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Porno au travail : attention au licenciement pour faute grave ! Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : vendredi 19 octobre 2018
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La pornographie est partout : sur les téléphones, dans la mode (porno chic) et aussi sur les ordinateurs au boulot.
La Cour de cassation vient de rendre 2 arrêts en date du 3 octobre 2018 (C. cass. 3 octobre 2018 n°17-13089 et 16-23968), pour lesquels elle statue sur la validité de licenciements pour fautes graves de salariés qui avaient consulté des sites pornographiques au travail.

Dans le 1er arrêt du 3 octobre 2018 (n°17-13009) favorable à la société, la Cour de cassation considère que 800 connexions à des sites pornographiques durant 1 mois, par un salarié justifie un licenciement pour faute grave.

Dans le second arrêt du 3 octobre 2018 (n°16-23968) favorable au salarié, la Cour de cassation considère que le licenciement pour faute grave d’un salarié pour avoir consulté des sites pornographiques était dénué de cause réelle et sérieuse car l’employeur ne pouvait pas prouver que le salarié était réellement l’auteur des connexions litigieuses.

En tout état de cause, il est conseillé aux salariés de lire les chartes « internet » en vigueur dans leur entreprise et de proscrire les connections à des sites pornographiques sur leurs ordinateurs professionnels, faute de quoi, ils risquent un licenciement pour faute grave.

1) 800 connexions à des sites pornographiques en 1 mois = licenciement pour faute grave (c. cass. 3 oct. 2018, n°17-13089).

M. C., engagé par la société Chang Hing Wing le 30 novembre 1996 et dont le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2009 à la société Propadis dans laquelle il occupait en dernier lieu les fonctions de technicien d’exploitation, a été licencié pour faute grave par lettre du 6 juillet 2012.

La Cour d’appel de Cayenne avait déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel a retenu que l’employeur ne démontrait pas que les consultations et les téléchargements de données pornographiques étaient intervenus exclusivement pendant les heures de service de celui-ci, ni qu’ils présentaient un caractère délictueux ou qu’ils avaient eu une incidence sur l’activité professionnelle du salarié ou sur la sécurité du réseau.

La société s’est pourvue en cassation.

Dans un arrêt du 3 octobre 2018 (n° 17-13089), la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Cayenne qui avait dit que le licenciement était dénué de faute grave.

Au visa des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, la Cour de cassation affirme «  que la cour d’appel constatait que le salarié s’était connecté 800 fois en un mois, dont 200 fois en sept jours à des sites à caractère pornographique depuis un ordinateur mis à sa disposition par son employeur et strictement affecté à un usage professionnel et qu’il avait stocké des données de cette nature sur un disque dur externe lui appartenant, rapporté et utilisé sur son lieu de travail, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés  ».

L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Cayenne autrement composée.

Il est probable que la cour d’appel de renvoi validera le licenciement pour faute grave.
Rappelons que l’employeur peut contrôler l’historique des connexions internet effectuées sur un ordinateur professionnel d’un salarié car il est la propriété de l’entreprise.

Dans l’arrêt du 3 octobre 2018, le salarié s’était connecté plus de 800 fois en 1 mois à des sites pornographiques sur son ordinateur professionnel ; il avait aussi « stocké des données de cette nature sur un disque dur externe lui appartenant, rapporté et utilisé sur son lieu de travail ».

Dès lors, le licenciement pour faute grave est quasi inévitable.

Il est aussi conseillé aux salariés de lire attentivement les chartes d’utilisation d’internet dans l’entreprise et de les respecter.

Les salariés doivent aussi proscrire les connections à des sites pornographiques sur leurs ordinateurs professionnels, faute de quoi ils risquent un licenciement pour faute grave.

2) Connexion à des sites pornographiques au travail : l’employeur doit prouver que le salarié en est l’auteur pour pouvoir valablement licencier l’intéressé pour faute grave (c. cass. 3 oct. 2018, n°16-23968).

Engagé par la société Analyses et risques immobiliers le 2 janvier 2003 en qualité de responsable du service d’expertise de l’agence de Marseille, M. Y a été licencié pour faute grave par lettre du 20 mars 2012.

Par arrêt du 8 juillet 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

La société s’est pourvue en cassation.

Dans un arrêt du 3 octobre 2018 (n°16-23968), la Cour de cassation rejette le pourvoi.

La Cour de cassation relève que « la cour d’appel a constaté, sans modifier l’objet du litige, que les codes d’accès de chacun des ordinateurs de la société consistaient dans les simples initiales de leurs utilisateurs habituels respectifs et que les doubles des clés de l’ensemble des bureaux étaient également accessibles, de sorte qu’il était possible à n’importe lequel des salariés d’avoir accès au poste informatique du salarié ».

Elle ajoute que « ensuite, qu’ayant constaté que le procédé de géolocalisation, au moyen duquel l’employeur entendait démontrer la présence du salarié dans l’entreprise lors des connexions litigieuses, n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, n’avait pas été soumis à une consultation des représentants du personnel et n’avait pas fait l’objet d’une information individuelle préalable auprès des salariés, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’était pas un mode de preuve licite ».

Enfin elle conclut « qu’ayant constaté que l’employeur ne produisait aucun autre élément permettant de s’assurer que le salarié était réellement l’auteur des connexions litigieuses, la cour d’appel, qui n’avait pas à entrer dans le détail de l’argumentation des parties ni à s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter et procédant à la recherche prétendument omise, en a déduit que l’imputabilité des faits reprochés au salarié n’était pas établie et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

Les faits de l’espèce étaient très spécifiques car il était possible à n’importe lequel des salariés de l’entreprise d’avoir accès au poste informatique du salarié qui faisait l’objet du licenciement car « les codes d’accès de chacun des ordinateurs de la société consistaient dans les simples initiales de leurs utilisateurs habituels respectifs et que les doubles des clés de l’ensemble des bureaux étaient également accessibles ».

De plus, comble de malchance pour l’employeur, le procédé de géolocalisation, au moyen duquel l’employeur entendait démontrer la présence du salarié dans l’entreprise lors des connexions litigieuses était illicite, car il n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable à la CNIL, n’avait pas été soumis à une consultation des représentants du personnel et n’avait pas fait l’objet d’une information individuelle préalable auprès des salariés.

L’employeur ne pouvant pas prouver que le salarié était réellement l’auteur des connexions pornographiques, l’imputabilité des faits n’était pas établie ; dès lors le licenciement était sans cause.

Cette décision doit être approuvée.

(Décisions ci-joint en PDF)

Cour de cassation,03/10/2018, N°16-23.968
Cour de cassation,03/10/2018, N°17-13089
Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum