale et civile du centre de contrôle technique.

II. L’engagement de la responsabilité du centre de contrôle technique.

La responsabilité des centres de contrôle technique peut être engagée sur le fondement du faux (2.1) ou du délit de risque causé à autrui (2.2).

2.1 Le faux procès-verbal de contrôle du véhicule.

Les contentieux sont plus ou moins similaires dans toutes les affaires, un contrôle technique ayant validé le véhicule d’occasion, l’acheteur se sent à juste titre en confiance et effectue la transaction sans hésiter. Or, peu de temps après l’acquisition du véhicule, ce dernier constate un dysfonctionnement majeur qui l’empêche d’utiliser un bien qu’il vient tout juste d’acquérir, mais qui peut également être dangereux, voire à l’origine d’un accident.
Un nouveau contrôle technique permet alors de réveler les anomalies qui n’avaient pas pu être ignorées par le centre de contrôle technique ayant effectué la première expertise.

La pratique des contrôles techniques de complaisance entre les concessionnaires de voitures d’occasion et les centre de contrôles techniques n’est pas nouvelle et est malheureusement assez répandue. Pourtant la production de certificats frauduleux est un délit. Les centres de contrôle technique ont en effet un mandat de service public pour rédiger le procès-verbal suite à l’analyse du véhicule. Si ce document tait volontairement des défauts de sécurité c’est un faux, qui peut engager la responsabilité civile et pénale du contrôleur.

L’article 441-1 du Code pénal définit le faux comme une « altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accomplie par tout moyen, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. »

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a notamment pu déclarer, dans un arrêt en date du 1er avril 2008, un prévenu coupable de tromperies et de faux commis à l’occasion de contrôles techniques automobiles et a été, en application de l’article 131-6 11° du Code pénal, condamné à une peine de cinq ans d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale.

2.2 Le risque causé à autrui.

A titre subsidiaire, les victimes des contrôles techniques de complaisance peuvent invoquer le délit de risque causé à autrui, régit par les articles 223-1 et suivants du Code pénal.

Pour que ce délit soit caractérisé, il est nécessaire d’apporter quatre types de preuves cumulatives.

En premier lieu, il convient démontrer l’existence d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, ce qui est assez aisé en l’espèce s’agissant d’un faux contrôle technique.

Ensuite, il s’agirait d’établir la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, qui peut être la commission d’un acte en transgression d’une règle ou l’abstention de faire ce que la règle prescrit. En la matière, c’est l’ommission qui est reprochée aux centres de contrôles techniques qui effectuent des contrôles de complaisance.

Il faut également prouver le fait d’exposer autrui directement.

Enfin, il faut démontrer l’existence pour autrui d’un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Cela relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, qui devront caractériser le lien de causalité direct et immédiat entre la violation de la règle et l’exposition au risque. Il n’est pas nécessaire que la violation soit la cause exclusive du danger.

La sanction est sévère pour les centres de contrôle technique car le délit de risque causé à autrui est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, outre des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer une activité en lien avec l’infraction commise pour les personnes physiques ou l’interdiction d’exercer l’activité au cours de laquelle l’infraction a été commise pour les personnes morales.

Dans une affaire récente, le Cabinet a obtenu gain de cause devant les juridictions civiles sur le fondement de la garantie des vices cachés. Dans cette espèce, le Juge a prononcé la résolution du contrat de cession du véhicule et condamné le vendeur au remboursement du prix du véhicule. Il a également condamné solidairement le vendeur et le centre de contrôle technique au paiement de dommages et intérêts.

Aujourd’hui, il est donc possible de combattre efficacement les ventes de véhicules avec contrôle technique de complaisance par le biais du mécanisme de la garantie des vices cachés et d’obtenir la résolution de la vente et la condamnation du vendeur et du centre de contrôle technique au paiement des frais de procédure.

Maître Béatrice COHEN www.bbcavocats.com
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