Village de la Justice www.village-justice.com

La vocation successorale du conjoint survivant. Par Adélaïde Reynaud.
Parution : mercredi 24 octobre 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/vocation-successorale-conjoint-survivant,29783.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Depuis la loi du 03 décembre 2001, le conjoint survivant jouit d’une reconnaissance successorale. En effet, l’article 732 du Code civil affirme qu’est « conjoint successible le conjoint survivant non divorcé ». Cependant, il existe une multitude de situations familiales qui entrent en compte lors de l’analyse de la vocation successorale de ce dernier.

La place du conjoint survivant dans la succession du de cujus.

Bien qu’il dispose aujourd’hui de droits dans la succession du de cujus, la situation dans laquelle se trouve le conjoint survivant doit indéniablement être prise en compte dans le calcul de ses droits successoraux.

En présence de descendants du de cujus.

En présence d’enfants communs, le conjoint survivant bénéficiera d’un choix confortable face aux biens de la succession du de cujus. En effet, il pourra choisir d’opter, soit pour l’intégralité en usufruit des biens successoraux, soit pour la propriété du quart de ces derniers (art. 757 du C. civ.).

En revanche, dès lors que les descendants ne sont pas le fruit d’une union commune, le conjoint survivant verra son choix limité au seul quart, en pleine propriété, des biens composants la succession. Par conséquent, en l’absence d’enfants communs, le de cujus ne pourra prétendre à l’intégralité des biens en usufruit (art. 757 du C. civ.). Choix perçu éventuellement comme réducteur aux yeux du conjoint survivant, mais assurément protecteur quant aux enfants nés d’union(s) précédente(s) qui verraient alors le patrimoine de leur défunt ascendant englouti par un individu extérieur à leur cercle familial.

En présence des pères et/ou mères du de cujus.

Dans le cas où le conjoint survivant se retrouverait en face de ses deux beaux-parents, à savoir les pères et/ou mères du de cujus sans laisser de descendants (communs ou non), l’article 757-1 al. 1er du Code civil, précise que celui-ci peut prétendre cette fois-ci à la moitié des biens composants la succession. Plus précisément, les beaux-parents du conjoint survivant (les ascendants du de cujus) hériteraient respectivement et individuellement d’un quart de la succession, chacun, laissant donc la moitié de celle-ci à la disposition du conjoint survivant.

A contrario, lorsque le conjoint survivant se retrouve en présence d’un seul des parents, père ou mère, du de cujus, il pourra bénéficier des trois-quarts de l’intégralité des biens de la succession (art. 757-1 al. 2 du C. civ.). L’ascendant du de cujus, quant à lui, se verrait attribuer le quart restant de la succession.

Enfin, il est toujours envisageable que le conjoint survivant ne se retrouve confronté ni aux descendants du de cujus, ni aux père(s) et/ou mère(s) de celui-ci.

En l’absence de successibles "directs".

Dans cette situation, lorsque le de cujus décède sans laisser d’enfants (communs ou non), de père(s) et/ou de mère(s) ou de descendants (autres que les enfants), l’intégralité de la succession revient au conjoint survivant (article 757-2 du C. civ : « […] le conjoint survivant recueille toute la succession »).

Cependant, le principe n’est pas universel. En effet, dès lors qu’il existe des successibles « éloignés », le législateur a conféré à ses derniers des privilèges afin d’assurer une continuité et une protection du cadre familial préexistant, à savoir, celui construit avant l’union du défunt et du conjoint survivant.

Cas des héritiers particuliers.

C’est donc dans un élan de protectionnisme que le Code civil offre aux collatéraux privilégiés un droit de retour sur les biens qu’aurait reçu le de cujus avant sa mort. De la même manière, certains ascendants ordinaires peuvent bénéficier d’une créance d’aliments à valoir contre la succession du défunt.

1. Le droit de retour des collatéraux privilégiés .

L’article 757-3 du Code civil annonce qu’en l’absence de descendants du de cujus et qu’en cas de prédécès des père(s) et/ou mère(s) du défunt (les parents sont décédés avant le défunt lui-même) les biens reçus par ces derniers (succession ou donation), ont vocation successorale et sont alors dévolus, par moitié, aux frères et sœurs du de cujus, ou alors, le cas échéant, à leurs propres descendants.

Cette situation témoigne, une nouvelle fois, de la volonté du législateur de protéger le cercle familial initial. Les biens de famille restent alors dans la famille et ne sont plus transmis au conjoint survivant, pouvant être perçu comme individu extérieur.

Cependant, le droit de retour ne pourra être revendiqué par les collatéraux privilégiés qu’en présence de biens reçus à titre gratuits par le de cujus (de la part de ses père(s) et/ou mère(s) uniquement). De plus, ce dernier ne devra pas les avoir aliénés à titre gratuit ou onéreux, ou encore les avoir transmis par le biais d’un testament (au profit du conjoint survivant ou non).

De plus, l’article 757-3 du Code civil précise in fine que seuls les frères et/ou sœurs germains sont concernés par l’évocation du droit de retour. En effet, ni les frères et/ou sœurs utérins ou consanguins ne peuvent revendiquer ce droit de retour.

2. La créance d’aliments contre la succession du défunt.

Enfin, il existe des situations singulières où une créance d’aliment peut être prélevée sur la succession du de cujus. En effet, deux situations sont envisageables : dans un premier temps, lorsque le conjoint survivant recueille l’intégralité de la succession (voir supra), les ascendants ordinaires (grands-parents et arrières grands-parents) peuvent réclamer une pension alimentaire (article 758 al. 1er du C. civ.).

Dans un second temps, lorsque le conjoint survivant se retrouve dans la situation de l’article 757-1, al. 2 du Code civil (il n’est en présence que d’un seul des père(s) et/ou mère(s) du de cujus), les ascendants ordinaires pourront alors solliciter une créance alimentaire contre le parent survivant.

Dans ces deux situations, il est nécessaire de rappeler que la créance d’aliments est directement prélevée sur la succession du défunt et que, par conséquent, cette mesure vient impacter l’intégralité des héritiers qui y prétendent.

Conclusion.

En conclusion, depuis la loi du 03 décembre 2001, le législateur a conféré une véritable vocation successorale au conjoint survivant. Cependant, malgré des droits exacerbés, la protection des biens familiaux originaux demeure. Enfin, outre ces mesures, le conjoint pourra aussi prétendre à des droits divers, tels que le droit temporaire au logement (articles 763 et s. du C. civ), le droit à une pension alimentaire (article 767 du C. civ), l’attribution préférentielle ou encore un droit de créance pour sa participation à l’activité professionnelle du de cujus (article L.321-21-1 du Code rural).

Adélaïde Reynaud