Village de la Justice www.village-justice.com

Désigner une personne de confiance : un droit du patient méconnu ? Par Isabelle Brient, Avocate.
Parution : lundi 29 octobre 2018
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/designer-une-personne-confiance-droit-patient-meconnu,29829.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Nommer par anticipation, une personne de confiance susceptible de porter notre parole dans le cas où nous deviendrions incapables d’exprimer notre volonté au sein d’une situation médicale complexe est un droit et non une obligation prévue par la loi.
Mais pour autant, la personne de confiance, interlocutrice privilégiée du médecin connaît un succès relatif, son rôle mal connu est souvent un frein à sa désignation.

Depuis la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative « aux droits des malades et à la qualité du système de santé », la relation « médecin-patient » de type paternaliste a fait place à une relation égalitaire renforçant le statut du malade. Cette loi consacre le droit à l’information du patient et le droit pour le patient de consentir aux décisions médicales. Elle a introduit une mesure phare : la possibilité de désigner une personne de confiance faisant ainsi intervenir un tiers dans la relation « médecin-patient ».

L’article L.1111-6 du Code de la Santé Publique (CSP) définit la personne de confiance et son rôle : "toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne (…) La désignation de la personne de confiance est révisable et révocable à tout moment.
Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions
".

La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative « aux droits des malades et à la fin de vie » et la loi n°2016-87 du 2 février 2016 créant de « nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » (lois Léonetti) donnent la possibilité de désigner une personne de confiance dans le but de représenter la personne dans le cas où elle ne pourrait plus exprimer sa volonté.

De même, la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à « l’adaptation de la société au vieillissement » permet de désigner une personne de confiance si une personne décide d’aller vivre dans un établissement pour personnes âgées ou si elle fait appel à un service médico-social (services d’aide à domicile, services de soins infirmiers à domicile, HAD…).

La personne de confiance est dépositaire de la volonté du patient surtout si celle-ci a été clairement exprimée mais elle ne doit pas être considérée comme un contre-pouvoir annulant la responsabilité du médecin.

Porte-parole du patient, la personne de confiance veille au respect de sa dignité.

1) Qui peut désigner une personne de confiance ?

Pour désigner une personne de confiance, il faut être soi-même en état d’exprimer sa volonté.

L’article L.1111-6 du CSP énonce que « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance », quant au patient mineur, ce sont les titulaires de l’autorité parentale qui seront consultés par le médecin.

Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, elle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Si une personne de confiance a été désignée avant la mesure de tutelle, le juge ou le conseil de famille selon le cas, peut confirmer ou révoquer cette désignation (art. L.1111-6 du CSP).

2) Qui peut être désigné comme personne de confiance ?

La loi laisse le libre choix au patient. L’article L.1111-6 du CSP précise : « la personne de confiance peut être un parent, un proche ou le médecin traitant ».

Aucun lien de parenté n’est donc exigé, des critères d’affection, de proximité géographique ou de compétences particulières peuvent présider à ce choix mais c’est avant tout la notion de confiance qui devra prévaloir par-dessus tout.

Le terme de « parent » désigne un membre de la famille choisit selon des critères personnels. Par contre, la notion de « proche » est plus difficile à définir, il appartiendra au patient lui-même d’apprécier les liens affectifs qui le lient à la personne justifiant ainsi sa désignation. Dans 96% des cas, c’est un membre de la famille qui est choisi comme personne de confiance.

Le médecin traitant pourra agir en qualité de « personne de confiance » à l’occasion de soins qu’il ne dispense pas à son patient. Il ne peut y avoir cumul de fonctions, ce n’est pas dans l’esprit de la loi. Par contre, rien ne s’oppose à ce qu’il le soit le temps d’une hospitalisation.

Il est important avant de désigner sa personne de confiance que le patient échange avec elle afin que cette dernière comprenne bien ses choix et sa volonté car elle sera son fidèle porte-parole le moment venu. Le patient doit éprouver un sentiment de sécurité suffisant et d’apaisement vis-à-vis de sa personne de confiance notamment en fin de vie.
La désignation de la personne de confiance peut être aussi un moment privilégié pour réfléchir à ses conditions de fin de vie avec son médecin et son entourage.
Un patient hospitalisé peut rencontrer des difficultés à désigner une personne de confiance en l’absence de parent ou de proche.

