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Profession libérale, dettes professionnelles et communauté réduite aux acquêts ne font pas bon ménage. Par Héloïse Kawaishi, Avocat.
Parution : mardi 6 novembre 2018
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Et si le contrat de mariage faisait désormais partie des préparatifs du mariage au même titre que le choix de la robe de mariée, des invités et du menu ? S’il est vrai que la majeure partie des époux n’a pas encore pour habitude de rédiger un contrat mariage lors de l’échange des consentements, l’accroissement de la conception sécuritaire de l’amour, telle que décrite par Alain Badiou dans son ouvrage Éloge de l’Amour, laisse à penser que se marier aujourd’hui, c’est se protéger mais aussi protéger son conjoint des aléas financiers de sa tendre moitié.

Mariage sans contrat : l’application du régime de la communauté réduite aux acquêts.

En droit français, lorsque les époux ne signent pas de contrat devant un notaire, ils sont automatiquement soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts. Ce régime, prévu par les articles 1400 et suivants du Code civil, comporte des biens propres et des biens communs. Les biens propres, mobiliers et / ou immobiliers, sont acquis par les époux avant le mariage. Ils sont la propriété personnelle des époux. Les biens acquis pendant le mariage, ainsi que les revenus du travail, s’analysent en des biens communs aux époux.

Le patrimoine des époux se compose de biens propres, de biens communs mais aussi de dettes des époux. Ce dernier aspect peut être source de danger pour l’époux. En effet, en cas de mariage sans contrat, les biens communs des époux sont le gage des créanciers.

Mariage sans contrat, les biens communs des époux sont le gage des créanciers.

En droit, l’article 1413 du Code civil dispose que « Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Cet article signifie que les dettes contractuelle, délictuelle ou légale d’un époux peuvent être poursuivies sur le patrimoine commun des époux. Autrement dit, lorsqu’un époux exerçant une profession libérale contracte une dette professionnelle, les créanciers de cet époux peuvent poursuivre le patrimoine commun des époux pour obtenir le paiement satisfaction.

En cas de dettes professionnelles, les architecte, avocat, chirurgien-dentiste, commissaire aux comptes, commissaire-priseur, diététicien, ergothérapeute, expert-comptable, géomètre-expert, greffier auprès des tribunaux de commerce, ostéopathe, orthophoniste, psychologue, psychomotricien, sage-femme, vétérinaire (liste non limitative) doivent donc être particulièrement vigilants lors de leur mariage.

Éviter que les biens communs des époux soient le gage des créanciers.

Afin que le patrimoine commun des époux ne puisse pas être saisi par les créanciers, il leur est conseillé de signer devant un notaire un contrat de séparation de biens, un contrat de participation aux acquêts. La déclaration d’insaisissabilité est un minimum qui ne saurait palier la protection des deux précédents contrats.

Première solution : la séparation de biens.

Le contrat de séparation de bien, tel que décrit par les articles 1536 et suivants du Code civil, permet de séparer le patrimoine des époux. Chaque conjoint conserve la gestion, la jouissance et la libre disposition de ses biens propres sans avoir besoin du consentement de l’autre époux. Chaque époux est demeure seul responsable des dettes propres.

Par exception, les époux demeurent responsables des dettes relatives à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants.

Deuxième solution : la participation aux acquêts.

Le régime de la participation aux acquêts, tel que prévu par les articles 1569 et suivants du Code civil, est un régime matrimonial mixte. Il mêle les régimes de communauté réduite aux acquêts et de séparation de biens.

Concrètement, pendant toute la durée de l’union, la participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Les biens acquis avant et pendant le mariage demeurent des biens propres. Chacun des époux reste responsable des dettes seul contractées. En cas d’achat commun, le régime de l’indivision est applicable.

Lors de la dissolution du mariage notamment par divorce ou décès, chaque époux aura le droit de participer à hauteur de la moitié en valeur des acquêts de son conjoint. Ainsi, l’époux qui s’est enrichi le plus (différence entre le patrimoine originaire et le patrimoine final) sera débiteur d’une créance de participation à l’autre époux.

Troisième solution : la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale.

A défaut de contrat de séparation de biens ou de participation aux acquêts, nous recommandons à l’époux exerçant une profession libérale ou bien associé d’une société d’effectuer une déclaration d’insaisissabilité de sa résidence principale conformément aux articles L526-1 et suivants du Code de commerce.

Ainsi, la résidence principale des époux ne pourra pas faire l’objet d’une saisie immobilière et ce, même pour des dettes professionnelles.

Conseil aux futurs mariés ayant une dette professionnelle

Au regard des éléments qui précèdent, il est conseillé aux futurs époux exerçant une profession libérale de se marier sous le régime de la séparation de bien ou de la participation aux acquêts.

Héloïse KAWAISHI Avocat et médiateur en droit international de la famille