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Algérie : exemples de montages fiscaux, avantages et inconvénients. Par Mehdi Berbagui, Avocat.
Parution : jeudi 8 novembre 2018
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Les structures juridiques et fiscales en Algérie peuvent permettre une économie d’impôts à un redevable, et lui éviter les tracas de la responsabilité découlant de l’entreprise individuelle et de l’absence de personnalité juridique et fiscale distincte de celle de l’entrepreneur. Mais parfois, il est possible d’aboutir à un résultat fiscal assez proche.
Nous donnerons une illustration avec deux configurations, et nous verrons que les conséquences fiscales ne sont pas finalement si différentes que cela, avec quelques nuances.

1. Amine, un particulier non professionnel, acquiert les titres d’un actionnaire majoritaire sortant d’une société par actions (SPA), dénommée "Trans-algeria", qui exploite un fonds de commerce de transport de personnes.

Ces actions coûtent trois millions (3.000.000) de dinars algériens (ci-après DZD).

L’opération est financée de la manière suivante :
- Un apport personnel de cent mille (100.000) DZD ;
- Le rachat du compte courant de l’actionnaire sortant de deux cent mille (200.000) DZD, rémunéré à un taux d’intérêt annuel de 5% sur trente-six (36) mois (pour simplifier les choses, il s’agit d’un prêt consenti par l’actionnaire à la société) ;
- Et le reliquat, soit deux millions sept cent mille (2.700.000) DZD, somme que Amine a empruntée à un établissement de crédit à un taux de 5%, étalés sur une échéance de 10 ans.

L’année N, la SPA Trans-algeria réalise un bénéfice de sept cent mille (700.000) DZD.

Elle verse à Amine un dividende de 500.000 DZD.

Ce dernier perçoit également 27.777 DZD de rémunération provenant du compte courant d’associé.

D’abord, sur le plan du bénéfice distribué, l’article 147 bis du Code des impôts directs et des taxes assimilées (ci-après dénommée CIDTA), exonère la personne bénéficiaire d’une distribution de dividende de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) si cet impôt a déjà été honoré par la société distributrice. La disposition est la bienvenue puisqu’elle évite le risque de double imposition du revenu dans les sociétés de capitaux, sociétés dites « opaques » en fiscalité, où le risque est bien réel (imposition en deux étapes : lorsque le bénéfice est réalisé (i) puis lorsqu’il est distribué (ii)).

Amine a donc un revenu de l’année N de : 527.777 DA (dividendes et rémunération du compte courant), imposable à l’Impôt sur le Revenu Global (IRG) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (revenus de créances et titres).

Ce revenu est imposable dans la troisième tranche du barème progressif de l’IRG, soit à 30%.

Cela donne un impôt de : 158.333 DZD.

Amine a donc un bénéfice après impôt de : 369.444 DZD (527.777 – 158.333).

Par contre, et c’est très important de le souligner, s’agissant d’un particulier non professionnel, les intérêts de l’emprunt bancaire qu’il a contracté, ne sont pas déductibles de son résultat comptable, puisqu’il n’exploite pas une entreprise au sens large du terme et à titre principal.

Pour rappel, ces intérêts bancaires de l’année N s’élèvent à la somme de : 13.500 DZD.

Donc de son bénéfice après impôt il devra retrancher les 13.500 DZD d’intérêts d’emprunt, afin d’honorer ses engagements bancaires.

Il lui restera donc au total : 355.944 DZD.

2. Or, si Amine interpose une société holding, le schéma sera le suivant : une holding, nécessairement sous forme de SPA, sera une société de capitaux dont l’objet est de détenir une participation totale ou quasi-totale dans le capital de la société cible (la SPA TRANS-ALGERIA). L’intérêt est surtout d’avoir une holding animatrice, c’est-à-dire qui gère activement les participations et rend divers services administratifs et autres, à ses filiales, et non une holding « passive ».

Il existe deux intérêts principaux de la création d’une holding dans ce cas :
a. Le premier intérêt est que la holding sera soumise à l’IBS à un taux plus faible que le barème progressif de l’impôt sur le revenu global, qui, rappelons-le, peut atteindre jusqu’à 35% dans sa dernière tranche. Alors que le taux de l’IBS pour les activités de transport est de 26% (article 150 / 1 du CIDTA).

b. Le second intérêt, et qui n’est pas des moindres, est la possibilité d’opter pour le régime de l’intégration fiscale (ou régime du bilan consolidé ou consolidation fiscale), prévu aux articles 138 et 220 / 6 du CIDTA. Ce régime est ouvert aux groupes de sociétés, autrement dit à deux ou plusieurs sociétés par actions (SPA), ayant des liens capitalistiques prépondérants, et qui permet de dégager un résultat fiscal d’ensemble et seule la « holding tête de pont » sera redevable de l’impôt, après application des neutralisations fiscales intra-groupe et diverses déductions extracomptables pour éviter les double taxations.

Donc dans cette seconde variante, nous devinerons que c’est la holding qui souscrira l’emprunt bancaire et non Amine.

Ainsi, pour revenir aux calculs : la holding détenue quasi majoritairement par Amine recevra ses dividendes de 500.000 DZD, et les 27.777 DZD d’intérêts du compte courant d’associé.

En contrepartie, elle déduira les charges, qui sont :
- Les frais de gestion de la filiale, également appelés dans le jargon les « management fees », que l’on fixera par exemple à cent mille (100.000) DZD ; et
- Les intérêts de l’emprunt contracté pour l’acquisition des titres de la cible pour l’année N, qui sont toujours de 13.500 DZD.

Puisque le régime de la consolidation fiscale permet d’éviter les doubles impositions, seule la holding sera redevable de l’impôt, mais cela ne dispense évidemment pas la filiale de tenir sa propre comptabilité règlementaire.

Et donc le résultat fiscal du groupe sera le suivant :
- 500.000 DZD (dividendes remontés à la holding) + 27.777 DZD (rémunération du compte courant d’associé) – 100.000 DA (frais de management de la cible) – 13.500 DA (intérêts de l’emprunt bancaire) = 414.277 DZD.

N’oublions pas le fait que si l’une des deux sociétés était déficitaire, le déficit serait imputable sur le bénéfice éventuel de l’autre membre du groupe, et réduirait d’autant le résultat imposable d’ensemble. Idem pour les plus et moins-values. C’est d’ailleurs l’effet le plus intéressant et le plus remarquable de l’intégration fiscale.

Donc, en définitive, et même si les résultats ne sont pas très éloignés, l’intérêt de recourir à la holding est plus avantageux financièrement pour Amine que de contracter les engagements en son nom propre, et cela sans compter l’avantage de la responsabilité limitée aux apports, bien connue dans les sociétés de capitaux, sociétés dites "à risque limité".

Mehdi BERBAGUI Avocat aux barreaux de Paris et d\'Alger http://www.terra-lex.fr/