Il peut choisir un membre du service médical mais ce choix est à éviter car le soignant pourrait se retrouver dans une situation de « juge et partie ».

De même, il est déconseillé de choisir un bénévole du service de médecine car celui-ci risque d’outrepasser la mission qui lui est dévolue notamment de conseiller le patient dans ses choix thérapeutiques.

Mieux vaut s’abstenir et faire « confiance » au corps médical qui assure la prise en charge du malade.

La personne de confiance qui est désignée peut être la même que la personne à prévenir en cas de nécessité.

Le patient ne peut désigner qu’une seule personne de confiance.

3) A quel moment la personne de confiance est-elle désignée ?

La désignation de la personne de confiance peut intervenir à tout moment, avant même la survenance d’une quelconque maladie. Lorsque la personne est malade, elle peut, dès lors qu’elle le souhaite, désigner une personne de confiance pour l’accompagner et la seconder à l’occasion de soins à domicile ou au cabinet du médecin.

- Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation.
- En cas d’hospitalisation, les établissements de santé sont tenus de proposer au patient admis la désignation d’une personne de confiance (art. L.1111-6 du CSP).
- La loi du 28 décembre 2015 relative à « l’adaptation de la société au vieillissement » permet aux personnes âgées résidant dans des établissements d’hébergement ou faisant appel à un service médico-social (service d’aide à domicile, services de soins infirmiers) de désigner une personne de confiance. Dans ce cas, c’est le responsable de la structure qui informera la personne qu’elle a la possibilité de désigner une personne de confiance 8 jours au moins avant son admission en lui communiquant un document explicatif sur le rôle de la personne de confiance.

Malgré l’absence de sanction en cas de non-respect de cette obligation, l’information du patient est globalement acquise dans les structures.

4) Selon quel formalisme la personne de confiance est-elle désignée ?

L’équipe soignante de l’hôpital, de l’EHPAD ou de tout autre lieu de résidence, hébergement (établissement social ou médico-social) informera le patient de la possibilité de désigner une personne de confiance. Cette désignation doit être faite par écrit et cosignée par la personne de confiance.

Sur le formulaire de désignation de la personne de confiance doit être mentionné :
- Nom, prénom, adresse, numéros de téléphone privé et professionnel, numéro de portable et E-mail de la personne de confiance.
- La personne de confiance devra indiquer si le patient lui a fait part de ses directives anticipées ou de ses volontés si un jour elle n’est plus en état de s’exprimer et enfin, si elle possède un exemplaire de ses directives anticipées (art. L.1111-6 du CSP).

En cas d’impossibilité physique d’écrire seul le formulaire de désignation, deux témoins peuvent attester que la désignation de la personne de confiance est bien l’expression de la volonté de la personne.

Ce formulaire sera joint au dossier médical et un double devra être remis à la personne de confiance.

Il existe un modèle de directives anticipées où il est possible de désigner sa personne de confiance.

La désignation de la personne de confiance peut aussi se faire sur papier libre.
Il est important que les proches et que le médecin soient informés qu’une personne de confiance a été désignée.

5) Pour quelle durée une personne de confiance est-elle désignée ?

En cas d’hospitalisation, la personne de confiance reste compétente pour toute la durée de l’hospitalisation du patient sauf si ce dernier en dispose autrement (art. L.1111-6 du CSP). Le patient peut révoquer sa personne de confiance à tout moment et en choisir une autre. Il suffit de remplir un nouveau formulaire tout en conservant l’ancien, tous deux seront placés dans le dossier médical. La personne de confiance peut également décider de ne plus assumer ce rôle.

6) Quel est le rôle de la personne de confiance ?

Le rôle de la personne de confiance diffère selon le degré d’altération de conscience et de compétence du patient.

Si le patient est conscient ou garde une certaine autonomie (une maladie d’Alzheimer par exemple), la personne de confiance accompagne le patient, à sa demande tout au long de sa prise en charge (assiste aux entretiens médicaux) et l’aide à prendre ses décisions (art. L.1111-6 du CSP). Si le patient est amené à consulter son dossier médical, il peut demander à sa personne de confiance de l’accompagner dans sa démarche. Le secret médical est alors partagé.

