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L’incompétence du juge français pour statuer sur le nom d’usage d’enfants mineurs résidant à l’étranger. Par Héloïse Kawaishi, Avocat.
Parution : jeudi 1er novembre 2018
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Le 22 octobre 2018, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement mêlant les notions d’exercice de l’autorité parentale et de compétence territoriale.

En l’espèce, des relations de Monsieur A et de Madame B sont nés deux enfants mineurs français résidant habituellement au Royaume-Uni.

À la suite de la séparation des parents, et alors que les enfants étaient âgés de 10 et 14 ans, Madame B a sollicité que son nom patronymique soit adjoint à celui de ses enfants à titre de nom d’usage.

Une exception d’incompétence territoriale fut soulevée par le père. Revenons sur le raisonnement des parties avant d’exposer la solution du juge aux affaires familiales.

L’argument de la mère : l’application de l’article 1er du Règlement Bruxelles II Bis.

Pour Madame B, la compétence du juge français était fondée sur l’article 1er 3ème c du Règlement Bruxelles II Bis selon lequel le règlement ne s’appliquait pas aux noms et prénoms de l’enfant. Autrement dit, le juge de la nationalité des enfants, française en l’espèce, devait déterminer la compétence territoriale du juge compétent.

Les moyens du père : l’application combinée des article 8 du Règlement Bruxelles II bis et 43 de la loi du 23 décembre 1985.

Tout en relevant l’application de la loi française et la légitimité de la demande de la mère, le père a contesté la compétence des juridictions françaises au profit des juridictions anglaises.

Monsieur A s’est en effet fondé sur l’article 8 du Règlement Bruxelles 2 bis selon lequel « Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. ».

Le règlement définit la responsabilité parentale comme « l’ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des biens d’un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite. ».

S’il est vrai que le père considérait que l’attribution du nom d’usage relevait de la compétence du juge français, il soutenait cependant que le fait d’autoriser les enfants mineurs à porter un nom d’usage avait trait à la responsabilité parentale au sens de l’article 8 du Règlement Bruxelles II bis.

Cette analyse était confirmée par le droit interne français, l’article 43 de la Loi n°85-1372 du 23 décembre 1985 disposant que : « Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. À l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale. ».

Le jugement : l’incompétence du juge français pour statuer sur le nom d’usage d’enfants mineurs résidant au Royaume-Uni.

La question posée au juge aux affaires familiales était la suivante : le juge français est-il compétent pour statuer sur le nom d’usage d’enfants mineurs français résidant habituellement au Royaume-Uni ?

Le tribunal de grande instance de Paris a répondu par la négative à la question posée : le juge français n’était pas compétent pour statuer sur le nom d’usage d’enfant mineur français résidant habituellement au Royaume-Uni.

En effet, il résulte des dispositions combinées de l’article 8 du Règlement Bruxelles II Bis et de l’article 43 de la loi du 23 décembre 1985 qu’à l’égard d’enfants mineurs, la faculté d’adjonction d’un nom patronymique à titre d’usage est mise en œuvre par les titulaires de l’autorité parentale.

Selon le juge aux affaires familiales, l’adjonction d’un nom d’usage relevait de l’exercice de l’autorité parentale.

Par conséquent, le Royaume-Uni, État signataire du Règlement Bruxelles II bis, était compétent en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant résidant habituellement au Royaume-Uni au moment où la juridiction était saisie.

Un jugement conforme au droit antérieur.

Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris adopte une définition de l’exercice de l’autorité parentale conforme aux dispositions législatives précitées et à la jurisprudence antérieure.

En effet, par un arrêt rendu le 3 mars 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°05-17.163) a, au visa de l’article 43 de la Loi n°85-1372 du 23 décembre 1985, jugé que « lorsque les parents sont investis conjointement de l’autorité parentale sur leur enfant mineur, l’un d’eux ne peut adjoindre, seul, à titre d’usage, son nom à celui de l’autre, sans recueillir, au préalable, l’accord de ce dernier ; qu’à défaut, le juge peut autoriser cette adjonction ».

Héloïse KAWAISHI, avocat et médiateur exerçant à Londres et à Paris, en charge du département Famille au sein du cabinet JURISGLOBAL. Mail: h.kawaishi@juris.global.