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Encore de l’actualité concernant le sens des conclusions du rapporteur public. Par Alexis Deprau, Docteur en droit.
Parution : mardi 23 octobre 2018
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Souvent critiqué par les requérants, y voyant un manque d’impartialité, que ce soit pour sa présence au délibéré ou pour ses conclusions, le rapporteur public n’en finit pas d’être concerné par la jurisprudence administrative.

Par deux décisions (CE, 30 mai 2018, n°402919 et CE, 26 juillet 2018, n°403389), la haute juridiction administrative a dû se prononcer une fois de plus sur les conclusions de ce magistrat.

Le 30 mai 2018 (n°402919), le Conseil d’État a rappelé que le sens des conclusions doit être indiqué aux parties suffisamment tôt avant l’audience, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En effet, « il ressort du relevé de l’application « Sagace » que le sens des conclusions du rapporteur public sur l’affaire en litige a été porté à la connaissance des parties à 17 heures le 31 mai 2016, alors que l’audience publique devait se tenir à 10 heures le 1er juin 2016. Dans les circonstances de l’espèce, les requérants ne peuvent être regardés comme ayant été mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, le sens de ces conclusions. Il s’ensuit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que le jugement attaqué a été rendu au terme d’une procédure irrégulière et qu’il doit, dès lors, être annulé ». De ce fait, le sens des conclusions du rapporteur public n’a pas été indiqué dans un délai raisonnable, en violation de l’article R. 711-3 du Code de de justice administrative.

Puis, dans la décision CE, 26 juillet 2018, Association Sukyo Mahikari France (n°403389), la haute juridiction administrative a dû préciser que les parties ou leurs mandataires devaient être informés dans un délai suffisamment raisonnable, de la dispense ou non des conclusions du rapporteur public. En l’espèce, dans la mesure où la dispense des conclusions avait été mentionnée sur le logiciel « Sagace » deux jours avant l’audience, il n’y a donc pas eu méconnaissance de l’article R. 732-1-1 du Code de justice administrative.

Ces deux jurisprudences ne font que souligner des litiges où la question de fond, à l’origine du litige, semble autant importante que la procédure propre à l’action du rapporteur public. Cela avait déjà été le cas pour :
- l’institution du commissaire du Gouvernement et le fait de savoir si les conclusions devaient être transmises aux parties. (CE, 29 juillet 1998, Mme Esclatine, n°179635 ; n°180208) ;
- le fait de savoir s’il fallait communiquer préalablement les conclusions aux parties (Cour EDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, n°39594/98) ;
- la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré (Cour EDH, 12 avril 2006, Martinie c/ France, n°58675/00). Ce point avait nécessité la modification de l’article R 733-3 CJA [1] avec le décret 2006-964 du 1er août 2006, le Conseil d’État ayant ensuite déclaré légal ledit décret car il permet à toute partie au litige de s’opposer à la présence du commissaire au délibéré, et il y a donc garantie du respect des exigences découlant du droit à un procès équitable (CE, 25 mai 2007, M. Courty, n°296327) ;
- la signification du sens des conclusions du rapporteur public (CAA Nantes, 14 décembre 2012, Association EPAL, n° 11NT02797) ;
- l’atteinte ou non du droit à un procès équitable en raison de l’office particulier du rapporteur public, ce qui n’est pas le cas (Cour EDH, 4 juin 2013, Marc Antoine c. France, n°54984/09) ;
- ou encore, sur le fait de savoir si un juge qui a rempli son office en tant que juge du référé provision exerce ensuite des fonctions de rapporteur public, concernant la même affaire devant la juridiction du fond (CE, 5 juillet 2017, M. M., n°402481).

Bref, il semble que malgré les nombreux arrêts, ainsi que les diverses modifications apportées en matière de procédure administrative contentieuse, la jurisprudence portant sur le rapporteur public et son office particulier ne soit pas terminée.

Alexis Deprau, Docteur en droit

[1« Sauf demande contraire d’une partie, le rapporteur public assiste au délibéré. Il n’y prend pas part. / La demande prévue à l’alinéa précédent est présentée par écrit. Elle peut l’être à tout moment de la procédure avant le délibéré. »