En revanche, le secret médical n’est pas levé vis-à-vis de la personne de confiance qui n’a pas directement accès au dossier médical.

La personne de confiance peut poser des questions auxquelles le patient n’aurait peut-être pas pensé qui pourront l’aider à prendre une décision (le patient peut être sous le choc d’une annonce). La personne de confiance ne décide pas à la place du malade mais les médecins prendront en compte son avis et la tiendront informée. Le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre témoignage (art. L.1111-6 du CSP).

Le patient peut demander que certaines informations concernant son état de santé ne soient pas communiquées à la personne de confiance, ces informations resteront confidentielles. De même, le patient peut demander que sa personne de confiance ne l’accompagne pas systématiquement pour toutes ses démarches et ses entretiens médicaux.

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, la personne de confiance peut recevoir, au même titre que la famille ou les proches, les informations nécessaires destinées à lui permettre d’apporter un soutien direct au malade, sauf opposition de ce dernier (art. L.1110-4 du CSP).

Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, ou atteint de démence profonde ou encore en fin de vie et en l’absence de directives anticipées, c’est à ce stade que le rôle de la personne de confiance est primordial dans l’expression de la volonté du malade. « Prisonnière de sa maladie », la personne de confiance aura pour mission de porter la parole du patient.

Le médecin a l’obligation de s’enquérir de la volonté exprimée par le patient, elle sera consultée en priorité par le médecin ou l’équipe médicale. Il est important de noter, qu’en présence de directives anticipées, la personne de confiance s’inscrit dans la même temporalité que l’équipe soignante contrairement aux directives anticipées qui peuvent avoir été rédigées bien avant la phase aiguë de la maladie.

La personne de confiance est consultée, au même titre que la famille ou les proches en cas de limitation ou d’arrêt des traitements susceptibles de mettre la vie du patient en danger (art. L.1111-4 du CSP) ou de phase terminale d’une affection grave et incurable (art. L.1111-13 du CSP) ou la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. La personne de confiance doit toujours être consultée et être informée des procédures collégiales. Elle est informée avant la mise en place d’un protocole compassionnel (art. L.5121-12 du CSP) ou en cas de traitement pouvant avoir pour effet secondaire d’abréger la vie (art. L.1110-5 du CSP).

En l’absence de directives anticipées, son avis l’emporte sur tout autre avis émis par la famille ou les proches (art. L.1111-12 du CSP). La nature et les motifs de la décision lui sont communiqués. La personne de confiance peut elle-même prendre l’initiative de demander l’ouverture d’une procédure collégiale préalable à une décision de limitation ou arrêt de traitement et de mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès associé à une analgésie (art. 37 du code de déontologie médicale). Mais l’avis de la personne de confiance n’est pas décisionnel, le médecin n’est pas lié par son avis, le médecin conserve sa liberté d’appréciation et de décision.

En présence de directives anticipées, la personne de confiance devra les transmettre au médecin.

En résumé, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée sans que la personne de confiance n’ait été consultée, sauf en cas d’urgence ou d’impossibilité de la contacter (art. L.1111-4 du CSP).

Si le patient a été accueilli dans un établissement social ou médico-social, le rôle de la personne de confiance sera différent de celui de la personne de confiance prévue par le Code de Santé Publique :
- Elle donne son avis et elle est consultée lorsque la personne rencontre des difficultés dans la connaissance de ses droits.
- Elle l’accompagne lors des entretiens préalables à la signature du contrat de séjour.
- Elle l’assiste dans ses démarches et entretiens médicaux.

Mais, cette personne de confiance peut aussi remplir la mission dévolue à la personne de confiance telle qu’elle est prévue dans le Code de Santé Publique. Le médecin exerçant dans le secteur médico-social peut être confronté, selon le cas, à deux personnes de confiance ou à une seule remplissant alors les deux rôles prévus par le Code de l’action sociale et des familles et par le Code de Santé Publique.

7) Autres rôles de la personne de confiance.

La personne de confiance peut aussi intervenir dans des contextes médicaux particulièrement encadrés par la loi :
- Les essais thérapeutiques : elle reçoit l’information adaptée si le patient ou son représentant légal ne peut pas la recevoir.
- La recherche biomédicale : dans les situations où le consentement de la personne ne peut être recueilli (urgence ou personne hors d’état de le donner), celui-ci peut être demandé à la personne de confiance.
- Les tests génétiques : lorsqu’il est impossible de recueillir le consentement de la personne concernée, la personne de confiance peut être consultée.
- Lors d’une hospitalisation psychiatrique sous contrainte : la personne de confiance peut accompagner la personne malade lors des autorisations de sortie.

8) Quelle responsabilité encourt la personne de confiance ?

La désignation de la personne de confiance est une démarche grave de conséquences qui demanderait en pratique beaucoup plus de temps laisser à la réflexion. Sa responsabilité ne saurait a priori être engagée car l’article L.1111-6 du CSP ne lui confère aucun mandat pour agir au nom et pour le compte du patient. Elle n’encourt donc aucune responsabilité contractuelle. Toutefois, sa responsabilité sur le plan délictuel (article 1382 du Code Civil) pourrait être recherchée si elle venait à divulguer des informations soumises au secret médical.

En conclusion.

« Quand la conscience s’en va… » : anticiper la maîtrise de son destin en le confiant à sa personne de confiance est essentiel pour faire respecter sa volonté.

Cependant, le concept de la personne de confiance ne semble pas avoir connu, depuis 2002, le succès escompté. La possibilité de désigner une personne de confiance reste assez méconnue des patients et des professionnels de santé. Cela tient sans doute à ce que sa désignation et son rôle sont source de difficultés pour les professionnels de santé.

En pratique, dès le début de l’hospitalisation, le médecin doit obligatoirement proposer au malade de désigner par écrit une personne de confiance en lui expliquant son rôle mais pour des raisons diverses, ce n’est jamais le médecin qui se charge de cette proposition qui dans les faits se résume souvent à une simple démarche administrative lors de l’admission.

La démarche pour le personnel soignant est délicate et dérangeante, comment dès l’admission du patient à l’hôpital aborder la question de son éventuelle perte d’autonomie psychique faisant peser le spectre de très graves complications tel un coma ou un état végétatif alors même que la situation est peu probable ? Comment anticiper une situation désagréable qui peut-être incertaine à court terme quand l’hospitalisation constitue déjà un choc pour le malade ? Toutefois, certains services comme la chirurgie ou la neurologie ou les EHPAD sont plus rôdés à cette pratique.

La loi n’envisage pas que la personne de confiance choisie peut rencontrer des difficultés à comprendre les informations médicales et à juger la situation du malade.

En plus, l’équipe soignante doit gérer à la fois les informations données au patient, à la famille, aux proches et à la personne de confiance, en tenant compte de ce qui est au cœur même de leur relation avec le patient : le secret professionnel.

Dans sa version initiale, l’article L.1111-6 du CSP ne visait que l’hospitalisation mais dans sa dernière version, il implique de façon plus importante le médecin traitant qui doit s’assurer que son patient a bien été informé de la possibilité de désigner une personne de confiance.

Mais en réalité, le fait-il ? Est-il assez informé sur cette notion pour inciter son patient à le faire ? Peut-être pas…

La désignation de la personne de confiance tout comme les directives anticipées sont des pratiques qui devront continuer à se développer [1] car elles sont intiment liées au respect de la volonté du patient en fin de vie. Les partisans pour la légalisation de l’euthanasie iront dans ce sens.

Rendre obligatoire la personne de confiance et les directives anticipées à partir d’un certain âge serait sûrement une bonne idée s’inscrivant dans l’ordre des choses mais c’est peut-être oublier que la mort peut nous donner rendez-vous à n’importe quel moment de notre existence…

Isabelle BRIENT Docteur en droit Avocate D.I.U "Responsabilité médicale et droit des malades" D.U "Réparation juridique du dommage corporel" Activités dominantes : droit de la responsabilité médicale, droit des malades, droit du dommage corporel. Autres domaines d’activités: droit pénal, droit administratif, droit de la famille, droit des assurances.

[114% des Français ont rédigé des directives anticipées en prévision de leur fin de vie, c’est plus important que les estimations qui étaient d’environ de 2,5%, c’est donc une avancée considérable. 42% des Français n’ont pas effectué cette démarche par méconnaissance de la loi du 22 avril 2005 (sondage Ifop-Alliance en octobre 2017).

Comentaires: